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Bernard Lesfargues (Traducteur)Jean-Marie Auzias (Traducteur)Yves Berger (Préfacier, etc.)
EAN : 9782742702893
Actes Sud (01/01/1999)
3.98/5   30 notes
Résumé :
Si les choses étaient ce qu’elles devraient être, et bien faite la tête des hommes qui porte si mal au rêve et à la justice, Alvar Núñez Cabeza de Vaca serait en nous, là où se gagnent la gloire et l’admiration, savoir dans notre mémoire et alors, de nous à lui, quels élans du coeur ! Quelle fièvre de l’imaginaire ! Quelles courses dans la forêt américaine, qui fut la plus belle du monde, et notre regard voilé à connaître, à travers lui qui les raconte, tant de misè... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Nous connaissons les pires conquérants du Nouveau monde- Hernan Cortés, le sinistre Pizarro, ou bien les pires aventures vécues par les espagnols ( Cf José Juan Saer , l'Ancêtre). Nous ne connaissons pas, en France, celui (sans doute le seul avec de las Casas) qui pourrait nous donner une autre idée de ces expéditions militaires ordonnées par Charles Quint.
Du voyage ne résistent déjà en général qu'un tiers : cyclones, tempêtes, pirates, pluies torrentielles, rixes, maladies et faim déciment le aventuriers avant qu'ils ne débarquent sur le sol transocéanique.
Cabeza de Vaca (Tête de vache, nom qu'il a hérité de sa noble famille andalouse) appartient au corps d'armée de Pánfilo de Narvaèz ( borgne après son duel avec Cortès, mais pas moins cruel) . Il quitte Sanlucar de Barrameda, (après Colomb et après Magellan) en 1527.
Après de multiples naufrages, l'arrivée sur les côtes de Floride, essais de marcher sur la terre ferme, puis re-naufrages, la perte de son équipage de six cent hommes, où il fait office de trésorier et officier ( aguacil) est absolue.
Ils sont quatre survivants.
Survivant est le mot exact, car il est recueilli par des Indiens, qui peuvent lui offrir de la nourriture, ou au contraire la lui refuser.
Innocemment, il confie : « L'indien à qui j'appartiens » Voilà, d'hidalgo grand d'Espagne, Alvar est devenu esclave.
Il ne se plaint pas, d'ailleurs. Parfois, il mange des rognures de peau ou de figues de barbarie. Il a froid, il est nu, il a faim, il le dit et redit dans toutes les pages de sa Relation envoyée à l'Empereur Charles Quint : il a faim.
Et il marche, il s'enfuit parfois si son maitre le maltraite, il devient ensuite marchand colporteur, de pierres et de métaux. Mais toujours au bord de l'inanition.

Quel est l'intérêt qu'a Cabeza de Vaca d'envoyer son journal, écrit en 1542 après son retour en Andalousie, d'une expédition ratée à l'Empereur ? Il n'a pas rapporté d'or, il n'a pas conclu des accords (même et surtout sanglants comme ses prédécesseurs), il n'a pas converti à la religion catholique les peuples jugés barbares. Il n'a rien gagné.
Dans sa préface, Yves Berger parle d'ordalie. Pire qu'une odyssée, une ordalie : quand toutes les forces de la nature et tout le pouvoir divin se liguent contre vous.
Dies Irae.
Mais Ordalie qui durera six longues années.

il dit : oui, mais j'y ai été.

