“ - mon gars, la grève c’est comme ces colliers que tu vois dans les vitrines. Si une perle s’en va, toutes les autres se débinent. Faut qu’on se tienne tous, t’as compris ?”
“ - oui, mais il n’y a plus de nègres esclaves…
- Il y a encore des nègres esclaves, et des blancs aussi, interrompit un homme maigre qui travaillait sur le port. Tous les pauvres sont encore esclaves.”
“Cette nuit-là il rêva de la jeune fille. Il la vit nue et se réveilla. Alors il se souvint des vices que pratiquaient les garçons du Morne. Il était seul… non il n’était pas seul : il était avec Lindinalva, qui souriait pour lui, avec sa figure de vignette. Cette nuit-là, il devint homme.”
Bahia, c'est la bonne terre,
À condition de vivre ailleurs.
L’homme au pardessus s’est levé au milieu du bar. Il interpelle un ouvrier :
- Pourquoi faites-vous la grève ?
- Pour améliorer les salaires.
- Mais de quoi avez-vous besoin ?
- Ben, d’argent…
- Vous voulez donc être riches vous aussi ?
L’ouvrier ne sait que répondre. À vrai dire il n’a jamais pensé être riche. Ce qu’il voudrait c’est un peu d’argent pour que sa femme ne réclame plus tant, pour payer le médecin, pour acheter un autre habit que celui qu’il porte et qui est usé jusqu’à la corde."
Le sol avait disparu, les pieds ne le sentaient plus, on ne sentait plus que le corps qu’on touchait et qui donnait une secousse. Les femmes étaient élastiques, leur trémoussement les pliait en deux, les hanches s’élargissaient, les fesses remuaient toutes seules, comme animées d’une vie indépendante. Il n’y avait plus de salle, il n’y avait plus de lumière, on ne voyait plus rien. Seuls demeuraient le tam-tam, l’odeur capiteuse de tabac et les nombrils qui se rencontraient. Voici que le désir à son tour a disparu, et il ne reste plus maintenant que la danse toute pure.
Voyez donc pas que c’est un esprit ? Et puis un bon, encore. Savez bien, ceux qui cherchent leur route sans savoir qu’y sont morts. Y courent partout, y leur faut un corps de vivant pour se mettre dedans. Celui-là, ça doit être l’esprit d’un condamné, le bon Jésus me pardonne.
Soudain, au milieu de tout ce monde, Antonio Balduino se sentit seul avec le cadavre, et il prit peur, une peur folle. Il se mit à trembler, à claquer des mâchoires. Il se les rappelait tous : sa tante Louise qui était devenue folle, Léopold qui avait été assassiné, Rozendo malade appelant sa mère à grands cris, Philippe le Beau sous l'automobile, le vieux Sallustiano se suicidant sur les quais, le corps de Viriato-le-Nain, où les crabes grouillaient en faisant un bruit de sonnailles.
Il pensa que tous, morts et vivants, ils étaient malheureux ; et aussi, ceux qui naîtraient par la suite. Il se demandait pourquoi.
Pedro Corumba commence un discours en disant: "Les travailleurs unis peuvent dominer le monde." Antonio étreint un type qu'il n'a jamais vu.
Il a voulu prendre la route de la mer pour etre heureux comme un mort