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Sur les épaules de Darwin tome 1 sur 2
EAN : 9781020900112
Les liens qui libèrent (17/10/2012)
3.95/5   206 notes
Résumé :

Ce livre est un voyage.

Un voyage à la rencontre d'un Univers toujours plus riche et mystérieux, qui nous a fait naître et que nous n'aurons jamais fini d'explorer.

Un voyage à la découverte de nos cousins, les oiseaux et les fleurs, et de nos lointaines parentes, les étoiles.

Un voyage à la rencontre de nous-mêmes.

A la découverte de la manière dont nous déchiffrons et rêvons le monde.

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Critiques, Analyses et Avis (41) Voir plus Ajouter une critique
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Lorsque j'ai acheté Sur les épaules de Darwin : Les battements du temps, ma libraire m'a demandé si j'avais écouté les émissions radiophoniques ou si je connaissais déjà le style de Jean-Claude Ameisen. Aux deux question la réponse était non; elle m'a alors prévenue que ça ne passait pas forcément bien avec tout le monde. Une raison de plus à mes yeux de découvrir par moi-même.

C'est vrai que la rythmique d'écriture et le style de la narration sont assez surprenants de prime abord. Mais surprenants dans un sens très positif car je me suis d'emblée sentie conquise par la poésie qui se dégageait de cet ouvrage au demeurant d'une incroyable érudition. Point de connaissances sèches ici mais des savoirs bellement argumentés et ponctués de nombreuses citations émanant de scientifiques, de poètes, de philosophes, d'écrivains, etc.

Comme le souligne le sous-titre, il est principalement question dans ce premier volume de temporalité. Et Jean-Claude Ameisen de nous transporter comme de rien à travers milliers, millions et milliards d'années à la découverte de notre monde qui contient tous les ici et maintenant depuis les débuts. A nous d'en retrouver les traces et d'apprendre à les lire.
De l'infiniment vaste des archéologues, paléoanthropologues, on passe à l'infiniment petit avec les progrès des neurosciences, les arcanes du cerveau, de la mémoire, des complexités infinies qu'ils empruntent. Tant chez nous autres humains que chez les animaux. Les diverses expériences menées avec des oiseaux, des primates, etc sont fascinantes quant aux résultats qu'elles démontrent. Qu'il s'agisse de l'inventivité des corbeaux pour attraper de la nourriture volontairement placée hors de leur portée directe ou de l'empathie et de la conscience de soi montrées par diverses espèces.

Sur les épaules de Darwin permet de se cultiver et de partir à la recherche des temps du monde pour mieux appréhender le présent. Apprendre est une joie et met en joie. Lorsqu'il explique que des chercheurs sont parvenus à faire pousser des plantes à partir de graines datant de plusieurs milliers d'années trouvées dans le permafrost, je ressens une formidable exaltation devant ce qui paraît à première vue impossible.Il me fait redevenir la gamine qui écarquillait les yeux de plaisir en lisant divers articles de l'encyclopédie Tout l'univers.

Mais en parallèle, il engage à une belle humilité face aux merveilles passées et actuelles et à tous les champs de connaissances encore hors de portée. le livre véhicule un indéniable enthousiasme et renforce la valeur d'humanité bien trop souvent mise à mal. Il donne également envie d'aller plus loin dans l'étude de certains thèmes. Et, bien sûr, de rester sur les épaules de Darwin avec Je t'offrirai des spectacles admirables (rien que le sous-titre, je suis enchantée).
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Cet ouvrage est le premier d'une série de trois livres retranscrivant des émissions radiophoniques présentées par l'auteur sur France Inter.
J'ai lu ce premier tome après avoir lu le second de la série « Sur les épaules de Darwin » (ils peuvent se découvrir dans le désordre) ; voici quelques éléments qui ont retenu mon attention.

■ Partie I : Entre hier et demain ton coeur oscille

L'ouvrage débute par des réflexions sur la nature du temps, et présente des découvertes sur nos perceptions.

