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Critique de Cancie


Cancie
19 septembre 2021
Avec cette première phrase : « Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie », phrase prononcée par le père de Ramla et Hindou qui se marient le même jour, l'écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal introduit parfaitement Les impatientes, cette fiction inspirée de faits réels.
En effet, la patience, la patience et encore la patience, ce sera le seul conseil donné à ces trois femmes, Ramla, Hindou et Safira par leur entourage lors de leur mariage ou ensuite lors de leurs déboires conjugaux. Un leitmotiv qui, en l'occurrence ici, n'a rien de musical, hélas.
À la lecture de l'énumération des derniers conseils donnés à la future mariée par l'oncle, on ne peut déjà que frémir, être outré et se révolter. En voici deux pour exemples :
« Soyez soumises à votre époux.
« Soyez pour lui une esclave et il vous sera captif. »
D'autres suivent du même acabit.
Ramla, une belle adolescente douée, dont le désir est de devenir pharmacienne est arrachée à son amoureux. Son père obéissant à son frère, exige qu'elle épouse un riche homme d'affaires quinquagénaire déjà marié à Safira, la polygamie étant autorisée. Safira, quant à elle, amoureuse comblée vivant auprès de cet homme depuis vingt ans, profondément blessée va tout tenter pour faire fuir cette rivale, cette seconde épouse. Hindou, la demi-soeur de Ramla est contrainte d'épouser son cousin Moubarak, un voyou « devenu non seulement alcoolique, mais il s'était mis à se droguer au Tramadol, un puissant antalgique qui faisait ravage dans la population de Maroua » et dont elle a peur de la violence.
Ces trois destins vont donc former les trois parties du roman, trois portraits de femmes bouleversants.
Ramla, Hindou et Safira, ces femmes africaines ont appris dès leur naissance que seule la patience leur permettra d'être de bonnes épouses.
Impossible de ne pas être terrifié en comprenant l'engrenage effroyable dans lequel ces femmes sont prises, engrenage mis en place par les hommes, les hommes de leur propre famille.
C'est la condition féminine dans le Sahel avec la domination absolue des hommes sur les femmes que Djaïli Amadou Amal a mis en évidence, brisant les tabous en dévoilant le mariage forcé, le viol conjugal, la polygamie avec un récit extrêmement fort et sans fausse pudeur ; le viol d'Hindou, lors de sa nuit de noce est absolument glaçant.
Ramla, Hindou et Safira ont en commun un refus du sort qu'on leur impose et vont tenter de se rebeller face à cette patience, maître-mot de leur vie. Rude combat pour ces femmes camerounaises et rude bataille pour essayer de trouver la liberté.
Ce récit qui se déroule au sein des « concessions », terme par lequel on désigne ces domaines familiaux qui pratiquent la polygamie est un véritable combat contre l'obscurantisme. Il laisse le lecteur abasourdi et révolté contre cet esclavagisme des temps modernes. Un livre qui prend vraiment aux tripes et qu'il est impossible de lâcher.
De nombreux mots en peul dont le fameux Munyal, Patience, émaillent le texte et lui donnent encore plus de force et de véracité.
Je ne peux qu'applaudir cette grande écrivaine qui, en mettant beaucoup de sa propre vie dans son ouvrage, réussit un livre remarquable sur la question universelle des violences faites aux femmes.
Djaïli Amadou Amal a été lauréate du Prix de la meilleure auteure africaine 2019, du Prix Orange du livre en Afrique 2019 et du Prix Goncourt des lycéens 2020, récompenses amplement méritées, pour ce roman Les impatientes que je vous recommande tout particulièrement.
Je remercie chaleureusement Pauline qui m'a permis de le découvrir !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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