Et il est effectivement témoin des moeurs de ces Indiens dont les villages sont très différents les uns des autres. Il apprend six langues, il observe, il survit.
C'est un ethnologue.
Avec un parler naturel, pas du tout redondant ni romanesque, Cabeza de Vaca m'a beaucoup émue : il traverse ses péripéties avec hauteur, il est au-dessus., il es grand dans sa tête même s'il est nu. Il a compris une fois pour toutes qu'il n'y a pas de bons sauvages, ni de mauvais non plus. Ce sont des hommes, avec chacun leurs valeurs. Par exemple, lorsque certains indiens apprennent que des survivants espagnols se sont mangés les uns les autres, ils sont tout à fait révulsés.
Ces mêmes abandonnent leurs fils et tuent leurs filles, trop de bouches à nourrir.
Non seulement il ne convertit pas, même si il fait croire ( à Charles Quint, à l'Office qui pourrait le condamner au bûcher à son retour ?) qu'il a guéri en faisant le signe de la croix , mais, de plus, finalement, il devient chamane.
Ce sont les Indiens qui, à la fin de son Odyssée, lui offrent des turquoises, des émeraudes et des plumes de perroquet. Il n'est plus le petit ex-conquérant naufragé et mis en esclavage. Il n'est plus le colporteur. Il n'est plus l'ethnologue, étudiant l'Autre avec attention. Il est avec les Indiens, il a les pouvoirs d'un chamane, il peut intervenir auprès des Espagnols pour qu'ils arrêtent leurs inutiles massacres.
« Il me fallut du temps pour m'habituer à porter des vêtements, et nous ne savions dormir que par terre. »
Du Je, identification à un groupe social foncièrement différent des autres, les étrangers, Cabeza de Vaca passe à la désobéissance des ordres de Pánfilo de Narvaéz , puis rompt définitivement avec « les chrétiens ». Lorsqu'il dit « nous », cela signifie les Indiens avec qui il a fait, mine de rien, sept mille kilomètres d'Est en Ouest de l'Amérique du Nord.
Ainsi que le souligne Tzvetan Todorov, ( la conquête de l'Amerique) Cabeza de Vaca est le seul explorateur à avoir instauré une ethnologie intérieure, pas une description de l'Autre comme s'il était un insecte.
Un chaman.
Je n'arriverai jamais à finir : ce texte simple, littérairement moderne, son odyssée qui ne s'est pas du tout bien terminée, son chemin intérieur sont émouvants malgré et par l'oubli où est tombé ce grand homme. Restent de lui une statue devant le Musée Archéologique de Jerez de la Frontera, où il est né. Et une autre statue de lui, en armure, à Houston. Et les mots d'Yves Berger : « Même pas un nom, Cabeza de Vaca, alors qu'il devrait flamber. Il flambe pour moi, habité que je suis par ses courses, son exemple, ses Indiens, son mystère. Flamber pour lui, c'est la grâce que je vous souhaite ».
Si une personne au moins lit ce texte et flambe, j'arrêterai de pleurer.
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Difficile de "critiquer" une telle oeuvre.

C'est à la fois une aventure passionnante et une histoire vraie, et rien que savoir cela, perso, ça me coupe toute envie de juger quoi que ce soit.

J'ai donc juste lu ce livre pour ce qu'il est, à savoir la "relation" de l'aventure absolument incroyable de Alvar Nunez Cabeza de Vaca à son roi, que dis-je, son empereur, Charles Quint...

Parti en conquistador, à l'aune de Cortès ou Pizarro, notre héros (car c'en est un, bien réel) fait preuve d'un instinct de survie phénoménal.
Qualifié de "premier ethnologue" qui a vécu "comme et parmi" les Amérindiens pendant plusieurs années, dans la très intéressante introduction de messieurs Auzias et Lesfargues, Cabeza de Vaca s'avère, au final, d'une humanité rare à l'époque.
Arrivé en Floride, il repartira, bien des années (8 ans) et des avatars plus tard, de Mexico...

Evidemment il s'est mis en vedette, évidemment il essaie de ne pas éveiller les soupçons de l'inquisition, évidemment...
C'est à lire impérativement dans son contexte.

J'ai été juste fascinée par cette résistance, cette capacité à rebondir, à devenir, au final, des "chamanes blancs" parce que c'est exactement ce qu'ils sont devenus, les 4 survivants sur les 600 partis pour cette expédition dirigée par le malchanceux (et peu avisé) Pànfilo de Narvàez...

A lire absolument par tous les passionnés d'Histoire et d'exploration, d'Amérindiens natifs, etc...

