Esquisses et nouvelles esquisses viennoises est un bouquin qui porte très bien son nom. Il s'agit d'un regroupement de nombreuses historiettes éparses, la plupart d'une page ou deux, dont plusieurs avaient déjà paru dans divers recueils. Elles ont été écrites à différentes époque, avant et après 1900, par
Peter Altenberg. Grand observateur de son époque, il ne prêtait pas tant attention aux événements marquants qu'aux gens ordinaires, du genre de ceux qui se rencontrent au café, se croisent à la gare ou bien se promènent à la campagne. Et ces situations de la vie de tous les jours l'ont inspiré fortement.
Il ne faut pas lire ces Esquisses d'une traite : elles n'ont pas de liens entre elles, à l'exception de quelques unes dans lesquelles les protagonistes reviennent, et elles peuvent sembler redondantes. J'ai lu quelque part, je ne me rappelle plus où, qu'on les comparait à la Bible. Non pas que ce recueil ait la même importance ni le même retentissement que les Saintes Écritures, mais plutôt qu'il ‘agit de ce genre de bouquin que l'on ne lit pas habituellement d'un traite, qu'on ouvre à une page, n'importe laquelle, qu'on en lise un passage, peut-être deux, et qu'on referme pour en absorber les impressions. Et pour mieux y revenir.
C'est que ces Esquisses sont de véritables petits bijoux – du moins, beaucoup d'entre elles – et que, parfois, à une relecture on y découvre des éléments négligés précédemment. Un regard fuyant, des joues qui rosissent, un geste manqué, une branche d'arbre qui frémit, la disposition des couverts sur la table, les assortiments de couleurs, etc. Ces éléments, qui peuvent sembler banals, ont été délibérément choisis par Altenberg et cachent d'autres éléments encore plus profonds et, ainsi, un plaisir renouvelé et peut-être même un éclairage nouveau. Dans tous les cas, une délectation de la nature, des sentiments inavoués, et d'autres encore.
Je suis allé une fois à Vienne dans ma vie et, si la plupart des histoires se déroulent ailleurs, en campagne, dans d'autres pays ou encore dans des endroits indéterminés, quelques unes se passent dans la capitale autrichienne. À l'occasion, un détail, la mention d'un lieu public ou d'un établissement me rappelaient de bons souvenirs. Par exemple, la mention du Café Central et du Demol me fit penser aux merveilleuses pâtisseries que j'y ai mangées…
Bref, ces
Esquisses et nouvelles esquisses viennoises font revivre tous ces petits moments de la vie quotidienne, où il ne se passe pas grand chose mais qui sont tout aussi important. Elles nous rappellent, avec beaucoup de poésie, qu'il faut profiter du moment présent. Après avoir terminé ce recueil, je trouve dommage qu'Altenberg ne nous ai pas légué de recueil de nouvelles ou des romans…