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EAN : 9782234064300
504 pages
Stock (15/02/2012)
4.12/5   144 notes
Résumé :
Gabriela, girofle et cannelle est l'histoire d'un amour ardent, épicé, capiteux, puisqu'il s'épanouit sous le soleil du Brésil. Nacib, patron du bar « Le Vésuve », abandonné à l'improviste par sa vieille cuisinière et obligé de la remplacer de toute urgence, se résigne à engager une pauvresse qu'il découvre sur « le marché aux esclaves ». O surprise! Une fois lavée et proprement vêtue, la pauvresse s'est muée en jeune et jolie mulâtresse au parfum de girofle et au t... >Voir plus
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« Elle était pétrie de chant et de danse, de soleil et de lune, elle était girofle et cannelle ». Ainsi parle Nacib de la belle et divine Gabriela.

J'aurais tant aimé être plus enthousiaste à propos de ce livre !
J'aurais aimé vous dire combien cette histoire d'amour brésilienne est belle et exotique. Donc, vous vous en doutez, haute en couleurs, pour ne pas dire rocambolesque par moment, épicée et sensuelle toujours, comme le laisse deviner immédiatement le titre. de plus narrée par J.Amado, conteur hors pair qui m'avait déjà régalée avec son excellent « Bahia de tous les saints ». Oui une histoire d'amour passionnée entre Nacib, homme d'origine syrienne qui tient le bar, le Vésuve, et qui a besoin urgemment d'une cuisinière à la veille d'un repas important, et Gabriela, une jeune mulâtresse, à la peau couleur cannelle, dont le corps souple et délié dégage un parfum entêtant de girofle, ses cheveux peut-être ou sa nuque. Une fille de la nature, une ingénue libertine, et, cerise sur le gâteau, excellente cuisinière dont les boulettes de viande bien épicées, les beignets enveloppés de feuilles de bananier sont célébrés en prose et en vers. Une divine perle qui arrivera à point nommé sauvant le repas prévu par Nacib puis lui fera peu à peu tourner la tête. Et surtout le rendra terriblement jaloux par peur de la perdre. le mécanisme de la jalousie se déroule sous nos yeux, implacablement !

Enfin, une histoire « d'amour », attention, comme on pouvait vivre l'amour au Brésil dans les années 1920, entre un commerçant en passe de devenir riche et une femme à son service. le côté utilitariste de la femme est de mise et ça me gêne un peu aux entournures : « le bon temps ! Des mois de vie joyeuse, de chair repue, de table plantureuse et succulente, d'âme satisfaite, avec un lit de privilégié. Dans la liste des vertus de Gabriela établie mentalement par Nacib, figuraient l'amour du travail et le sens de l'économie. Comment trouvait-elle assez de temps et de forces pour laver le linge, faire le ménage – la maison n'avait jamais été aussi propre –, préparer les plateaux pour le bar ainsi que le déjeuner et le dîner de Nacib ? En outre, lorsque venait la nuit, elle était fraîche et dispose, humide de désir, nullement passive mais au contraire exigeante, jamais lasse, somnolente ou assouvie. Elle semblait deviner les pensées de Nacib et allait au-devant de ses désirs. Elle lui réservait des surprises : en faisant certains mets qu'il appréciait et dont la préparation demandait du travail – crabe à la farine de manioc, vatapá, viúva de carneiro –, en plaçant des fleurs dans un verre, à côté de son portrait, sur la petite table du salon, en lui rendant l'argent qui lui restait après avoir fait le marché, enfin en lui proposant de venir l'aider au bar ».