Ce qu'il manque dans le livre : une carte du périple, que vous trouverez ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%81lvar_N%C3%BA%C3%B1ez_Cabeza_de_Vaca
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C'est une extraordinaire aventure qu'a vécue ce conquistador, passé malgré lui quelques années du côté des indiens , après la déconfiture de sa propre expédition. A la façon d'un ethnologue, il nous fait découvrir ces peuplades du sud des futurs Etats unis vues par un chrétien du 16 ème siècle plus ouvert que la moyenne. le document est très intéressant mais c'est un carnet de voyage, un rapport d'activité pour l'administration royale qui l'a envoyé, pas un roman ni un essai. de ce fait, la forme est un peu fastidieuse et on regrette par moment les constats répétitifs un peu secs, sans réflexion sur le contexte, ni analyse plus fouillée. Mais ce n'était pas la finalité de ce texte pour lequel l'auteur n'était pas toujours libre, notamment pour ne pas enfreindre les règles impérieuses de la religion.
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En l'an de grâce 1528, trois cent hommes sous le commandement de Panfilo de Narvaez débarquent sur la côte de Floride. C'est l'une des premières incursions des conquistadors sur le continent nord-américain. Cette expédition se révèlera être une catastrophe, puisque seuls quatre hommes en réchapperont vivant : Alvar Nuñez Cabeza de Vaca (l'auteur de ce récit), Alonso del Castillo, Andre Dorantes et son esclave africain Estebanico (précisément, le même Esteban qui, en 1539, sous les ordres du vice-roi de la Nouvelle-Espagne, Antonio de Mendoza, partira à la recherche de sept légendaires cités dans l'actuel Nouveau-Mexique).
Ce récit de Cabeza de Vaca est vraiment très bien et a une valeur particulière par rapport aux autres récits qu'on peut lire sur la conquête de l'Amérique. D'abord, à cause du côté tragique de cette expédition. Ensuite, parce qu'il est le témoignage d'un homme qui a eu l'occasion de vivre six ans parmi les multiples peuplades qui habitaient à l'époque au sud du Texas.
Au début, pendant six mois, cette expédition dans les terres américaines ne se passe pas beaucoup plus mal qu'on pouvait l'espérer. Pas beaucoup de nourriture et des autochtones apeurés et donc, la plupart du temps, hostiles. Quelques morts. Puis, les 250 hommes encore vivants décident de construire cinq embarcations et de longer la côte. A partir de là, rien ne va plus, les cinq embarcations sont séparés et celle de Cabeza de Vaca échoue sur une île qu'il nomme « Ile du malheur ». Ces conquistadors deviennent plus misérables que les indiens, en sont réduits à s'entredévorer et meurent les uns après les autres à cause de la famine, la maladie, la fatigue. Cabeza de Vaca, qui très vite se retrouve seul, commence à observer les rites, les moeurs et les coutumes des indiens. Il vivote ainsi pendant six ans, soit du commerce, soit comme esclave. Et quand il retrouve ses trois compagnons, il apprend que tout le reste de l'équipage est mort. Ces quatre derniers rescapés décident alors de traverser le continent pour retrouver les chrétiens espagnols. Peu à peu, grâce à un subtil mélange de talents et de miracles, ils passeront auprès des indiens pour des guérisseurs et des fils du soleil.
Un récit vraiment passionnant à lire. Cabeza de Vaca, dans ces observations sur les indiens, n'a aucune raison de mentir ; ces descriptions sur la faune et la flore, qu'il ne connait pas, sont faites avec les mots dont il dispose. A part les résurrections de morts et les guérisons de paralytiques, le récit semble vrai (mais tout est sincère d'une certaine façon : le fantastique faisait parti de la vie de tout le monde à cette époque, pas seulement des indiens; les conquistadors partaient à l'aventure aussi pour trouver des cités d'or ou des fontaines de jouvence). Ce livre a été écrit pour Charles Quint, dans le dessein de l'informer, et l'auteur finit par suggérer à l'empereur de se montrer bienveillant avec les Indiens.
