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Critique de KiriHara


Jean Amila alias Jean Meckert, est un écrivain français né en 1910, mort en 1985, qui a oeuvré dans la littérature populaire de la plus brillante des manières ainsi que la plus obscure.

Sous son nom ou ses pseudonymes John et Jean Amila, il a publié de nombreux romans plébiscités par le public et par ses pairs. Débutant chez Gallimard en 1941 avec un roman, « Les coups » écrit en 1936, et publié sous son nom, c'est en 1950 qu'il intègre la célèbre collection « Série Noire » du même éditeur sous le pseudonyme John Amila, qui deviendra par la suite Jean Amila.

Entre ces deux dates, le succès du premier roman fait suite à une traversée du désert mais, l'auteur poursuit son travail, dans l'obscurité des nombreuses collections de la littérature populaire de l'époque sous divers pseudonymes (Mariodile, Albert Duvivier, Stan Derley, Édouard, Edmond ou Guy Duret, Marcel Pivert).

La suite, tout le monde la connait : de nombreux romans pour la Série Noire qui se termine sur cet ultime opus : « Au Balcon d'Hiroshima » en 1985.
Ultime participation à la Série Noire, mais pas dernier ouvrage (il écrira encore un récit autobiographique), ce très court roman a été écrit alors que l'auteur s'approche de ses 75 ans.

Pour autant, il n'a pas abandonné ses combats et sa fougue militante et, 40 ans après l'ignominie, l'auteur veut dénoncer « cette caste qui peut disposer de la vie de milliards d'homme ».

Plus que la guerre, qu'il a connu, tout comme ses personnages, c'est surtout l'aberration, l'inconscience, l'horreur, l'incrédulité des bombes atomiques lâchées sur la japon pour faire plier l'adversaire.

Certes, il ne sera question que de la première et la plus dévastatrice des deux, celle lâchée le 6 août 1945 sur la ville d'Hiroshima, mais le constat sera édifiant d'autant qu'il sera fait principalement par les yeux d'occidentaux...

Car le livre se concentre sur un jeune français ayant fuit la France en 1939 après un braquage râté. Lui est parvenu à s'enfuit avec le magot (c'était le chauffeur) tandis que ses complices étaient arrêtés après avoir tué un flic.

Passé par la Suisse pour obtenir des faux papiers, il atterrit au Japon où il refait sa vie. Il épouse une japonaise, lui fait deux enfants, parvient à monter une entreprise florissante de machines à sous.

Mais la guerre le rattrape et Tokyo est bombardé par les américains. Il perd tout : sa maison, sa femme, un enfant, l'autre, gravement blessé a été transporté dans un hôpital, mais il ne sait lequel. Et il a perdu son entreprise, son pactole, son moyen de subsistance.

Il se retrouve alors enfermé dans un camp de prisonniers avec d'autres occidentaux, la femme d'une ambassadeur, un vieux lettré et sa femme, une famille d'italiens...

Pendant ce temps, ses potes de braquage son parvenus à s'enfuir de prison, sont entrés dans la résistance, plus pour se faire du blé que par patriotisme et la fin de la guerre approchant, de peur que leur passé les rattrape et par envie de vengeance et de récupérer leur part du magot, ils décident de partir sur les traces du fuyard.

Jean Amila fait la part belle à la coexistence du jeune malfrat repenti avec les autres détenus, creuvant tous la faim, n'ayant qu'un verre de riz à manger tous les trois jours, cherchant des moyens de subsister, qui dans les plantes dans l'enceinte du camp, qui en attrapant des rats qui grouillent la nuit, qui en volant les autres...

Mais le malheur rapproche et l'ancien voleur se rapproche de la notable femme de l'ambassadeur qui, une fois le masque retiré de la femme de société geignarde et hautaine, se révèle femme des campagnes généreuse, chaleureuse et débrouillarde.

Puis débarque les deux zouaves qui ont traversés l'enfer par goût de vengeance et qui, poussés par le hasard, se retrouvent dans le même camp, fuyant une situation problématique pour se retrouver dans une autre bien plus difficile.

Et là, la vie va démontrer que l'enfer de Satan, des camps, des geôliers, n'était rien comparé à celui des « libérateurs », de l'homme, tout simplement.

Évidemment, j'étale un peu le contenu du livre, mais comme celui-ci ne tient pas par son intrigue (le titre et le contexte sont assez évocateurs pour deviner vers quoi tend la fin du livre), je ne crains pas de faire des révélations nuisant au plaisir de lecture.

Effectivement, tout l'intérêt du livre réside dans cette vision de l'apocalypse pourtant si magnifiquement étrange à regarder quand on n'en saisit pas sa portée et son horreur. Et c'est le cas des prisonniers qui assistent à ce spectacle hypnotique.

Bref, je n'en dirai pas plus tant il est préférable de lire ce roman, d'autant qu'il est suffisamment court pour se dévorer littéralement.

Tout le livre se déguste grâce à la plume encore alerte de l'auteur, grâce à l'humour latent provenant du personnage de la femme de l'ambassadeur, par l'empathie que le lecteur peut avoir avec toutes les victimes de cette guerre en général et le voleur repenti en particulier.

Puis la fin vous met K.O. de part son horreur non évoquée. Car l'auteur aurait pu plonger sa plume dans le sang et dans la fange putride à grand renfort d'images horribles et de descriptions putassières. Mais il n'en est rien. L'horreur vient du décalage entre la vision de ces êtres qui ne savent pas à quoi ils sont confrontés et de celle du lecteur qui, lui, sait. Il sait qu'il a désormais affaire à des morts qui ne le savent pas. Il sait qu'ils sont confrontés à la plus grande dégueulasserie que l'homme a pu commettre depuis le début de l'humanité. Et c'est ce décalage qui engendre un malaise profond. Suivre la vie d'un mort qui s'ignore...

Bref !

Au final, un livre léger, parfois drôle, bien qu'empreint d'horreurs et qui se termine en un soufflet qui vous étale pour le compte.
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