Nos sens ne nous permettent pas d'appréhender notre environnement tel qu'il est réellement.
Ainsi, il a été constaté que des personnes qui ne connaissent pas une chanson peuvent y percevoir de courts temps de silence insérés sur la version originale, là où ceux qui connaissaient la chanson auparavant croient au contraire entendre le morceau complet. Ces derniers comblent en effet les silences ajoutés en reconstituant de mémoire la bande originale.
De même, une personne ayant perdu l'audition peut avoir l'impression d'entendre des sons qu'elle associait - et continue d'associer - à des modifications simultanées de son environnement ; par exemple, la vue de feuilles s'agitant au vent peut faire croire à une personne devenue sourde qu'elle entend leur bruissement.

Des images subliminales peuvent influencer nos comportements.

Notre perception de la durée d'un événement n'est pas la même selon le contexte (certains psychotropes modifient d'ailleurs la perception du temps, donnant un relief particulier à la musique).

Les prestidigitateurs savent tromper nos sens. La magie peut naître de la contradiction entre notre compréhension du monde et ce que nous croyons en percevoir. Une balle lancée en l'air doit retomber, et c'est magique si tel n'est pas le cas ! Un magicien nous fait croire qu'il lance une balle vers le haut, en feignant de suivre son ascension des yeux alors qu'il la glisse dans sa manche…

■ Partie II : Eclats de mondes disparus

Alors que les astronomes explorent le passé en regardant loin (la lumière perçue est d'autant plus ancienne que l'objet qui l'a émise est éloigné), les paléontologues, eux, le font en observant les profondeurs du sol ou des glaces (les couches les plus anciennes sont les plus profondes).

Certains astronomes pensent désormais que l'Univers est en expansion, et que cette expansion s'accélère (accélération qu'ils attribuent à une mystérieuse « énergie sombre » contrariant les effets de la gravité).
Ameisen rappelle le rôle d'Henrietta Swan Leavitt (1868-1912) dans la compréhension des dimensions de l'Univers. Elle fut embauchée comme 'calculatrice' par l'astronome Edward Charles Pickering (1868-1919), qui choisissait des femmes à ces postes (car elles étaient moins rémunérées que des hommes…). Henrietta Leavitt observa une relation entre la luminosité d'étoiles variables du nuage de Magellan - les Céphéïdes - et leurs périodes (laps de temps régulier séparant deux pics successifs de luminosité) : plus la période de l'étoile est grande et plus sa luminosité absolue est intense. Avec la luminosité apparente de toute étoile variable et la distance nous séparant d'une seule étoile variable (distance trouvée par un autre moyen), la Loi de Leavitt permet de calculer la distance de chacune d'elles. Et les limites visibles de l'Univers vont très largement au-delà de celles de notre galaxie, la Voie Lactée…

L'analyse de l'ADN aide les paléontologues à comprendre l'évolution de la vie sur Terre.
Ils purent notamment confirmer la validité de la loi de Bergmann. Cette loi (non universelle) explique que « la plupart des mammifères et des oiseaux qui vivent (…) dans des régions chaudes ont, généralement, une taille et un poids du corps plus réduits que les animaux de la même espèce, ou d'espèce proches (vivant) dans des régions plus tempérées », et ce pour limiter les dépenses d'énergie imposées par le maintien de la température corporelle. Cette règle a été confirmée par les mesures effectuées sur des fossiles trouvés à l'ouest des Etats-Unis, datés d'environ 55 millions d'années et laissés par de chevaux nains (« sifrhippus ») au cours d'une période d'intense réchauffement climatique de 130 000 ans (le poids de ces animaux est passé de 5,5 kg au début du réchauffement, à 4 kg à son apogée, puis est remonté à 7 kg au fur et à mesure du rafraîchissement de la terre, sans que la sécheresse ou les variations du taux de dioxine de carbone n'expliquent ces variations de poids).

