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sur 964 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
°°° Rentrée littéraire 2019 #27 °°°

Non,ce n'est pas un énième livre sur la Shoah. Oui il est encore possible, après Levi, Wiesel, Kertesz ou Semprun d'écrire un grand roman sur ce thème en trouvant un angle romanesque original. En l'occurence, une histoire simple et terrible.

Vicente, juif polonais arrivé en Argentine en 1928, marié, trois enfants, marchand de meubles à Buenos Aires, reçoit à partir de 1940 des lettres alarmantes et désespérées de sa mère restée en Pologne, enfermée dans le ghetto de Varsovie, des lettres qui disent la promiscuité, faim, la terreur, jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. de 1940 à 1945, tout son quotidien, toute son âme vont être ébranlés par les funestes nouvelles qui lui font comprendre petit à petit l'horreur de ce qu'il se passe en Europe, lui qui avait migré pour s'affranchir de sa mère, pour grandir, pour vivre sa vie, à une heure où personne, surtout pas la presse, n'a pris la mesure de la Shoah en temps réel.

L'onde de choc se diffracte, d'abord une mélancolie puis une culpabilité, une impuissance qui le dévorent et le rongent au point que c'est un ghetto intérieur qui s'ancre dans sa tête et l'isole des siens, il se réfugie dans le mutisme, le silence comme refuge, si le silence comme acte ultime de son désespoir : « le monde extérieur avait de nouveau cessé d'exister. Ses pensées s'étaient de nouveau perdues dans la grande plaine enneigée. Il ne sentait plus rien. Seules quelques gouttes d'acide tombaient régulièrement dans son ventre, creusant un sillon lancinant pour lui rappeler son malheur. »

Santiago Amigorena sait se faire pédagogue pour entremêler ce drame intime à des dates précises correspondant aux grandes décisions administratives nazies. de cette confrontation, naît une réflexion lancinante sur l'exil et l'identité : si loin de ses origines, de sa mère, à l'abri, que signifie être juif maintenant qu'il est confiné dans cette identité ?

« A partir de ce triste mois de mars 1941, Vicente allait éprouver une double haine de lui-même : il allait se détester parce qu'il s'était senti polonais et il allait se détester davantage encore parce qu'il avait voulu être allemand. Il allait éprouver une double haine de lui-même que jamais le fait de se sentir juif n'allait soulager. « Pourquoi jusqu'aujourd'hui j'ai été enfant, adulte, polonais, soldat, officier, étudiant, marié, père, argentin, vendeur de meubles, mais jamais juif ? Pourquoi je n'ai jamais été juif comme je le suis aujourd'hui – aujourd'hui où je ne suis plus que ça. » Comme tous les Juifs, Vicente avait pensé qu'il était beaucoup de choses jusqu'à ce que les nazis lui démontrent que ce qui le définissait était une seule chose : être juif. »

L'écriture de Santiago Amigorena a trouvé le parfait équilibre entre pudeur et émotion, elle module des passages d'une grande sobriété, presque chuchotés ; d'autres sont plus exaltés, s'épanouissant dans d'amples phrases multipliant les répétitions, entêtantes, sonores, faites pour être lues, criées ou chantées dans une mélopée spiralaire.

Le dernier quart du roman est absolument bouleversant jusqu'à un formidable épilogue où le « je » de l'auteur raconte comment il a reçu de son grand-père, Vicente donc, ce douloureux silence en héritage.

Lu dans le cadre du jury Grand Prix des Lectrices Elle 2020 ( n°11 )
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Roman sombre, superbement écrit, qui invite le lecteur au coeur de ce ghetto qui pourrait s'intituler culpabilité.

Pour l'homme qui a fui la Pologne pour l'Argentine, peu avant que les bruits de botte ne deviennent vacarme, l'exil fut salutaire. Mariage, travail, famille, tout pourrait faire le lit d'une existence, sinon heureuse, du moins paisible. Oui mais voilà, sa mère est restée là-bas, isolée, et, lorsque Vicente sort du silence et répond enfin aux lettres de celle-ci, il est trop tard, le ghetto s'est refermée sur elle.

