AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Cancie


Le coup d'état du général Juan Carlos Ongania avait porté à la tête de l'Argentine une idéologie libérale, nationale-catholique et anticommuniste qui s'était distinguée peu de temps après avoir pris le pouvoir par une attaque féroce à l'université de Buenos Aires. Cette violence nouvelle a fait fuir d'Argentine des centaines et des centaines de professeurs, et d'autres comme les parents de Santiago qui exerçaient tous deux comme psychanalystes, le gouvernement ayant interdit à ceux-ci de pratiquer leur activité s'ils n'étaient pas médecins. C'est en Uruguay, « un petit havre de démocratie égaré dans un continent que le feu et le sang commençaient de dévorer de toutes parts » qu'ils vont s'installer.
Santiago a six ans et c'est la douce compagnie de son chien Céleste qui lui a permis de ne point trop souffrir de ce premier exil d'Argentine en Uruguay, tout comme ce sera la douce compagnie de son frère aîné qui lui permettra six ans plus tard de survivre à la douleur amère de l'exil d'Uruguay en France à l'arrivée de la dictature militaire.
Dans le Premier Exil, Santiago H. Amigorena raconte comment il a vécu cette fin des années 1960 et début des années 1970, six années de sa petite enfance. Il raconte les origines de son silence, son mutisme, le rapprochement instinctif avec son frère, ce premier exil leur ayant montré qu'il fallait se méfier des adultes et de leur monde, puis ce sera l'apprentissage de l'écriture, de l'amitié, de l'amour et de la politique. Il aime passer son temps libre dans le gomero, cet arbre immense qui rendait leur jardin riquiqui, presque infini !
Son interrogation sur la mémoire, sur le silence et la parole, confronte à la fois ses souvenirs d'enfance et ses réflexions philosophiques d'adulte, rendant parfois la compréhension complexe mais très intéressante.
J'ai particulièrement apprécié la manière dont l'écrivain inscrit son vécu personnel dans le collectif. Dès l'arrivée en Uruguay, le mouvement révolutionnaire des Tupamaros commence à être actif et six ans plus tard, « cet univers qui nous entourait, qui nous dépassait, qui nous attendait, se colorait lentement d'une violence de plus en plus manifeste ». Puis arrivera la terreur. D'ailleurs, tout près de leur habitation, une maison bien mystérieuse est en fait le siège de la CIA, dans laquelle travaille Dan Mitrone, ce policier américain, spécialiste dans le domaine de la torture.
Santiago H. Amigorena n'hésite pas à faire le parallèle avec les nazis qui faisaient disparaître tous ceux qui représentaient un danger pour le régime.
Malgré de nombreuses digressions rendant la lecture parfois un peu difficile, c'est un texte très riche que nous offre l'auteur, aussi bien du point de vue philosophique avec ces réflexions sur la mémoire, le silence, la parole, la perte que du point de vue politique.
Tout comme le Ghetto intérieur que j'avais fort apprécié, j'ai trouvé très intéressant et instructif le Premier Exil. Ce sont deux ouvrages de Santiago H. Amigorena qui témoignent de la vie de l'auteur et de sa famille, vie marquée et bouleversée par la Shoah, le déracinement et la dictature, à l'origine de beaucoup de silence, silence sur lequel l'auteur a bâti son oeuvre, une oeuvre puissante et éloquente.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          940



Ont apprécié cette critique (91)voir plus




{* *}