■ Partie III : Nostalgie de la lumière

L'auteur raconte l'histoire de la découverte de l'Univers visible.
Aux observations, succèdent les spéculations…

■ Partie IV : Un éclair dans le nuit

■ Partie V : Au pays de la mémoire et de l'oubli

Ici, la mémoire est explorée sous de multiples aspects.
Comment la mémoire à long terme s'inscrit-elle en nous ? En quoi ce processus de mémorisation diffère-t-il de celui impliqué dans la mémoire à court terme ?
L'étude des processus de mémorisation chez des animaux (plus simples à étudier que chez l'homme) donne des clés pour répondre à ces questions chez l'humain. Mémoriser à long terme implique des constructions mentales, et donc de déformer la réalité. Et notre organisme peut se souvenir sans pensée consciente (comme ces personnes amputées d'un membre qui ressentent encore des sensations à ce 'membre fantôme' qu'ils n'ont pourtant plus) ou contre notre volonté (syndromes post-traumatique).
La mémoire n'est cependant pas qu'individuelle. Nos mémoires collectives imprègnent aussi nos façons d'appréhender le monde.

■ Partie VI :

L'auteur nous fait notamment découvrir la diversité des moyens de séduction chez les oiseaux mâles.
Plumes flamboyantes et colorées figurent parmi les plus connus, car très visibles.
Chez d'autres espèces des chants permettent de séduire l'oiselle.
Chez les Colibris d'Anna, la mâle plonge en piquée à 40 mètres du sol pour provoquer un sifflement séduisant avec le passage rapide de l'air le long de plumes adaptées à cet effet ; les mâles d'une espèce de piverts attirent leur conjointe à coups de bec sur branche creuse choisie pour la qualité de la sonorité que s'en dégage.
Les Oiseaux jardiniers satinés - passereaux australiens - les mâles construisent de très originales tonnelles : une allée de 75 cm de long sur 10 cm de large, pavée (de brindilles et mousses), décorée d'objets de préférence bleus, entourée de branches recourbées en forme de voute. Chez les Jardiniers à nuque rose, l'allée est orientée sud/nord et bordée d'objets disparates (cailloux, coquillages, capsules de bouteilles, …) disposés pour contrer les effets de perspective (les petits objets sont les plus proches de l'entrée et les plus gros au fond de l'allée), tandis que l'extrémité nord débouche sur une cour pavée d'objets. La première visite de l'oiselle s'effectue en l'absence du bâtisseur des lieux : si la construction a été convainquant, elle revient visiter l'artisan lui donnant ainsi l'occasion de parader (danse et émission de sons rythmés) pour tenter de la séduire ; et + seulement si affinités… Allez voir des photos ou des vidéos sur le net, c'est impressionnant (les constructions et les parades, pas le +) ! Darwin avait déjà identifié les choix d'accouplement comme un facteur de sélection, la sélection sexuelle, en sus de la sélection naturelle, ces formes de sélection pouvant d'ailleurs se contrecarrer partiellement (des plumes trop encombrantes et trop visibles peuvent attirer l'attention de prédateurs voire ralentir la fuite).

••• A mon avis : Les analogies avec l'homme ne sont pas fortuites (avec en guise de tonnelle, des signes extérieurs de richesse). Ces analogies nous renvoient à notre animalité, même si seuls d'autres modes de conquête sexuelle - plus brutaux - sont regardés comme inhumains. Humains, des comportements le deviennent lorsqu'on considère l'homme comme un animal parmi les autres animaux, ce qu'il est. Ne voyez dans ce propos aucune justification du viol. Plutôt qu'un loup, l'homme est un homme pour l'homme, avec toute la sophistication dont il est capable dans l'expression de sa cruauté envers autrui…

Ameisen, plus optimiste que moi, termine son ouvrage par un chapitre soulignant les facultés empathiques humaines, en montrant que certains animaux ont aussi de telles capacités.
___

Mon avis pour conclure :

Cet ouvrage de vulgarisation scientifique traite de multiples disciplines (astronomie, paléontologie, biologie, neurosciences…). Lorsqu'il présente des découvertes scientifiques, les propos sont clairs, et accessibles au plus grand nombre. L'auteur ajoute des réflexions philosophiques induites par ces multiples découvertes. C'est souvent intéressant, mais il nous égare alors parfois dans des citations ésotériques…
Ainsi, je ne suis pas sûr de pouvoir lire avec plaisir Patrick Quignard, si abondamment cité par Ameisen, et suis encore moins attiré par les écrits de Borges, lui aussi cité…

Le texte d'Ameisen a été écrit pour être lu à haute voix et écouté ; il reste adapté à une lecture de visu.

