Ce livre paru en 1945, le troisième roman de l'auteur est un récit qui n'a rien à envier au style flamboyant et gouailleur de Céline ni à la sécheresse inhumaine des romans durs de
Simenon.
Pourtant, jamais le talent d'Amila ne lui a permis, on se demande pourquoi, d'atteindre la félicité de la reconnaissance du grand public.
L'histoire de
la Lucarne est celle d'Edouard Gallois un jeune comptable, il a 25 ans, qui se retrouve au chômage. Dans ces années troubles qui suivent la victoire du Front Populaire, la France se regarde, la France se déchire, la France attend (ou pas) la guerre imminente.
Le récit donne des références précises, on y parle des accords de Munich et des controverses qu'ils suscitent, « La paix, c'est les accords de Munich !...La paix, c'est le contraire des accords de Munich ! », on y parle des polémiques autour des engagements pacifistes, « Il y en a mille, des conceptions de la paix. Depuis le fameux abbé
De Saint-Pierre qui devait user sa soutane sous Louis XV, il y a bien dû y en avoir des centaines, d'«inventeurs» de paix éternelle.»
Les positions des groupes sociaux sont tranchées, pour ne pas dire retranchées, « On est tous pour casser la gueule aux deux cent familles !...» hurlent les manifestants communistes.
« Dis-solution des lig'fascist'» hurle un groupe de « locataires syndiqués» remontés contre l'appétit vorace des «proprios ».
Edouard ne s'y retrouve pas dans ce manège d'opinions et d'avis. Rejeté par la société, cherchant à comprendre les règles sociales, soucieux de dépasser la compréhension de sa seule situation, il a acquis une certitude, « Il fallait comprendre que l'individu ne rejoignait plus maintenant que l'universel… », mais, « c'était des choses qu'il ne savait pas dire, et qui resteraient des mots (…) L'entente humaine, la paix, la fraternité !...(…) les faiseurs de discours les avaient soigneusement pompés, récurés (…) »
Ses idées généreuses et naïves, ne convainquent pas, son épouse Gisèle et sa belle-famille ne le comprennent pas « (…) il était quand même au-dessus du bas fainéant. Il était peut-être chômeur et se débrouillait mal, mais il avait une vision extraordinaire qui méritait qu'on s'attache à lui, qu'on ne tourne pas seulement au petit mépris comme pour un infirme. »
Les groupes constitués avec lesquels il entre en contact le cataloguent « Souffrir en soi un délire énorme, pour être tout simplement communiste comme le premier râleur venu, ça n'avait pas de commune mesure. »
Edouard découvre qu'on ne peut, chez ces gens-là, imaginer l'universalisme ou la défense d'idées généreuses sans sections, comités, cellules, président, cotisations et trésorier…
Edouard dépérit, en veut au monde entier à sa femme et à sa belle-famille, à sa soeur Suzanne et à son beau-frère Julien. Il déçoit tous ceux qui l'aident à trouver un travail, même sa petite belle-soeur Juliette qui un temps semble partager ses idées...
Portrait réaliste d'un homme aux abois, en butte à l'ironie et à la cruauté de ceux qui savent et entendent garder le pouvoir des idées dans une société où la sincérité et l'intégrité ne sont pas des valeurs mises en avant. Les affres d'Edouard donnent le vertige tant son introspection conduit le lecteur à parfois être tenté d'adopter le point de vue de ses détracteurs.
L'anar Amila pointe son nez dans cette dénonciation des professionnels de l'engagement politique qui rejettent sans pudeur celui qui croit à un idéal dépassant les frontières et les conventions …
A l'évocation du 150ème anniversaire de 1789, on ne peut s'empêcher de penser que la guerre est imminente...