L'histoire se déroule dans une ville brésilienne du littoral sud de l'État de Bahia, Ilheus, la ville même où est né Jorge Amado. Cette ville fut, dans les années 1920, la capitale mondiale du cacao. Les tableaux de vie bahianaise que nous dépeint Amado sont très colorés, bruyants, exubérants, vivants. Les personnages croqués sont bien marqués, souvent attachants, quoique nombreux. Les us et coutumes de cette société bahianaise sont dépeints de façon pittoresque. La culture du cacao brillamment expliquée, le cacao étant alors une extraordinaire source de richesse transformant totalement la ville, la faisant passer du monde d'antan au monde moderne :
« Ils parlaient de la récolte de cacao qui s'annonçait exceptionnelle et dépasserait de loin toutes les précédentes. Les cours de ce produit ne cessant de monter, cela signifiait une richesse encore plus grande, la prospérité, l'opulence, l'argent à gogo. Les fils des colonels iraient faire leurs études dans les collèges les plus chers des grandes villes. Les familles auraient de nouvelles résidences dans les nouvelles rues qu'on venait de tracer, des meubles luxueux commandés à Rio de Janeiro, des pianos à queue pour orner les salons. Les boutiques bien achalandées se multiplieraient, le commerce se développerait, les boissons couleraient dans les cabarets, des femmes débarqueraient des bateaux, le jeu étendrait son empire sur les bars et sur les hôtels. Bref, ce serait le progrès, la civilisation dont on parlait tant ».

J'aurais aimé vous dire avec admiration la minutie extraordinaire avec laquelle le contexte socio-politique est décrit : on assiste dans les moindres détails à la lutte entre le vieil fazendeiro, le colonel Ramiro, représentant des habitudes du passé, rétrogrades et violentes, et l'exportateur de cacao Mundinho Falcao, représentant la nouvelle génération qui aspire au développement économique de façon raisonnée. Lutte âpre et impitoyable pour le déboisement des terres cultivables et la conquête d'un territoire vierge particulièrement convoitée. Les fazendeiros sont des propriétaires d'immenses terres et maître de l'industrie cacaoyère. Leur pouvoir s'appuie sur les jagunços, des sortes de petites mains pratiquant intimidation, corruption et meurtres. Leur mentalité, arriérée, se fonde sur une conception rétrograde de l'honneur et une vision des femmes très particulière, celles-ci n'ayant que des devoirs, notamment et surtout envers leur mari à qui elles doivent fidélité et obéissance lorsque pour eux, tout est permis. le livre démarre d'ailleurs sur ce mari outragé, lavant l'affront en abattant sa femme adultère et l'amant avec sa carabine. Nacib se trouve au milieu de cet affrontement, les deux partis côtoyant son bar, témoin de cette division en deux camps de la société d'Ilhéus. Nous assistons avec lui à la fin d'une époque faite de violence et de domination.

Voilà ce que j'aurais aimé juste vous dire avec l'enthousiasme qui caractérise en général mes lectures, mais vous le voyez, 3 étoiles sur ma page signifie que j'ai été un peu déçue. Je me suis surprise à ne pas avoir envie de continuer ma lecture, à ne pas prendre un immense plaisir à reprendre et poursuivre mon livre et même à trouver cette lecture, malgré tous les bons et beaux ingrédients décrits précédemment, parfois pesante et ennuyeuse. M'est d'avis que cela est dû précisément au contexte politique qui est tellement mais tellement décrit et présent à chaque page qu'il finit par étouffer l'histoire, à en amoindrir la saveur, à faire émerger des longueurs qui nous font oublier ces odeurs de girofle, de cannelle, de cacao, de fleurs…Sans doute l'auteur avait à coeur d'expliquer cette période si importante de l'histoire de sa région. J'ai eu le sentiment que ces explications transformaient le roman en documentaire, éclipsant parfois le côté romanesque auquel je m'attendais.

Pourtant la plume de J.Amado est fluide et souvent poétique. Il utilise à bon escient l'humour, ou l'ironie. La lecture de ce livre devrait être un régal. Elle fut pour moi, à mon grand regret, assez délicate et laborieuse, surtout la première partie qui plante le décor. Fort heureusement la personnalité solaire de Gabriela m'a envoyé plein d'effluves dépaysantes, notamment à partir du milieu du livre où j'ai commencé vraiment à prendre davantage plaisir à découvrir cette histoire brésilienne.
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Bonjour, aujourd'hui petit voyage au Brésil, en 1925, pour aller à la rencontre de Gabriela et Nacib !

