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Critique de raton-liseur


J'ai découvert Ahmet Altan par le court texte qu'il a écrit en prison en 2018, alors qu'il est condamné à perpétuité pour avoir fomenté un coup d'État et avoir passé un message subliminal (sic) à la télévision dans ce sens… Ce texte lumineux malgré l'iniquité de la peine m'avait fait forte impression et c'est les yeux fermés que j'avais acheté dans la foulée les deux seuls romans de lui qui étaient alors disponibles en français (un autre a été publié à l'automne 2021). Je me suis enfin décidée à les ouvrir, alors qu'Ahmet Altan a entre-temps été libéré, puis emprisonné à nouveau, et encore libéré en novembre dernier, avant on ne sait encore quelle péripétie.
Comme une blessure de sabre nous amène à Istanbul à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. En suivant une galerie de personnages tous plus ou moins connectés entre eux, on pénètre dans les sphères aisées et éduquées de la société et on approche au plus près des intrigues de cours et des mesquineries de courtisans. On se retrouve plongé dans un climat de suspicion où chacun est soit espion, soit espionné, voire les deux. C'est dans ces milieux que se dessine peu à peu une opposition d'abord sourde, puis qui ose se dire, puis s'organiser et enfin agir. En montrant comment des hommes, pour certains profondément attachés aux traditions et au Sultan, en arrivent à s'opposer et même parfois à trahir est un sujet passionnant. de même, découvrir la Turquie dans ces années-là m'a beaucoup intéressé. Hélas, tout ce beau sujet pour un roman est à mon avis gâché par la vie privée des personnages, qui occupe probablement les deux tiers du livre, le rendant lourd, verbeux et inutilement long.
C'est surtout la façon dont sont traités les personnages féminins que j'ai trouvée dérangeante : Une femme ne compte finalement que par sa beauté (ou son absence de beauté, mais celles-là sont reléguées dans le fond et ont autant de consistance que des potiches) et par sa volupté (ou son absence de volupté, mais là aussi, malheur à celles que les plaisirs de la chair ne transportent pas au septième ciel, elles devraient s'excuser d'exister). Mehparé Hamin, qui pourrait être le personnage principal de ce roman est donc belle d'une beauté inégalée et voluptueuse au-delà de toute description. La façon dont Ahmet Altan décrit ses personnages féminins m'a donc beaucoup gênée, et je ne pense pas faire preuve d'anachronisme. Que les femmes de cette époque ne soient pas, pour l'immense majorité, au fait de la chose politique, c'est compréhensible. Mais en faire des êtres uniquement préoccupées par l'assouvissement de leur jouissance personnelle, cela me paraît une psychologie un peu courte.
En définitive, et à mon grand regret, je n'ai pas aimé ce livre. le sujet aurait pu être intéressant mais, noyé dans ces descriptions d'alcôves, il n'est traité que d'une façon superficielle qui m'a laissée sur ma faim. On sent aussi tout l'amour que l'auteur porte à sa ville, telle qu'elle est aujourd'hui et telle qu'elle était alors, mais tout cela n'est pas suffisant pour racheter le livre à mes yeux. J'ai le deuxième tome, acheté en même temps que le premier. Je me mets à le lire tout de suite, je sais que sinon je ne le lirai jamais. J'espère, sans trop y croire, que la lecture en sera plus intéressante.
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