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Critique de MarianneL


Nina Allan invite le lecteur dans sa machine à explorer la fiction.

«Pour moi, Stardust est plus un roman fracturé qu'un recueil – songez à une coupe en terre cuite qui s'est fracassée sur le sol et qu'on reconstitue, tesson par tesson. Il faut examiner tous les morceaux pour voir lequel va avec l'autre, et il y a toujours un minuscule fragment qui manque, un espace qui ne peut être comblé que par l'imagination.» (La genèse de Stardust par Nina Allan, en postface)

Les six nouvelles et le poème qui composent «Stardust, Légendes de Ruby Castle» (2013), traduit de l'anglais par Bernard Sigaud pour Tristram (2015) peuvent effectivement se lire de façon indépendante et liée, comme dans «Complications», et Nina Allan, impressionnante, couvre ici des registres et territoires beaucoup plus vastes que dans son précédent recueil.

Trait d'union annoncé, Ruby Castle, actrice de cinéma mystérieuse ayant joué dans des films d'épouvante, est un fil ténu, apparaissant dans les éclats de ce roman fracturé : actrice de films d'épouvante qui fascine Michael, un adolescent passionné d'échecs le jour de sa première défaite majeure dans un tournoi (Face B), artiste dans une caravane de forains, le jour où ils ramassent une femme sortie de nulle part, sauvage et menaçante, au bord de l'autoroute (Le Ver du Lammas), sujet du poème «Reine rouge» qui conclut ce recueil… mais ces apparitions de biais éclairent d'une seconde lumière les possibilités et la puissance de la fiction de Nina Allan, en nous invitant à changer de perspective.

Les nouvelles les plus longues, «La porte de l'avenir», «Poussière d'étoiles» et «Le naufrage du Julia» sont d'authentiques chefs d'oeuvre. «La porte de l'avenir » est le récit complexe et poignant des retrouvailles d'Andrew avec son vieil ami allemand Thomas Emmerich, perdu de vue depuis la guerre après le drame de la disparition de Claudia qu'il accompagnait dans une fête foraine. Cette histoire s'entremêle avec celle des frères Gelb, inventeurs de labyrinthes fascinants au XIXème siècle. «Poussière d'étoiles» revient sur deux événements concomitants en Juillet 2029, le décollage de la première fusée russe propulsée par un moteur à fusion thermonucléaire et un drame familial qui fait écho au film avec Ruby Castle diffusé ce jour-là. À la croisée de l'histoire d'amour, du drame psychologique et du film d'horreur, «Le naufrage de Julia» est un sommet de l'art de Nina Allan pour entremêler et transcender les genres.

Les signes pullulent, avec d'innombrables résonances entre les nouvelles, autour du cirque et de la fête foraine, des ombres toujours menaçantes du nazisme et de la guerre froide, des disparitions et retrouvailles fugaces, et du passage paradoxal du temps. Nina Allan réussit ainsi à créer un labyrinthe, dans ces récits d'une beauté subtile et inquiétante où le monde semble se déchirer par endroits pour laisser la place à une obscurité impénétrable.
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