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Alors voilà une petite pépite. Presque un secret.
L'histoire de Cabeza de Vaca est incroyable, je ne suis même pas sûre qu'un romancier aurait pu l'inventer.
Parti avec un équipage de plusieurs centaines de conquistadors partis chercher la fontaine de jouvence (!), ils font naufrage au large de la Floride, à une époque où on ne sait même pas ce qu'est la Floride, ni le golfe du Mexique. Ils sont 4 survivants. Et ils mettront près de 10 ans pour croiser sur leur route un européen. 10 ans d'une vie de nomade hallucinante, la traversée d'un continent qui n'existe plus, l'Amérique pré-colombienne. Ce récit est captivant, bien qu'écrit au milieu du XVIe siècle il s'avère très facile d'accès. On s'accroche à cette histoire, on se cramponne, on est incrédule. Une histoire superbe, sans morale, sans excès, sans fioriture. Une histoire vraie. Un des meilleurs récits relatifs à la "conquête" de l'Amérique. Superbe à tous points de vue. à noter qu'un film a été réalisé dans les années 90, qui apporte une vision quasi chamanique de cette épopée. à voir également.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Les Indiens s’assirent parmi nous, et la grande douleur et pitié qu’ils éprouvèrent en nous voyant dans un tel sort fit qu’ils se mirent tous à pleurer fortement et pour de bon, tellement que de loin on pouvait les entendre, et cela leur dura plus d’une demi-heure ; et de voir que ces hommes si dépourvus de raison et si rudes , tels des bêtes, nous manifestaient une telle compassion, cela chez moi et chez d’autres de notre groupe ne fit qu’accroitre encore notre souffrance et la considération de notre malheur.
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Ils (ndr : les Indiens) nous racontèrent aussi comment, d'autres fois, des chrétiens avaient fait des incursions dans le pays ; ils avaient détruit et incendié les villages, emmené la moitié des hommes, toutes les femmes et tous les enfants, et ceux qui avaient pu leur échapper étaient en fuite.
Les voyant si effrayés, n'osant s'installer nulle part, et ne voulant ni ne pouvant semer et labourer la terre, mais bien déterminés au contraire à se laisser mourir, estiment cela meilleur que d'attendre d'être traités aussi cruellement qu'ils l'avaient été jusque là, et manifestant le plus grand plaisir de notre présence, nous craignions pourtant qu'arrivés chez ceux qui tenaient la frontière avec les chrétiens et étaient en guerre avec eux, nous fussions maltraités et qu'on nous fit payer les agissements des chrétiens contre eux.
Mais comme Dieu Notre Seigneur voulut bien nous mener jusqu'à eux, ils se mirent à avoir peur de nous et à nous respecter comme les précédents, et plus encore même, ce qui ne nous fut pas une mince surprise ; où clairement l'on voit que tous ces gens, pour être amenés à se faire chrétiens et à obéir à sa Majesté Impériale, doivent être bien traités, c'est la voie la plus sûre et il n'en est point d'autre.

(Ndr : Cette réflexion de Sieur Cabeza de Vaca intervient dans sa relation après la description de plus de 9 ans de pérégrinations et survie au milieu des Indiens, où ils sont devenus des sortes de "chamanes blancs"...)
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Nous qui nous en étions tirés, nous étions nus comme à notre naissance et avions perdu tout ce que nous avions, et même si tout cela valait peu, pour le moment cela n'avait pas de prix. Et comme alors on était en novembre, qu'il faisait très froid et qu'on aurait pas eu beaucoup de mal à nous compte les os, nous étions devenus la vraie image de la mort. En ce qui me concerne je peux dire que depuis le moi de mai je n'avais rien mangé d'autre que du maïs grillé, et parfois je m'étais vu dans l'obligation de le manger cru; car bien qu'on eût tué les chevaux pendant qu'on faisait les barques, je n'avais pour ma part jamais pu en manger, et je n'avais pas dix fois mangé du poisson. Je dis cela pour éviter les longs discours, pour que chacun puisse se rendre compte dans quel état nous étions.
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