La charge est trop lourde et les issues trop certaines pour que le chagrin et la culpabilité puissent être mis en mots : Vicente se mure et le mot est choisi à dessein dans un silence mortifère qui l'isole peu peu de ses proches, les punissant eux aussi de ce malheur su lequel ils n'ont aucune marge de manoeuvre.

C'est un travail d'introspection terriblement émouvant et oppressant, un témoignage, qui même s'il n'apporte rien de nouveau pour peu que l'on soit informé de ce qui s'est passé dans ces années noires à Varsovie, met en lumière les souffrances par procuration qu'ont pu subir tous ceux qui avaient des proches pris au piège créé par la folie de quelques-un et l'aveuglement des autres.


Très émouvant et marquant.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Le stade après l'irrémédiable…
Vincente Rosenberg a fui la Pologne vers la fin des années vingt pour s'installer à Buenos Aires. Sa mère est restée à Varsovie. Il vit de petits boulots jusqu'à ce qu'il rencontre Rosita qui deviendra sa femme et avec qui il aura quatre enfants. Il entretient une relation épistolaire et dilettante avec sa mère. La seconde guerre mondiale dévaste l'Europe. Les juifs sont persécutés jusqu'au jour où lui parvient une dernière lettre…
En partant s'installer en Argentine, il a fui sa condition de juif et l'amour étouffant de sa mère. du moins c'est ce qu'il croyait avant que l'horreur ne s'empare de sa vie, celle du point de non-retour, le moment du basculement entre savoir que l'on peut à tout moment retrouver les êtres qui nous sont chers et leur mort, scellant définitivement toute possibilité de les chérir à nouveau. le silence de Vicente est ce stade après l'irrémédiable, avant que le temps ne fasse son office et que les souvenirs s'estompent.
Le roman de Santiago Amigorena n'est pas seulement un témoignage sur la Shoah, sur l'antisémitisme meurtrier qui s'est emparé d'une partie du monde. Il nous invite à nous extraire de notre quotidien routinier au travers duquel nous ne prêtons pas suffisamment d'attention aux gens que nous aimons et qui nous aiment et à bien avoir conscience qu'ils ne sont pas éternels. Tant qu'ils sont vivants, ne cessons jamais de leur témoigner notre amitié, notre amour afin que ni regrets, ni remords ne nous harcèlent.
La dernière lettre de la mère de Vicente rappelle la « Lettre d'une inconnue » de Stefan Zweig, où comme un au revoir elle dénonce les manquements, les non-dits, sans jamais se plaindre, annonçant le grand vide à venir.
« le ghetto intérieur » est une très belle histoire, déchirante, triste mais le style de l'auteur insupporte parfois avec cette avalanche de répétitions qui rendent la lecture balbutiante, bégayante.
Editions P.O.L, Folio, 179 pages.
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Voici ce que l'on peut qualifier de lecture éprouvante et douloureuse, mais aussi remarquablement attachante par son hommage autobiographique.

Santiago Amigorena ouvre une page très personnelle en évoquant un grand-père émigré à Buenos Aires dans les années trente, heureux de commencer une nouvelle vie en laissant derrière lui avec une certaine indifférence une famille juive polonaise.

Quand l'Europe commence à s'enflammer sous bottes allemandes, la culpabilité du survivant, la connaissance de l'horreur de la Shoah et la compréhension de la tragédie sans doute subie par sa mère et son frère vont transformer en quelques années un homme dynamique en fantôme silencieux. le jeune père et époux s'enferme peu à peu dans une mélancolie inguérissable, une forme de disparition personnelle dans le silence, la honte et l'impuissance insurmontable.

C'est un livre de la conscience, qui met en mots l'indicible, qui pousse l'introspection dans ses ultimes limites, qui évoque le désarroi des proches et ouvre réflexion sur l'identité juive, sa définition mi religieuse, mi ethnique.

