Les premières fois. Difficile d'être plus explicite que le titre. Au coeur des années 70, ce sont les premiers départs, les premiers déménagements, les premiers amis, les premières amours, les premières filles, les premiers livres, les premiers tableaux, les premières révoltes, le Bac, les premiers voyages en solitaire…
Le sujet qu'ausculte l'écrivain, c'est l'adolescence : la sienne, et par extension, la nôtre. En effet, à travers l'agencement des souvenirs, des sensations et des réflexions retrouvés, Amigorena traque « l'essence même de cet âge », de ce moment de l'existence. L'adolescence, cette saison de la vie qui, dans la conception du temps qui est celle de l'écrivain — disons-la proustienne, demeure toujours un présent (« l'adolescence comme l'enfance sont des forces vives qui ne meurent jamais »).
Au fil de quelque six cents pages délicieusement bavardes, (parfois un peu trop), encyclopédiste de lui-même, l'écrivain raconte et commente de multiples initiations : à la sensualité, à l'amour et au féminin, à l'amitié, à l'Europe, à la peinture, à la photographie, à la langue française et à l'écriture vers laquelle l'adolescent se tourne très tôt. Sans que jamais l'esprit de sérieux ou la nostalgie s'emparent du récit pour lui imposer une tonalité dominante grave — en chacune de ces pages, la légèreté et l'humour règnent tout autant.
Demeure en aplomb de ces pages, le désir de l'auteur de décrire ce moment de douceur et de légèreté pour mieux souligner l'étrangeté de cette l'expression : « la première fois ». Ainsi que la spontanéité et la fraîcheur des commencements, qui riment toujours avec les achèvements. « La première fois n'est-elle pas que l'une des premières fois où tout commence, où tout finit ? ».
Un adolescent uruguayen, exalté et exilé à Paris, apprend tout à la fois à devenir français et à sortir de l'enfance.
Y a t il vraiment une première fois ou bien y en a t il mille ?
Toutes ces premières fois n'en seront pas vraiment parce qu'il est trop tôt, parce que la peur est trop prégnante.
Dans ce long roman d'apprentissage, écrit dans une langue précieuse (dans tous les sens du terme), celle de celui qui n'écrivant pas dans sa langue maternelle décide de maîtriser encore davantage cette langue de l'exil, tout est vrai et tout est faux.
La vérité peut en effet ne pas correspondre entièrement à la réalité, previent l'auteur.
Les années 70 sont magnifiées comme des années de liberté avant la survenance des années 80 avec la régulation économique, le sida et... les nouveaux philosophes.
Avec une grande érudition (comment peut on avoir tout lu à 17 ans ?), et à travers toute l'Europe, de Patmos à Amsterdam, Santiago multiplie les aventures qui s'avèrent n'être que des demi-rêves comme interrompus par des réveils soudains.
Et le roman s'achève, logiquement, avec ce qui est, peut être, une première fois.
Le charme de la lecture nous poursuit alors longtemps, tout ensoleillé d'étés vibrants, en nous interpellant doucement sur ce qu'est devenue notre liberté.
![]() | Telerama 16 septembre 2016
L'auteur argentin ausculte son adolescence parisienne dans un délicieux roman d'apprentissage aux accents seventies autant que proustiens.
Lire la critique sur le site : Telerama |
![]() | LePoint 06 septembre 2016
Avec Les Premières Fois, Santiago Amigorena a osé faire un enfant dans le dos à l'auteur de la Recherche. Solaire.
Lire la critique sur le site : LePoint |
Françoise Sagan : "Le miroir ***"