Citations sur Chant des âmes sans repos (18)
Certains, parmi eux, ne se contentent pas de faire la manche ou la collecte des bouteilles, ils se servent dans les magasins aussi, ou volent mon portefeuille, et qu'est-ce que les gens en ont à foutre, si je leur dis qu'ils ne sont pas tous comme ça, ils ne vont pas changer d'avis pour autant.
( p 179)
Il y avait des barbelés, hauts de plusieurs mètres, doublés, parfois triplés, électrifiés et surveillés par des gardes armes. Depuis qu'ils les ont enlevés, les chevreuils continuent de vivre de chaque côté du rideau de fer, comme s'il existait toujours. Ils ne traversent pas les champs, ils s'obstinent à faire demi tour. Des chercheurs les ont suivis pendant plusieurs années. Cela fait vingt cinq ans que la clôture a été démantelée et l'espérance de vie d'un chevreuil ne dépasse pas quinze ans. Ils ne peuvent pas s'en souvenir mais ils s'en souviennent quand même.
Il est possible que l'on ne puisse jamais comprendre l'amour, qu'il nous soit seulement offert de nous y ressourcer.
S’il y a une chose dont il est sûr, c’est que les morts ne chantent plus, en tout cas pas assez fort pour qu’on les entende.
Peut-on vivre sans avoir de nom, pensa-t-elle. Et, si c'est le cas, est-on encore un être humain ?
Ulla leva les yeux vers le ciel. Un groupe d’oiseaux, volant en formation, virèrent au dessus des toits des immeubles, avant de poursuivre vers le sud. Le soleil levant teintait les masses nuageuses de reflets roses. Elle ne croyait bien évidemment pas à l’existence de l’enfer ou du paradis, à la manière naïve dont ils étaient représentés - elle pensait aux livres illustrées des cours de catéchisme de son enfance - mais ça l’amusait d’imaginer, l’espace d’un court instant, une femme nue, courant au firmament, embrasant de mille feux l’aube et le crépuscule sous le regard des anges et de Saint Pierre.
L’amour et ses désillusions, c’est peut-être ce qu’il y a de plus cruel dans la vie.
De nos jours, plus rien n'est vraiment "secret". Chaque mouvement laisse une empreinte électronique. Des conversations ou des messages à priori anodins, les endroits par lesquels un être humain transite, les lieux où il fait halte, se révèlent autant de signaux qui filent vers les pylônes, relayés par les satellites. Ils se trouveraient peut-être même un quelqu'un pour témoigner qu'une femme faisait le guet dans un café, en face des bureaux de Svante.
( p70)
Une image lui revint en mémoire, celle d'un de ces navires qui frayaient sur les fleuves, voilà des siècles de cela ; nefs des fous, bateaux que l'on chargeait de malades mentaux et d'âmes perdues, de vagabonds et de misérables dont les villes voulaient se débarrasser. Ils étaient condamnés à voguer vers des ports où on ne les laisserait jamais débarquer, voyage dans la nuit de l'oubli, d'où montaient les cris hantant les vallées fluviales.
Inutile de courir pour échapper aux veilleurs. Plus besoin de se démener comme une bête traquée. Enfin libre de marcher dans la foule, à condition de garder la bonne distance. Comment faire la différence entre ceux qui montent la garde et les autres, il l’ignore. Mais il sait qu’ils sont là, tout près, qu’ils guettent, comme les loups, prêts à bondir sur les âmes en peine, les enfants innocents. Ils les enferment, ils leur jettent la pierre, comme ils l’ont fait avec Paul, mais lui, ils ne l’auront pas, parce qu’il se déplace de nuit. Invisible, imperceptible, comme le loup ou le hibou, qui savent tirer profit de l’obscurité.