Nacib, patron d'un bar qui propose des en-cas à grignoter en plus des boissons, et ça a un succès fou ! Mais voilà, sa cuisinière le quitte sans préavis, et il faut qu'il la remplace ! le problème, c'est que trouver une cuisinière à Ilhéus, son village, est quasiment impossible !

Après une journée très mouvementée, n'ayant trouvé personne, Nacib se décide à embaucher une jeune femme toute crasseuse et en loques, Gabriela, qu'il a trouvée sur le marché des esclaves (où se retrouvent des gens qui ont pris la route).

Quelle surprise de découvrir une magnifique jeune femme sous la crasse ; et en plus, elle est une parfaite ménagère et un véritable cordon bleu !

Vous devinez la suite, Gabriela est une vraie perle, et les clients affluent au bar, autant pour la reluquer que pour se régaler de sa cuisine ! Quant à Nacib il est fou amoureux.

Une idylle se noue entre Gabiela et Nacib, mais monsieur devient jaloux et après quelques hésitations, il décide d'épouser Gabriela afin d'être certain de la garder pour lui.

Mais voilà, certaines fleurs ne s'épanouissent que dans les jardins, en toute liberté, et se flétrissent dans un vase ; est-ce que cet amour survivra avec le mariage ?

Je vous vois venir, vous pensez qu'il s'agit d'une banale histoire d'amour ! Et toc, perdu !

En plus de cette romance magnifique, Jorge AMADO nous raconte la vie de ce village, la bataille politique qui s'y joue, les méthodes assez musclées et archaïques pour obtenir ce que l'on veut, les alliances passées, et le quotidien des femmes qui n'ont pas les mêmes droits que les hommes.

Ce qui est très fort dans ce roman, c'est qu'on s'attache autant aux personnages et à cette belle histoire d'amour qu'à la vie de ce village… et les 440 pages se lisent avec une facilité déconcertante, on ne voit pas le temps passer.

Bref, un roman qui nous entraîne au Brésil, dont le sous titre donné très judicieusement par l'auteur est « chronique d'une ville de l'état de Bahia » et qui vous fera apprécier le girofle, la cannelle et bien sûr Gabriela…

À lire confortablement installé(e) sous un cacaoyer (bonne chance) ou sous un poster du Brésil (ce sera plus facile) en grignotant quelques tapas accompagnés de Tequila… Bonne lecture !

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Dans le Brésil du milieu des années 20, l'Etat de Bahia se développe à grande vitesse grâce au commerce du cacao et plus particulièrement la ville d'Ihléus. La «guerre» des colonels, pour s'installer et planter la Terre aux fruits d'or, est terminée et le développement du commerce et de la modernité se met en place.

Une compagnie de bus va ouvrir et le repas d'ouverture est prévu dans le Café de Nacib. Par malheur sa cuisinière s'en va, après l'avoir maintes fois dit ! Nacib cherche partout une cuisinière et finit par aller au «marché des esclaves» voir si une cuisinière ne serait pas parmi les «retirants» (réfugiés du Sertão desséché). Il y trouve Gabriela qui va se révéler non seulement très bonne cuisinière mais en plus très jolie et joyeuse ! Nacib le débonnaire va tomber amoureux et va aller jusqu'à l'épouser par peur qu'elle le quitte. Mais Gabriela est comme une fleur qui s'épanouit au soleil et se fane dans un vase, le moule dans lequel elle doit entrer est trop étroit et restrictif pour sa nature sauvage et enfantine.

Cette histoire se tisse avec celle de la ville, de ses notables, de ses prostituées et des étudiantes de l'école religieuse. La bataille sans merci que se livre le vieux producteur de cacao qui gouverne depuis des décennies et le jeune importateur arrivé de Rio, ambitieux et plein de projets, est le moment crucial pour la ville et la région. Les «jagunços», hommes de mains des fazendas, se remettent au travail pour empêcher le parti adversaire de gagner !