Je recommande vivement cet ouvrage, de même que les deux autres tomes de la série « Sur les épaules de Darwin ».
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Au mois de juin 2015, je finissaist la lecture de ce livre de Jean-Claude Ameisen...

Comment appeler cela ?... Voyons, après l'ingestion de tout ce contenu qui nous fait à la fois voyager dans le temps et dans l'espace du grand Entendement universel, il faut maintenant digérer cela et donner un nom à une impression générale pouvant justement résumer ce livre.

Sciences et Poésie, tiens ça colle pas mal à tout ce voyage qui nous entraîne depuis l'origine des temps jusqu'à nos jours où chercheurs, observateurs, penseurs, philosophes, laborantins, cliniciens, historiens, zoologues, anthropologues, ethnologues, psychologues, écrivains et artistes, se croisent sur le grand terrain de Jeu de la Vie, à travers ses innombrables déclinaisons et métamorphoses. Un parcours d'une durée quasi éternelle ponctué de ces étapes qui, de pas en pas, nous conduisent de la cellule vivante la plus archaïque et primordiale jusqu'à l'homme.

Il s'agit du grand ordonnancement du monde vu à partir d'exemples qui, de prime abord, nous semblent bien familiers mais dont on ignore, le plus souvent, les aspects les plus singuliers.

La statistique prend une grande part dans la classification et l'interprétation des données, dans l'élaboration des réflexions conduisant à la mise à jour des connaissances fondamentales et de ce fait, participe à la remise en cause de certains postulats. Il y a le considéré, l'avéré et le reconsidéré...



L'écriture a aussi son importance, tantôt nous baignons dans la rigueur des observations les plus affinées, dans la profondeur des déductions et jugements les plus pointus, tantôt nous émergeons à la surface d'un univers romanesque et poétique pouvant paraître onirique, l'auteur tenant à montrer que ce qui est scientifique est avant tout « existences ». Il y a le prévisible géré par des lois universelles auquel se superpose et se mêle l'impondérable lié au vivant.

L'évolution ce n'est pas qu'une grande marche en avant qui, de façon régulière et rythmique, passe par des paliers successifs, marquant chaque envolée du progrès, pour rompre avec l'immuabilité d'états antérieurs. Tous les êtres étant, en conséquence, soumis à la confrontation entre inné et acquis...



Alors, suivant le fil de la pensée féconde et très mouvante de l'auteur, on se prend au jeu du savoir où l'acquisition de nouvelles connaissances importe moins que l'ouverture de notre esprit à une compréhension à géométrie variable des révélations qui se font jour à travers un panel d'exemples simples, très accessibles à la représentation mentale, et de références aux plus exaltantes sentences des penseurs et chercheurs chevronnés de tous les temps.





Il en résulte une sagesse de l'Univers qui, en se déversant dans notre monde terrestre, embrasse aussi tous les êtres et créatures l'habitant et l'ayant habité, puis leur confère cette somme d'intelligences que chacun s'approprie alors pour entrer dans ce domaine du vivant, y séjourner et, de génération en génération, de pas en pas, progresser, évoluer, se transformer jusqu'à parvenir à la soi-conscience, à celle de ses facultés intellectuelles toujours extensibles et de la maîtrise de tous les savoirs, eux aussi, extensibles, cette conscience supérieure qui caractérise le maillon ultime, sans aucun doute le plus abouti de cette évolution, l'être humain.



