Coup de coeur pour ce magnifique roman, inspiré de faits réels, l'auteure y dénonce les traitements violents subis par les femmes, en particulier les plus pauvres au
coeur du Sahel, dans le Nord du Cameroun. Il est lu par Claïna Clavaron qui donne vie aux personnages pour une lecture encore plus immersive. J'ai aimé sa diction parfaite et sa manière de transmettre les émotions des personnages, dont la plupart sont très attachants.
Faydé vit dans un petit village du Sahel avec sa mère, ses petits frères et soeur, son père a disparu lors d'une attaque de Boko Haram depuis près de quatre ans, la sécheresse frappe la terre et les récoltes sont de plus en plus maigres. A quinze ans, elle désire rejoindre ses amies à Maroua, la grande ville la plus proche et travailler comme servante pour une riche famille peule, sa mère est réticente car elle craint qu'elle ne s'y fasse violer, mais il n'y a pas vraiment le choix vu la situation économique de la famille, d'autant plus que la jeune fille a dû arrêter l'école à son grand regret. Kondem sait que l'éducation est le seul chemin pour les filles du Sahel, mais c'est devenu inaccessible. Faydé se rend donc en ville et découvre la vie difficile réservée aux filles de sa condition, elles sont en butte au mépris des coépouses, aux injures et ont beaucoup, beaucoup de travail domestique à accomplir pour un salaire misérable et sans aucune marque de reconnaissance. Elles sont aussi à la merci des hommes de la maison qui ont un droit de cuissage. Sa cousine Srafata lui enseigne les règles de la survie, rester invisible et ne jamais se faire remarquer, se souvenir qu'elle n'est pas du même monde que ses patrons. Faydé a de la chance, elle est tombée dans une bonne maison, même si la grand-mère et Aya la dernière épouse se montrent odieuses et parfois violentes, les autres la traitent plutôt bien. Elle peut regarder la télé le soir et surtout écouter les leçons que Boukar, un cousin, vient donner aux enfants et adolescents de la maison. Didi la première épouse, mère de la concession (propriété) est sévère mais juste et bienveillante envers ses serviteurs. Les domestiques vivent ensemble dans une concession voisine, là les langues se délient et les filles redeviennent des adolescentes. Malheureusement le jeune frère du patron essaiera de la violer, Boukar viendra à son secours et leur amour secret éclatera au grand jour, ce qui ne peut qu'attirer des ennuis à Faydé.
Nous suivons Faydé et ses amies, qui représentent différents sorts réservés à ces jeunes filles, si Srafata sait éviter les problèmes, Fanta sera enlevée et mariée de force lors d'un des retours annuels au village, mais il n'y a rien à faire, ça fait partie des traditions et personne ne lui demande son avis. Bintou tombera amoureuse d'un riche peul et sera humiliée. Même Boukar, un jeune instruit de la classe dominante ne pourra échapper à la volonté de son père pour son mariage, ce dernier est une question de prestige et de liens entre familles de la même caste, l'amour n'a rien à voir.
Ce poids de la tradition et de la religion est terrible, seule l'instruction permettra aux jeunes générations d'y échapper, mais il faudra beaucoup de temps. Les femmes de l'élite sont présentées comme flemmardes, peu instruites et très superficielles, mais sous ces dehors moins contraignants, leur situation n'est guère meilleure, elles sont complètement soumises à leur mari, peuvent être répudiées pour un oui ou pour un non et elles doivent constamment plaire au maître. Les relations entre ces femmes sont aussi marquées par le manque de confiance, la rivalité et l'amertume.
La situation à la campagne, entre le dérèglement climatique et les attaques terroristes de Boko Haram est franchement choquante, surtout que l'Etat semble avoir complètement abandonné sa population qui survit dans des conditions dignes du Moyen âge, les femmes y sont particulièrement bafouées.
J'ai beaucoup aimé la fin du livre, ouverte et pleine d'espoir. Il faut que je découvre
Les impatientes de la même auteure, qui sait nous plonger dans un monde vraiment hallucinant et situé juste à quelques heures d'avion de chez nous où nous crions à l'inégalité et au machisme à la moindre contrariété, souvent sans nous rendre compte de notre richesse et de notre liberté par rapport à d'autres cultures, un livre qui devrait aussi nous faire réfléchir. Malgré nos cris d'orfraies sur le réchauffement climatique, ce sont les plus pauvres qui en paient le prix fort.
Un grand merci à Lizzie et à Netgalley pour cette superbe découverte.
#
CoeurduSahel #NetGalleyFrance !
Lien :
https://patpolar48361071.wor..