Jorge Amado sait mêler toutes ces vies différentes, ces personnages haut en couleurs, sans nuances bien souvent où la loi du plus fort est encore celle qui gagne ! Malgré quelques difficultés à s'y retrouver dans les noms des personnages, cette lecture est comme un bol de cacao velouté, avec sa douceur et son amertume sous-jacente.

Je suis une fidèle lectrice de Jorge Amado et jusqu'à présent j'ai dégusté ses livres avec plaisir.

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Gabriela, girofle et cannelle
Jorge Amado (1912-2001)
Nous sommes en 1925 dans la petite ville de Ilhéus dans l'état de Bahia au Brésil, où la culture du cacao est la ressource principale, assujettie aux aléas de la météorologie que le père Basilio Cerqueira tente de fléchir par ses prières en faveur des fazendeiros, grands propriétaires fonciers appelés aussi « colonels ».
C'est une époque de grande prospérité et le Russe Jacob avec l'aide du garagiste Moarcir et du financier exportateur de cacao Mundinho Falcao, crée alors la première ligne de bus entre Ilhéus et Itabuna distante de 35 kilomètres. Nacib, Syrien d'origine et patron du bar le Vesuvio est abandonné par Filomena sa cuisinière alors qu'il a choisi d'organiser le grand repas d'inauguration de la ligne.
Mundinho Falcao, riche et influent homme d'affaires prend de plus en plus de place dans la vie d'Ilhéus au détriment de l'intendant Ramiro Bastos aux méthodes d'un autre temps. Une petite guerre s'instaure entre Mundinho et Ramiro.
Nacib a bien pensé aux deux soeurs jumelles Dos Reis, grandes et célèbres organisatrices de crèches de Noël baroques mêlant le petit Jésus à Victor Hugo, Lénine et Rudolf Valentino et s'adonnant aussi à la cuisine occasionnellement.
« Quinquina la rondelette et Florzinha la fluette, deux petites vieilles guillerettes, totalisaient cent vingt huit ans d'une virginité solide et indiscutée. »
Mais Nacib renonce à les embaucher en cuisine car les deux soeurs sont trop gourmandes et demandent des appointements déraisonnables. Elles fourniront seulement quelques plats pour dépanner Nacib.
À Ilhéus, parler de la vie d'autrui est l'art suprême, le suprême plaisir, le principal divertissement de la ville. Un art porté à un raffinement incroyable par les vieilles filles, une assemblée de langues vipérines réunie devant l'église à l'heure de la bénédiction. Mais pas seulement : Nacib dans son bar prend aussi une part importante à la collecte et la rediffusion des ragots. Un art non sans danger quand les révolvers sont de sortie.
C'est la révolution dans Ilhéus lorsque débarque le prince Sandra, prestidigitateur à ses heures accompagné d'Anabela sublime danseuse aux sept voiles …qui tombent les uns après les autres ! Anabela vers qui tous les regards concupiscents des hommes du bourg se tournent suscitant inévitablement des jalousies coupables.
Entrent alors en scène deux personnages importants : Gabriela, venue à pieds du nord, de l'aride sertao de la région de Récife, avec un groupe de « retirantes » dont Clemente devenu son compagnon de route et de couche. Et puis Gloria devenue la tentation suprême, car elle se met chaque jour à la fenêtre et présente aux passants comme en offrande, ses seins épanouis, double motif de scandale pour les vieilles filles qui se rendent à l'église, alimentant chaque jour les mêmes conversations à l'heure vespérale de la prière. Et pour Gloria, l'étincelle de désir entrevue dans les yeux des hommes est le seul bien qu'elle reçoive dans sa solitude. Notamment dans les regards du poète professeur Josué.
Coup de théâtre dans Ilhéus : le colonel Jesuino a tué doña Sinhazinha et le dentiste Osmundo Pimentel. À l'heure tranquille de la sieste, il a déchargé son révolver sur son épouse et sur l'amant de celle-ci, suite à une lettre anonyme. C'est ainsi que cela se passe à Ilhéus : l'honneur d'un mari trompé ne peut être lavé que dans le sang. Ce que retiennent les bonnes gens d'Ilhéus et colportent à l'envi, c'est que la doña a été retrouvée nue et seulement vêtue de bas noirs ! C'est l'occasion de ressortir toutes les histoires de mari et de femmes trompés dans la ville d'Ilhéus.
