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Critique de domi_troizarsouilles


J'ai terminé le mois de septembre réellement « au finish », avec deux livres d'auteur.e.s chilien.ne.s, pour grapiller au moins quelques points dans le challenge géographique (sur Livraddict) auquel je participe pour la 2e année. J'avais bien entendu fait un rapide tour des différents auteurs de ce pays qui pouvaient m'intéresser, et bien entendu, on retombe toujours sur Isabel Allende et sa « Maison aux esprits » archi-connue, et sans doute aussi son livre qui ait eu le plus de succès à ce jour, du moins pour sa traduction française. (J'ai aussi repéré « Largo pétalo de mar », qui semble être mieux encore, mais qui n'est apparemment pas encore traduit.)
Sauf que le synopsis [de « La maison aux esprits »] ne me tentait absolument pas ! Je me suis donc raccrochée à la jolie couverture de la dernière (ré)édition chez LLDP de cette « Cité des dieux sauvages »… pour finalement la lire dans sa version ebook, avec sa couverture originale, qui présente tout à la fois le titre traduit littéralement de l'espagnol (« La cité des Bêtes », qui est par ailleurs plus exact, mais nettement moins vendeur !), et le titre simultanément revu et corrigé par l'éditeur original, Grasset, puisque comme je disais, les deux couvertures affichent la même date de parution en 2002 : on a les Bêtes quand on achète le livre sur Amazon, mais ce sont les dieux sauvages qui apparaissent quand j'ouvre ma Kindle…

Tout cela étant dit, on plonge dans ce livre avec une très grande facilité ! L'éditeur souligne que ce livre a été écrit pour tout public, aussi bien les plus jeunes que les adultes… mais clairement, il s'adresse bien davantage à la Jeunesse : parce que nos héros principaux sont quand même de jeunes ados, parce qu'on touche à ce Merveilleux loin de toute explication rationnelle - qu'un adulte a spontanément plus de mal à accepter, d'autant plus que l'autrice ne cherche pas à appuyer ses théories d'une quelconque façon scientifique, même « pour du faux » !
Mais aussi et surtout parce que l'autrice prend d'emblée un ton assez didactique, pour la moindre situation ; c'est toujours très descriptif, ce qui perdurera durant toute l'histoire. On pourrait presque lui reprocher d'en dire plus qu'elle ne montre, et ainsi d'en faire trop: parfois on aurait envie de s'exclamer « ça va, on a compris ! » - comme par exemple (c'est peut-être un spoil mais sans aucune réelle importance) quand Alexander refuse de manger du tapir parce qu'il imagine que c'est du rat !? Il a quand même 15 ans le gars (même si certaines de ses réactions, surtout au début, le font paraître nettement plus « gamin ») ; il vient des États-Unis et même d'une grande ville : n'a-t-il donc jamais été dans un zoo ? Ici, même mon fils de pas 10 ans sait ce qu'est un tapir ! alors, peut-être refuserait-il d'en manger pour une raison qui lui serait propre… mais en aucun cas par pure ignorance, et en plus aucune démarche pour essayer d'en savoir plus !

Eh oui, le personnage principal m'a plus d'une fois agacée, avec ce côté très « jeunot » et tous ses travers d'enfant gâté. J'ai aussi regretté qu'on ne sente que par bribes ce lien qui l'unit à sa mère, malade, qui lui manque terriblement pourtant, semble-t-il, et qui aurait gagné à être un peu plus présente, ne serait-ce que dans l'esprit d'Alexander, d'une façon plus régulière. C'est que, avec le rôle qui lui est laissé, et sa brusque réapparition à un moment donné, pour retourner dans le néant presque aussitôt après, elle donne l'impression qu'elle n'a été qu'un prétexte pour démarrer toute cette histoire, dont l'autrice se serait tout à coup rappelé et paf on crée une petite scène pour faire semblant qu'elle n'a pas tout à fait disparu. Il y avait pourtant une jolie ligne à exploiter de ce côté-là, qui aurait permis un peu plus d'émotions – il y en a eu, certes, mais de cette émotion télécommandée par l'action, qui forcément prendra un tour inattendu, mais on n'en sort pas les mouchoirs, alors qu'il y avait largement matière à en faire quelque chose de bien plus sensible, au moins un peu, et sortir de ce tout-pour-l'action… mais voilà, c'est le choix de l'autrice !

Paradoxalement, les autres personnages m'ont paru plutôt convaincants : Kate, la grand-mère d'Alexandre, peut paraître dure avec son petit-fils (qu'elle ne chérit que si elle peut ne pas le montrer !), mais incarne surtout une figure de femme libre qui croit en ses convictions, et va toujours de l'avant : autant dire qu'elle m'a beaucoup plu ! On apprécie aussi la plupart des autres, les bons comme les « mauvais », pour n'en citer que quelques-uns : la jeune Nadia, plus jeune qu'Alexander mais tellement plus mûre ! ; son père César Santos qui fait un peu figure de chevalier blanc (au sens figuré) à travers tout le récit ; et alors, mention pour le professeur Leblanc, caricature excellentissime (et dès lors très drôle) du scientifique universitaire-écrivain reconnu, mais bourré de préjugés et incapable de se débrouiller seul dans la vraie vie qu'il décrit pourtant dans ses livres, se basant davantage sur ses certitudes tombées du néant que sur les réalités locales…

Et donc, avec ces quelques personnages et les situations qu'ils vont affronter tout au long de leur périple dans la jungle amazonienne, Isabel Allende nous conduit dans une aventure dont le rythme ne faiblit jamais, pleine de rebondissements dont certains touchent à un certain onirisme (ce merveilleux que je citais plus haut), et avec un retournement de situation qui n'était pas tout à fait inattendu mais qui m'a quand même bien surprise !
Ce n'est peut-être pas d'un niveau ultra-satisfaisant sur la plan d'un plaisir littéraire plus intellectuel, mais vraiment c'est entraînant et ça se laisse lire !

Avec tout ça, l'autrice attire aussi l'attention du lecteur sur la beauté de la nature sauvage amazonienne autant que sur sa fragilité, y inclus le fait que des indigènes, n'ayant jamais (ou très peu) rencontré l'homme blanc, y vivent encore selon des traditions au moins aussi anciennes que notre judéo-christianisme conquérant, et pose la question de l'opportunité de les « assimiler » à nos sociétés, ou les laisser vivre à l'âge de pierre parce qu'ils ont des valeurs tout à fait honorables ? Elle semble trancher par l'inéluctabilité de rencontres (potentiellement destructrices pour les premiers, et advienne que pourra) entre ces tribus et la modernité telle qu'on la connaît, ce qui serait cependant, d'après elle, le « début de la fin » pour ces peuples.
Alors, en attendant, laissons-nous emporter par cette aventure prenante en toute simplicité, parcourue de personnages bien typés dont un professeur très drôle, et qui n'oublie pas de rappeler à quel point la nature et les hommes de l'Amazonie sont aussi précieux que fragiles, et méritent notre respect bien davantage que notre soif d'or et autres richesses liées à l'exploitation abusive de cette magnifique forêt !
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