Le style est implacable, descriptif avec une certaine déshumanisation au fil des pages.
Un « roman » fort et étouffant.
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C'est l'histoire d'un homme qui "voulait ne plus savoir".
Wincenty Rosenberg est devenu Vicente lorsqu'en 1928, âgé de 26 ans, il a gagné l'Argentine pour mener sa propre vie loin de la Pologne -et de sa mère. Et il a réussi : douze ans plus tard, il est parfaitement intégré, marié, père de famille et possède un magasin de meubles à Buenos Aires. Mais comment continuer à jouir de la vie quand les lettres que lui envoie sa mère, restée à Varsovie, se raréfient ? Quand les quelques nouvelles qui lui parviennent évoquent un ... ghetto ? la faim insoutenable ? des chambres à gaz mobiles ? Comment ne pas devenir fou en essayant de trouver un sens à tout cela, et comment supporter de vivre en se reprochant de n'avoir rien fait pour épargner ce "tout cela" à sa propre mère ?
C'est la première fois que je lis un récit qui aborde la Shoah sous l'angle si particulier de la culpabilité, et cet aspect m'a profondément interpelée. Ce livre offre de riches débuts de réponses à toutes ces questions qui font mal tant elles dérangent. Comment continuer à vivre sans savoir ce qui advient de ceux que l'on aime et que l'on aurait pu protéger ? Comment continuer à vivre quand on est plongé dans une telle impuissance, à 12 000 km des siens ? Comment continuer à vivre en se torturant l'esprit à imaginer ce qu'ils peuvent subir au même moment ?
C'est donc un récit très intériorisé que propose ici Santiago H. Amigorena, et auquel il apporte des précisions qui ne sont pas contemporaines à l'intrigue, mais qui ont été postérieurement avérées. Bien que pertinente, cette double narration temporelle est un peu perturbante, car le livre oscille alors entre roman et ouvrage d'Histoire. Par ailleurs, le style est un peu aride, mais en accord avec le thème développé.
Avec "Le ghetto intérieur", Amigorena a écrit une oeuvre profondément humaine sur la Shoah et sur la famille, le genre de livre marquant qui fait réfléchir et qui oblige à savoir. On n'en sort pas indemne, mais au moins, on en sort.
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Le ghetto intérieur est une lecture émotionnellement très forte. Vicente, jeune juif polonais immigre en 1928 à Buenos Aires, il y fonde sa propre famille, laissant sa mère à Varsovie.
La guerre arrive, plus de nouvelles de sa mère qui tente de survivre dans le ghetto de Varsovie.
Ce livre nous plonge d'abord dans ce questionnement identitaire. Que signifie " être juif"? Qui l'est et dans quelle mesure ?
L'auteur fera dire à Vicente: Je suis juif mais je ne sais pas ce que c'est.
Vicente, lui s'est toujours senti polonais, voire il rêvait de vivre en Allemagne. La guerre va le plonger dans une culpabilité écrasante, dont sa seule issue est le silence, il ne veut plus savoir, ne peut plus vivre. Il s'emmure, il ne peut plus s' occuper de sa femme, ses enfants. À la fin de la guerre, son ultime salut est de se pendre, heureusement empêché par sa femme.
Vincent va vivre une autre horreur:" l'horreur d'une vie coupable où la culpabilité le rongeait jour après jour..."
Ce livre m'a beaucoup fait penser à celui de Tatiana de Rosnay: Elle s'appelait Sarah, tout comme Vicente, elle échappe à l'abomnination de L'HISTOIRE, néanmoins elle se donnera la mort quelques années plus tard, incapable de survivre à cette culpabilité, tous les siens sont morts.
Un livre émouvant, nous interpellant sur le sens de la vie, sur la culpabilité, la filiation et tant d'autres choses.


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Vicente a fui la Pologne en 1928 et s'est installé à Buenos Aires. Il a épousé Rosita, a eu avec elle trois enfants et retrouve régulièrement ses amis au café.

Loin de l'ombre dans laquelle plonge l'Europe à la fin des années 30, il en perçoit peu à peu la gravité à travers les lettres qu'il reçoit de sa mère restée à Varsovie.

Vicente qui ne s'était jamais senti particulièrement juif, s'interroge soudain sur son identité :

"Comme tous les juifs, Vicente avait pensé qu'il était beaucoup de choses jusqu'à ce que les nazis lui démontrent que ce qui le définissait était une seule chose : être juif."


Au moment où l'entreprise d'extermination industrielle des juifs se met en place, l'auteur choisit, s'inspirant de l'histoire de son grand père, un point de vue inédit : celui de Vicente, à des milliers de kilomètres de l'horreur mais emmuré peu à à peu dans son silence, dans sa consternation, dans sa culpabilité, dans son sentiment poisseux d'impuissance.