Nacib embauche Gabriela en qualité de cuisinière et ne se lasse pas de lui trouver toutes les qualités, même quand elle sommeille et qu'il la regarde dormir se demandant comment une telle beauté avait pu passer inaperçue sous la poussière des chemins, un corps de femme jeune couleur cannelle, des traits de fillette :
« Un parfum de girofle emplissait la chambre, la chaleur qui montait du corps de Gabriela enveloppait Nacib et lui brûlait la peau, tandis que sur le lit mourait un rayon de lune. »
La fréquentation du Vésuvio ne cesse d'augmenter grâce à Gabriela, pour sa cuisine et aussi son déhanché qui fait se tourner tous les regards masculins quand elle sert au bar. Nacib finit par se demander si certains ne lui feraient pas la cour quand Tonico Bastos le met en garde s'il veut la garder pour lui. Gabriela n'est pas envieuse et respecte Nacib : elle se contente de simples robes et quelques bijoux bon marché qu'il lui offre, avec un bon salaire à la clé. Mais Gabriela a fait perdre à Nacib sa tranquillité, sa joie, son goût de vivre car il a peur de la perdre. Et s'il l'épousait comme le lui suggère son ami Tonico, puisqu'il l'aime d'un amour jaloux et sans bornes. Ensuite il pourrait monter le restaurant dont il rêve dont elle s'occuperait. Et puis le rêve ultime c'est d‘acquérir un jour une plantation de cacao. Mais la belle Gabriela est une jeune femme libre, simple et indépendante.
La suite va conduire d'une part à une guerre entre Mundinho et Bastos, et une incompréhension entre Nacib et Gabriela.
le style de Jorge Amado fait un peu penser à celui de G. G. Marquez, avec les mêmes envolées lyriques baroques et jubilatoires, drôles et pleines d'humour et d'ironie dans un monde sud-américain incomparable aux personnages truculents et hauts en couleurs. Et une foule de petites histoires avec beaucoup de personnages venant se greffer sur l'intrigue principale que l'on perd parfois un peu de vue, avec quelques longueurs dans l'évocation des péripéties politiques qui animent la vie à Ilhéus. Mais qu'importe, la vie est ainsi faite et notre plaisir de lecture renouvelé à chaque nouvelle histoire. Un très beau roman, original et bien traduit du portugais brésilien.
Jorge Amado (1912-2001) est sans conteste le plus grand maître de la littérature brésilienne du XXe siècle.
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Cela fait plusieurs années que je n'avais pas ouvert un livre de Jorge Amado et j'ai choisi celui-ci un peu par hasard pour renouer avec cet auteur que j'avais particulièrement apprécié dans La Terre aux fruits d'or et Les Terres du bout du monde. Quelle ne fut donc pas ma surprise de m'apercevoir que ce titre, qui m'avait surtout attirée pour ses senteurs, est en quelque sorte la suite de ces deux premiers opus. On est encore une fois à Ilhéus. Alors que les deux premiers romans avaient pour toile de fond l'implantation de la culture du cacao et l'accaparement des terres que son essor a suscité, faisant de ces livres d'incroyables diagnostics agraires (mais bien plus palpitants à lire qu'un rapport d'expert !), ce troisième volet est strictement urbain et est situé dans la période florissante de la culture du cacao, à un moment charnière de l'histoire, alors qu'Ilhéus passe de son statut de ville de Far West où toutes les lois sont celles de celui qui a la meilleure gâchette à une période de développement et de commerce prospère et cossu. Encore une fois, ce sont les luttes de pouvoir qui font la trame du livre, cette fois entre la vieille garde et la génération montante, qui a oublié ce que ses pairs ont vécu et qui veut profiter de la fortune accumulée. C'est le temps de la civilisation en marche, celle du confort dans les intérieurs, celle des cercles de danse où jeunes hommes et demoiselles peuvent flirter. C'est le temps où le commerçant prend le pas sur le producteur, dans une nouvelle répartition des tâches et de la richesse.
