J'avoue être à des années-lumières de l'enthousiasme que vous manifestez à l'égard de ce livre.
Pour quelles raisons ?
1) D'abord, l'absence de tension et de progression dramatique : on a compris d'emblée que Vicente, immigré polonais à Buenos Aires, est accablé par le remords de ne pas avoir sorti à temps sa mère du ghetto de Varsovie d'où l'on se doute que la pauvre ne reviendra pas. Ce remords le tenaille jusque dans les ultimes pages, je ne spoilerai pas la scène mélodramatique au possible où Vicente, emmuré dans son remords (vas-y que j'insiste bien sur la métaphore (ou la comparaison?) de l'enfermement ! eh oui, c'est rapport au ghetto, du mur, quoi, dans lequel les juifs de Pologne étaient eux, vraiment, physiquement quoi enfermés), tente de commettre l'irréparable...
Pour se donner quelques frissons, autant relire la regrettée
Enid Blyton, l'auteure de Noddy (Oui-Oui en français), de The Famous Five (
le club des Cinq) et de The Secret Seven (Le Clan des Sept), qui m'a procuré mes premiers émois littéraires, et qui pourrait donner à notre ami Santiago quelques leçons posthumes de construction dramatique.
2) Ensuite pour le style : il est aussi lourd qu'un bloc de béton dans lequel on aurait couler un parrain de la mafia marseillaise avant de le jeter dans le vieux-port, lesté d'une bonne chaîne en acier longue d'une centaine d'encâblures, laquelle serait pourvue en son extrémité d'une ancre faite d'un alliage de plomb et de titane, si tant est que cela soit possible. Je n'ai plus le livre sous la main pour faire des citations, mais on ne compte plus les phrases où l'auteur accole au sujet un verbe répété une demi-douzaine de fois: "Vicente n'en pouvait plus, n'en pouvait plus, n'en pouvait plus... (x5)". (Nous aussi). Nos éminents collègues de lettres pourront sans doute nous dire de quel procédé de langage il s'agit. Répétiton ? Redondance ? Lourdeur en tout cas !
3) le côté didactique tout aussi pesant : pourquoi diable le narrateur se croit-il obligé d'alterner ce récit familial pesant avec le Manuel pour les Nuls de la
Shoah où tout y passe ? les lois de Nuremberg, la conférence de Wannsee, la
Shoah par balles, les camps d'extermination, Treblinka, Auschwitz... On ne peut pas écrire sur la
Shoah comme si
Elie Wiesel,
Primo Levi,
Claude Lanzmann et consorts n'étaient jamais passés par là !
4) La vacuité enfin de la pensée : ce livre ressasse tous les poncifs de la littérature de la
Shoah : la question de l'identité (être juif ou pas juif, that's the question), le non-dit, l'indicible, la transmission à travers les générations d'un secret qui pèse encore sur la famille pendant des lustres... On a lu ça des dizaines de fois !
Je ne comprends pas l'utilité d'un tel livre.
Pour moi, vous l'avez compris, ce fut le ghetto littéraire