Quelques passages merveilleux...



« Et là où tu es, est là où tu n'est pas... » La mémoire à placer dans le temps...

« Il n'y a pas de temps sans mouvement – sans changement, écrit Aristote »

« le présent, s'il était toujours présent, s'il n'allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l'éternité, complète saint Augustin »

Il en découle des constatations comme celle-ci : « Et parce-que les ondes sonores se déplacent dans l'atmosphère à une vitesse près d'un million de fois plus lente que la lumière, ce que nous entendons est plus ancien que ce que nous voyons»… Époustouflant !...



Un peu plus loin, nous lisons ceci : « Ce que nous appelons conscience du présent, de l'instant présent, est une oscillation permanente entre mémoire et anticipation, entre souvenirs et désirs, entre nostalgie et attente. En fonction de nos souvenirs, de nos émotions, de nos espoirs et de nos craintes, en fonction de ce que nous avons déchiffré et compris du passé, et de ce que nous imaginons de l'avenir ».

Un présent fugace que nous réimprimons à chaque fois que nous faisons appel à nos souvenirs, eux-mêmes inscrits dans notre mémoire.

Citant TS Eliot : « Temps passé et temps futur, ce qui aurait pu être et a été, se projettent vers une fin qui est toujours présente ... »



Hors du temps, l'espace... « L Univers visible n'est que l'apparence passagère d'un état de l'Univers invisible » dit Camille Flammarion

A ce propos, il est question de traces du passé et d'ADN fossile … Ceci me fait poser ces questions : Traces subtiles et si lointaines de ce passé sont-elles, seules, significatives de cette invisibilité de l'Univers ? Est-ce que l'invisibilité ne tient pas aussi à d'autres aptitudes ou qualité de perception ne s'appuyant dès lors plus sur des organes physiques sensibles de la perception ordinaire, mais sur ceux édifiés au niveau de l'esprit ?...



Et maintenant l'hippocampe ! Il a fallu la perspicacité et l'obstination d'Eric Kandel neurobiologiste pour mettre en évidence la localisation des événements et acquisitions les plus persistants dans l'hippocampe qui sert temporairement de relais entre les zones cérébrales liées à la mémoire et autres fonctions cognitives correspondant aux deux formes de cette mémoire : celle, dite sémantique, et la mémoire épisodique. A partir de ces considérations, Jean-Claude Ameisen nous entraîne jusqu'aux origines de la conscience se dégageant des traités de Darwin et de ce qui l'interroge à propos de son premier souvenir (Vie).



On en vient à Proust et ses incontournables madeleines … première dégustation et première métamorphose intérieure... Voilà comment chasser l'ordinaire et passer à extraordinaire, à la félicité interne qui arrête le temps où, l'objet de cette félicité, cette félicité elle-même et soi-même, ne font qu'un rapporte Proust ... A chaque fois que l'expérience, ici liée au goût d'abord nouveau, est renouvelée, elle perd de son intensité... « Il est temps que je m'arrête la vertu du breuvage semble diminuer. Il est est clair que la vérité que je cherche n'est pas en lui mais en moi. Il l'y a éveillée mais ne la connaît pas. […] Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C'est à lui de trouver la vérité. […] Chercher ? Pas seulement : créer. »

Partant de cette référence aux écrits de Proust, Ameisen revient à la méthode clinique et sur les résultats d'expériences faites sur l'hippocampe de souris avec l'étude comparative de leurs comportements résultant de situations où elles doivent réactiver leur mémoire à long terme, pour en arriver graduellement à cette conclusion : « Les traces de souvenirs anciens seraient en partie conservées dans l'hippocampe et en partie dans les régions du cortex cérébral, où elles ont progressivement migré ».

Revenant à Proust, il explique que cette sensation si intime qui remonte en nous et dont on ne sait pas encore que l'on est entrain de la vivre, s'inscrit comme un récit qui devient, non seulement la trace de ce que nous avons vécu, mais est aussi une partie de nous, un récit, dont le narrateur, lui-même, est indissociable.



