Heureux comme un lecteur qui découvre Eric Ambler. Daniel Gauthier (un babéliotte) n'avait pas tort de l'écrire dans sa critique de mars 2010. J'ai mis du temps avant de lire cet écrivain. C'est vraiment le hasard qui m'a fait ouvrir "Les visiteurs du crépuscule"et si parfois j'ai rencontré quelques titres, couvertures si reconnaissables des éditions les humanoïdes associés, sur un vide grenier, une solderie, jamais je n'ai eu la moindre tentation. C'est étrange comme certains auteurs sont mis de coté, sans raison valable.
Ce livre n'est pas un roman d'espionnage, ni un roman policier (ce que j'avais cru en l'ouvrant). C'est plutôt un récit d'aventures. Dans un pays d'Asie un homme et une femme, comme un fétu de paille, sont pris dans le souffle d'un coup d'État militaire. Intrigue, passion, persévérance, fatalité sont les ingrédients de ce roman qui va m'attacher à l'auteur, de la même manière que j'ai aimée dès les premières pages un livre de Graham Greene.
Heureux lecteur que je suis au coeur de l'été. Encore un auteur que je vais traquer et au diable la hauteur de ma PAL !
Commenter  J’apprécie         300
Les Néerlandais propriétaires de plantations de caoutchouc se trouvaient dans une situation quasi désespérée. Ils n'étaient pas autorisés à hypothéquer ou à vendre leur exploitation, sauf au gouvernement qui leur versait la somme convenue sur un compte bloqué, rendant impossible toute exportation de capitaux. S'ils continuaient à exploiter la plantation, ils étaient tenus de vendre leur production au gouvernement, au prix fixé par celui-ci. Par ailleurs, on leur imposait de verser aux ouvriers agricoles le salaire minimum garanti ; dans ces conditions, il leur était pratiquement impossible de rester solvables. S'ils voulaient survivre, leur seule chance était de dissimuler une partie de leur production aux inspecteurs gouvernementaux et de la céder, en échange de dollars Hong Kong, à des colporteurs chinois qui faisaient des affaires en or en achetant du caoutchouc au marché noir en Sunda et en le revendant à Singapour.
La pièce tirait sans discontinuer, tressaillant dans le trou exigu qui lui servait d'abri, soulevant des nuages de poussière jaunâtre et ajoutant au vacarme des rafales de mitrailleuses. Puis un bref silence se fit et je crus entendre le grincement des chenilles d'un char.
Il apparut prudemment au bout de la rue. Une fois là, il parut hésiter, tel un taureau qui cligne bêtement des yeux en débouchant dans la clarté aveuglante de l'arène. Il y avait une tache noire sur ses flancs qui semblait être due à un cocktail Molotov.
A Selampang, le marché noir sévissais dans tous les domaines. Dans les sanatoriums installés par l'Organisation mondiale de la santé, les "mantris" faisaient des piqûres d'eau à leurs malades pour conserver le BCG et le revendre au marché noir.
De mémoire d'homme, le Dakota assurant la liaison hebdomadaire avec Selampang ne s'était jamais posé sur la piste de la vallée avant midi et n'en était jamais reparti avant une heure de l'après-midi. Après la soirée d'adieu donnée en mon honneur la veille, j'aurais dû dormir jusqu'à onze heures au moins. Eh bien, non. Dès l'aube, j'étais bien réveillé, ma valise était faite et j'étais prêt à partir. Non pas que j'eusse grand-chose à emporter. J'avais donné la plupart de mes vêtements - pantalons et chemises de toile maltraités par les dhobis, bottes de brousse et chapeaux maculés de taches de sueur - ainsi que mon lit de camp à Kusomo, qui était resté à mon service pendant ces trois dernières années.
(incipit).
Quand à l'unique costume que je possédais, je le portais sur moi. J'avais commis la sottise de le commander par correspondance à un habilleur de Singapour, et il tombait à peu près aussi bien qu'un rideau de douche.