Jorge Amado, qui est lui-même né pas loin d'Ilhéus, dans une fazenda, livre un témoignage sur l'évolution de sa région en cette année 1925, mais n'en fait jamais un manifeste politique. Sa plume est enlevée, plein d'une verve qui coule de façon harmonieuse et qui rend la lecture extrêmement facile. L'histoire est avant tout celle d'un couple qui se forme et évolue, celui de Gabriela bien sûr (qui bien qu'elle soit l'objet du titre n'apparaît qu'à la page 100, très précisément) et de Nacib, deux habitants d'Ilhéus qui représentent bien le cosmopolitisme tant spatial que social qui caractérise la ville et qui, par leur relation montre l'évolution, bien que lente, des moeurs et des façons de vivre. Leur histoire est émaillée de nombreuses aventures secondaires avec, bien sûr en toile de fond permanente la bataille sans merci que se livrent Ramiro Bastos, le vieux producteur qui a gouverné la région pendant des décennies et Mundiho Falcao, jeune exportateur plein de projets.
Un moment de lecture très plaisant, un livre qui se lit comme on boit du petit lait, et où l'on apprend beaucoup de choses sur le Brésil et sur son évolution sans même s'en apercevoir. Ce furent de très agréables retrouvailles avec Jorge Amado, et je me promets de ne pas attendre à nouveau une dizaine d'années avant de lire un autre de ses livres.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Le parfum qui s’élevait de la ville et qui la submergeait ne se dégageait ni des jardins, ni des bosquets, ni des fleurs cultivées, ni des orchidées sauvages. Il venait des entrepôts, du quai et des docks.
C’était le parfum des grains de cacao séchés, violent au point d’entêter les gens venus d’ailleurs, mais si familier aux habitants d’Ilhéus que ceux-ci ne le sentaient plus. Il flottait au-dessus de la ville, du fleuve et de la mer.
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Les vieilles filles, en longues robes noires bien serrées autour du cou, avec leurs châles noirs jetés sur les épaules, ressemblaient à des oiseaux de nuit posés sur le parvis de la petite église.
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Des exclamations fusaient lorsqu'elle arrivait avec sa démarche dansante, les yeux baissés, un sourire que ses lèvres adressaient à toutes les bouches. Elle entrait, disait bonjour en s'avançant parmi les tables et allait droit vers le comptoir pour y déposer la gamelle. En principe, à cette heure-là, les clients auraient dû être rares, seulement quelques retardataires pressés de rentrer chez eux. Or, de plus en plus, les habitués faisaient durer l'heure de l'apéritif et réglaient leur temps sur l'apparition de Gabriela en buvant un dernier verre après son arrivée.
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Au son de sa voix, elle s’éveilla en sursaut, mais elle sourit aussitôt et toute la pièce parut sourire. Elle se leva – ajoutant avec ses mains les hardes qui la couvraient, humble et radieuse comme un rayon de lune.
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C’était presque toujours la femme qui l’abandonnait, lassée de cette vie de captive, d’esclave bien nourrie et bien vêtue. Certaines allaient échouer dans des maisons de prostitution. D’autres revenaient dans les plantations. L’une d’elles s’en fut à Bahia emmenée par un commis voyageur. Parfois, pourtant, il arrivait au colonel de se lasser le premier, d’avoir besoin de chair nouvelle. Il découvrait, presque toujours dans sa propre fazenda ou dans les villages des environs, une petite métisse sympathique et renvoyait la précédente. Dans ce cas, il lui donnait une bonne gratification.
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Video de Jorge Amado (4) Voir plusAjouter une vidéo
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Adriana Brandão auteur de "Les brésiliens à Paris, au fil des siècles et des arrondissements" vous parle d'un texte et d'un auteur important pour elle : "Dona Flor & ses deux maris" de Jorge Amado.
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