Dans le chapitre intitulé : « Détisser les mailles de l'univers... » Jean-Claude Ameisen nous fait entrer dans cette alternance entre veille et sommeil et part d'abord d'une expérience consécutive d'un rêve d'un des fondateurs du taoïsme Zhuang ZI, dans la Chine du IVe siècle avant notre ère. Il en ressort, plus loin, que nous sommes plus riches de ce qui s'est inscrit en nous pendant que nous nous sommes retirés du monde. Durant les phases d'hallucination de nos rêves. Mais aussi durant cette période où il nous semble que notre conscience s'est éteinte que nous nous sommes absentés de nous-même.

L'accent est mis sur cette toute puissance de l'oubli qui, à chaque réveil, nous permet de reconstruire et de poursuivre, dans ce monde, l'édifice intérieur de notre représentation du monde.

Et si se souvenir, c'était d'abord oublier ?...



Dans la dernière partie de cet ouvrage, il est beaucoup question des oiseaux autant par leur aspect symbolique d'êtres ailés, aériens et éthérés alors parfaits représentants de ce qui est la mouvance des pensées, des idées, et des souvenirs imagés, mais aussi comme sujets bien physiques de notre observation la plus attentive.

Et, de ce point de vue, Ameisen s'attarde alors sur la description des oiseaux jardiniers d'Australie qui, pour séduire leurs oiselles, réalisent de surprenants espaces dans le but de les y attirer. Ils y édifient des tonnelles à l'architecture surprenante, jouant avec la perspective en trompe-l'oeil grâce au concours de toutes sortes d'objets colorés qu'ils disposent harmonieusement sur le seuil, où ils viennent se pavaner. Bâtisseurs d'Éden de charme, c'est pendant une bonne partie de l'année, que ces oiseaux jardiniers, paysagistes, acteurs et chanteurs y oeuvrent avec autant de soin que d'originalité créatrice.

Se pose alors la question de la séduction, à savoir si la beauté existe seulement dans l'esprit qui la contemple, ce qui nous amène à cette autre double question : « Y-a-t-il de la culture dans la nature « ? et « Y-a-t-il de la nature dans la culture ? » Frans de Waal nous éclaire à ce sujet : « Nous ne pouvons pas répondre à cela sans réfléchir à notre place dans la nature – une place qui est définie par notre culture ».



On en arrive alors à l'Apprendre puis au Partage des émotions et des Intentions des Autres qui ne peuvent être que faits sociaux s'intégrant aussi à la mémoire, individuelle et collective...



Pour conclure, aura-t-on à constater, dans quelques mois ou années, que c'est aussi avec le temps que toute cette cascade d'idées et d'images sublimes, trouvera, en écho, son bénéfique écoulement dans notre espace intérieur pour éveiller notre esprit aux Raisons du Monde à la fois physique et métaphysique ? Il revient maintenant à chaque lecteur d'en faire volontairement l'expérience.

Lien : http://www.mirebalais.net/20..
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"Il fut un temps où le récit était un chant" . Il sera toujours un temps de la parole et de l'écoute. Ce temps où l'on se réunit tous ensemble avec tous nos "peut être... encore".
L'un parle l'autre écoute. Et ce que l'autre vous dit il le porte en vous même.
Écouter une voix en toute liberté de se savoir en adresse.
Un récit, un conte, une mémoire. Tout ce que porte la possibilité des mondes. Ce sont les ondes qui portent les voix. Nos feus de camps se sont éteints mais nous nous réunissons pour entendre et recevoir ce qui nous rappelle à ce qui nous rassemble.
L'émission de Jean Claude Amaisen est importante importante pour son enseignement. Comme sont les émissions de Daniel Mermet, d'Alain Veinstein, de Laure Adler, Sonia Kronlund et de tant d'autres qui me pardonneront de ne pas être cités mais que je remercie. A l'heure où la maison de Radio France tremble, il faudrait dire à tous ces journalistes et à leurs équipes combien leur travail est important.
Sur les épaules de Darwin nous offre l'occasion de nos hisser sur les épaules des géants. Poésie, sciences, philosophie. S'interroger sur ce que nous nommons le temps, sur ce qu'est un souvenir,sur ce que ne voyons pas, sur ce que nous percevons, sur ce que nous pouvons apprendre en observant l'infiniment grand, l'infiniment petit. Changer d'échelle. Faire bouger, changer le rapport et la distance.
S'interroger. Poser la question. Penser et réfléchir. Prendre le temps.
Entendre les battements du temps présent, de ces temps venus, de ceux qui viendront, et qui créent l'intelligence de notre chant.
Ces textes écrits et réunis par Jean Claude Ameisen sont beaux, étincelants parce que extrêmement brillants. Il nous faut bien des épaules de géant pour nous aider à traverser le fleuve du temps.