 Penser l'impensable » et « comprendre l'incompréhensible », c'est ce à quoi s'attache subtilement ce sobre mais terriblement puissant roman.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Jusqu'où une souffrance, un martyr, un insoutenable génocide peut-il se partager, se comprendre ou tenter de se vivre à distance ?

Le ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena n'est pas un livre de plus sur l'holocauste nazi mais une tentative d'analyse du lourd sentiment de culpabilité de ceux qui l'ont vécu à distance, et qui sont restés.

Cette profonde descente dépressive de Vincente, réfugié en Argentine avec femmes et enfants pendant que sa mère et le reste de la famille restés en Pologne voient peu à peu le ghetto de Varsovie refermer sa nasse annonciatrice des massacres à venir, est incroyablement forte et prenante.

J'ai pourtant eu beaucoup de mal à entrer dans cette intimité littéraire, ne m'y sentant pas à ma place : cette intimité qui lie Vincente et sa mère à travers ces lettres sans réponses où le lien filial semble déjà malmené depuis longtemps ; celle qui lie Vincente à ses proches qui semblent souvent passifs ou absents devant le mal-être qui le ronge ; et enfin la propre intimité de Vincente qu'il tente de nous partager comme une catharsis rédemptrice sans que nous puissions totalement la comprendre.

C'est probablement un grand livre, bien écrit et documenté, mais que je n'aurais pas su totalement aborder.
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Le grand-père de Santiago Amigorena, Wincenty Rosenberg , juif polonais, a quitté Varsovie en 1928, s'est installé en Argentine à Buenos Aires, il est devenu Vicente , a fondé une famille avec Rosita Szapire , elle même juive , dont les parents avaient quitté le shtetl (quartier juif) près de Kiev avant sa naissance. Ils ont trois enfants Martha , Ercilia , Juanjo.
Vicente a tenté de faire venir sa mère, sa famille, dans ce pays, sans succès. Quand il apprend les conditions de vie et de mort des juifs, notamment ceux enfermés dans le quartier juif de Varsovie, il va, peu à peu, s'emmurer dans le silence. Un mutisme violent, comme un ghetto intérieur
Le petit- fils ouvrira la porte de cet enfermement par le biais de la littérature, pour se libérer, de cette pesanteur étouffante.
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"Le ghetto interieur" c'est la culpabilité qui ronge Vincente Rosenberg, culpabilité qui ne cesse de grandir jusqu'à l'enfermer complètement sur lui-même, Vincente en devient prisonnier.
Vincente a quitté la Pologne et les siens en 1928 pour vivre en Argentine où il rencontre Rosita, se mariera et aura 3 enfants. Tout se déroule plutôt bien jusqu'au jour où il reçoit une lettre de sa mère lui apprenant ce qu'elle vit à Varsovie avec l'arrivée des nazis. Il ne va pas se révolter, crier, se battre, non il va au contraire se murer dans un silence où la culpabilité va prendre toute son énergie et le ronger petit à petit.
C'est un livre dur car on ressent la souffrance le mal-être grandissant de Vincente mais sa souffrance ne m'a pas réellement touchée elle m'a même parfois agacée. Culpabiliser d'avoir laissé sa mère en Pologne et de ne pas avoir assez insisté pour qu'elle le rejoigne en Argentine peut se comprendre. Mais est-ce que cela justifie de délaisser sa femme et ses enfants ? oui je suis dure car il est dans une telle souffrance qu'il en devient l'esclave mais je trouve malgré tout qu'il est très égocentré. S'il ne trouve pas les mots pour exprimer ce qu'il ressent de l'horreur qui se passe en Europe et plus particulièrement de ce que sa mère peut vivre, il a auprès de lui une femme et des enfants qui existent, vivent et ont besoin d'un minimum d'attention, d'un regard, d'un geste qu'il ne donne même plus à son fils qui lui tend la main.
Faire souffrir les siens parce qu'on se sent coupable n'est pas un comportement nouveau mais est un comportement que je ne comprends pas pour autant. Je suis donc restée à distance de Vicente Rosenberg qui n'a pas laissé de place à autre chose ou à quelqu'un d'autre que sa culpabilité.
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