Astrid Shriqui Garain
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Le temps est la trame principale de ce livre (on l'aura deviné). Passé, présent, futur... comment percevons-nous ces notions ?
On parle ici d'astronomie et de paléontologie, ces domaines qui nous permettent de remonter le temps, de regarder dans le passé pour mieux comprendre nos origines. Puis c'est vers notre cerveau et notre mémoire où l'auteur nous emmène, cet organe qui nous est encore tellement inconnue, dans lequel passé, présent, futur semble se mélanger, ne pas répondre aux même lois pendant la nuit et le jour... Également, beaucoup d'analyses sur de récentes études sur tout ce qui est a trait aux fonctions cognitives chez certains animaux et la comparaison avec nous, humains.
C'est plaisant à lire, le mélange de citations, d'extraits de textes littéraire et poétique, de réflexions philosophiques avec les parties plus scientifiques donne une bonne dynamique au récit.
Mais j'ai trouvé quelques points négatifs, le style est parfois bien maîtrisé, reflétant très bien la beauté de ce que l'auteur décrit, mais parfois trop redondant, un peu lourd, ce qui peut laisser notre attention se détacher un peu du livre à certains moments. Mais ce n'est que mon ressenti.
Si j'ai toujours autant de plaisir à écouter Jean-Claude Ameisen, son livre en revanche m'aura un peu déçu, pas dans le fond, qui est très enrichissant, mais plutôt dans la forme et la construction des chapitres qui m'a semblé manquer de cohérence.
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critiques presse (1)
Telerama
05 décembre 2012
[Jean Claude Ameisen] tisse ensemble les acquis de la connaissance humaine et les intuitions des poètes, partant de la certitude qu'entre les deux il n'est pas de hiatus, mais, au contraire, une complémentarité évidente et féconde.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Pour Darwin, la "nouveauté" essentielle dont l'émergence, i y a longtemps, dans le monde non humain, a permis l'évolution très progressive de nos ancêtres vers ce que nous appelons l'humanité, n'est pas l'intelligence abstraite, dont nous sommes habituellement si fiers, mais l'existence d'une forme d'intelligence émotionnelle, sociale -la capacité d'attention à l'autre, de se mettre à la place de l'autre, de ressentir les intentions et les émotions de l'autre.
C'est l'émergence et l'évolution de cette forme d'intelligence émotionnelle et sociale, dit-il, qui a produit chez nous ce qu'il appelle 'La part la plus noble de notre nature' - la règle d'or, "ce que tu voudrais que les hommes fassent pour toi, fais-le pour eux" - l'aide que nous nous sentons obligés d'apporter aux personnes les plus faibles, et qui est essentiellement une conséquence indirecte de l'instinct de sympathie.
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Ce qui distingue fondamentalement la mémoire à court terme de la mémoire durable, c'est que la première est un renforcement des réseaux de connexions, des circuits de cellules nerveuses préexistants. Alors que la mémoire durable dépend de la création de nouveaux réseaux, de nouveaux circuits -et de modifications des cellules qui les composent-, une création durable de nouveauté.
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Il y a des moments rares et puissants où un écrivain disparu depuis longtemps semble se tenir devant vous et vous parler directement, comme s'il portait un message à votre intention.
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Andromède, une nébuleuse visible à l'oeil nu dans l'hémisphère Nord, est une galaxie distante de plus de deux millions d'années lumière de notre Voie lactée.
Sa lumière que nous percevons aujourd'hui a été émise il y a plus de deux millions d'années.
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Une étude de neurosciences a révélé en 2011 le plaisir intense que peut provoquer l'anticipation du passage à venir d'une musique que nous connaissons, et que nous aimons.
Le plaisir de l'anticipation du retour d'un souvenir.

"Mais tu es la musique tant que dure la musique..."
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Videos de Jean-Claude Ameisen (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Claude Ameisen
Déchiffrer (3). Le déchiffrement du linéaire B. par Jean-Claude Ameisen. Émission “Sur les épaules de Darwin”, diffusée sur France Inter le 20 juin 2015. Photographie : Fresque minoenne au musée archéologique d'Héraklion, en Crète. « Seul, le divin Ulysse restait dans la grande salle à méditer la mort des prétendants. Mais déjà Pénélope, la plus sage des femmes, descendait de sa chambre, ayant pris avec elle deux de ses chambrières qui lui mirent, auprès du foyer, une chaise où la reine s’assit. Et la reine lui dit : “Ce que je veux d’abord te demander, mon hôte, c’est ton nom et ton peuple, et ta ville et ta lignée. Car tu n’es pas sorti du chêne légendaire ou de quelque rocher.” Ulysse l’avisé lui fit cette réponse : “Digne épouse d’Ulysse, au large, dans la mer vineuse, est une terre aussi belle que riche, isolée dans les flots. C’est la terre de Crète, aux hommes innombrables, aux 90 villes dont les langues se mêlent – côte à côte, on y voit des Achéens, des Kydoniens, de vaillants Etéocrétois, des Doriens tripartites et des Pélasges divins. Parmi elles, Cnossos, grande ville de ce roi Minos, que le grand Zeus, toutes les 9 années, prenait pour confident. Minos est mon aïeul. Son fils, Deucalion au grand cœur, m’engendra. Et, pour frère, j’avais le roi Idoménée qui, sur ses navires, suivit, en direction de Troie, les deux frères Atrides [Agamemnon et Ménélas]. Moi, qu’on appelle Aithon, j’étais le plus jeune. C’est chez nous que je vis Ulysse. Il s’en allait à Troie, quand il reçut mon hospitalité. Car la rage des vents, au détour de Malée, l’avait jeté en Crète et, mouillant dans les ports dangereux d’Amnissos, sous l’antre d’Ilithye, il n’avait qu’à grand peine échappé aux rafales. […]” À tant de menteries, comme il savait, Ulysse, donner l’apparence du vrai ! Pénélope écoutait. Et ses larmes de couler, et son visage de fondre. Vous avez vu l’Euros, à la fonte des neiges, fondre sur les grands monts, et la fonte gonfler les rivière. Ainsi ses belles joues paraissaient fondre en larmes. Elle pleurait l’époux qu’elle avait auprès d’elle ! » Homère. “L’Odyssée”, Chant 19.
Les références : “Is it because i'm black ?” par Tiken Jah Fakoly (Barclay) “Le déchiffrement du Linéaire B. Aux origines de la langue grecque” écrit par John Chadwick (Editions Gallimard) “The Party's Over” par Dakota Staton (Le Chant Du Monde) “Histoire des codes secrets” écrit par Simon Singh (Le Livre de poche) “The codebrakers” écrit par David Kahn (Simon & Schuster) “Iliade-Odyssée” écrit par Homère (Gallimard / La Pléiade) “Juste une chanson” par Dominique Pinto alias Dom La Nena (Universal) L'équipe : Jean-Claude Ameisen : Producteur Christophe Imbert : Réalisateur Jean-Baptiste Audibert : Programmateur musical Christophe Mager : Attaché de production Source : France Inter
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Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

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