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EAN : 9782213619231
386 pages
Fayard (10/03/2004)
3.58/5   6 notes
Résumé :
Majoritaires dans une région où se joue aujourd'hui la stabilité du monde, bien qu'ils soient minoritaires si l'on considère la totalité du monde musulman, les shî'ites restent mal connus.

Confondus le plus souvent avec les intégristes sunnites, ou même avec les tenants du wahhabisme militant, leurs adversaires, ils subissent logiquement les effets dévastateurs de certaines images venues d'Iran ou d'ailleurs, images de l'oppression des femmes, d'into... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Plus ancien courant religieux de l'islam, le shî'isme est le mouvement du shî'a, du parti, des groupes de fidèles, les Alides, ceux qui tiennent que le fils adoptif de Muhammad, 'Alî, a été nommé successeur du Prophète du vivant de ce dernier. Les autres, les Sunnites, se disent le mouvement de la Sunna, la tradition. Ils se réunissent à la mort de Muhammmad pour élire un calife, Abû Bakr. Bien sûr, les Alides ne le reconnaissent pas et les Sunnites ne reconnaissent pas le premier Imâm 'Alî. Les termes mettent donc clairement les shî'ites dans le camp des "opposants". 'Alî est assassiné et enterré à Najaf, en Irak, première ville du Shî'isme.

Les Shî'ites reconnaissent douze imâms à s'être succédés par le sang dont le plus important est, outre 'Alî, le troisième, fils d''Alî, al-Husayn, massacré avec sa famille à Karbala, seconde ville du Shî'isme. Avec son frère, le deuxième imâm, al-Hasan, leur mère, Fatima, femme d''Alî, Alî et le Prophète, ils forment les "Cinq du Manteau", groupe sacré du shî'isme. Les 5 et 6ème imâms contribuent fortement à la composition des hadiths, les écrits sur les dires et comportements du Prophète. le 8ème est assassiné à Mashhad, les 10 et 11ème sont enterrés à Samarra.

Le 12ème imâm disparaît à l'âge de quatre ans : c'est, en 874, le début de l'Occultation mineure. Les shî'ites ayant besoin d'un imâm pour expliquer l'esprit des textes sacrés, nomment tour à tour quatre représentants qui sont en lien avec le douzième imâm. A la mort du quatrième, une lettre indique que désormais le douzième imâm n'a plus besoin de Représentants. C'est, en 940-1, le début de l'Occultation majeure. Depuis, le monde n'a plus d'imâm pour expliquer les textes sacrés. Cet imâm, Mâ'dhi, reviendra à la Fin des Temps avec Jésus-Christ pour le Jugement dernier. Nous saurons alors la vérité du texte qui nous échappe et nous vivons partiellement dans l'ombre.

Le principe du shî'isme repose sur l'esotérique, le caché, par principe, Dieu, et l'exotérique, l'apparent le manifeste. Il faut des agents pour révéler l'exotérique de l'ésotérique. Les Prophètes sont chargés d'écrire la lettre de l'inconnaissable, Dieu, et les Imâms ont le rôle inverse, à savoir d'expliquer l'esprit des textes, le sens caché, qui se trouve dans la lettre des textes sacrés. Il ne faut donc pas prendre le texte "à la lettre". Cette vision duelle et complétée par la vision duale, un combat entre le Bien et le Mal, les savants et les ignorants, l'élite et la masse et, par métonymie, les Shî'ites et la masse des Sunnites. Cela va très loin : pendant des siècles, les Shî'ites accusent les Sunnite de ne pas avoir diffusé le vrai Coran, mais une version déguisée. C'est qu''Alî avait une version trois fois plus grosse dans laquelle le 3ème calife sunnite a fait trancher à la hache. Les Sunnites sont dans l'erreur, ils croient une parole fausse. Heureusement, 'Alî a fait remettre à la ligné des imâms la version véridique au douzième imâm qu'il rapportera lors de sa venue.

Concernant les hâdiths, c'est la même chose, chacun les siens, ceux des Sunnites sont moins complets puisque seul le Prophète était censé fournir les enseignements, tandis que douze imâms se sont succédés pour le faire chez les Shî'ites. Sur 5 principes, 3 sont communs aux Shî'ites et aux Sunnites : unicité de Dieu, mission du Prophète, récompense et châtiment dans l'au-delà. Les deux autres sont propres aux Shî'ites : mission des Imâms, croire en la justice divine. le droit est le même. Mais le massacre de Karbala a imposé très tôt l'idée de la séparation du religieux et du politique chez les Shî'ites.

Seulement voilà. Au Xème siècle, le calife Abbasside sunnite n'a plus de pouvoir. Les membres de la puissante famille des Bouyides shî'ites se sont emparés de la fonction de vizirs et dirigent l'immense empire. A côté, des Shî'ites dirigent aussi : en Syrie, au Yémen, en Egypte, au Bahreïn et en Arabie. Ajoutons à cela que le début de l'Occultation majeure plonge les fidèles dans la tourmente. Et pour finir, les concepts aristotéliciens que l'on traduit depuis un siècle du grec vers l'arabe ont commencé par produire leurs effets. En un mot, il est temps de réformer.

Le Xème siècle est l'âge d'or de l'islam, c'est aussi celui du Shî'isme. le mot 'aql, intelligence, est requalifié en "raison", terme qui signifie toutefois quelque chose comme "logique" et non pas libre raisonnement personnel. On se met à philosopher pour établir des critères de détermination de l'interprétation des textes sacrés qui puissent répondre aux besoins en l'absence du 12ème imâm, on classifie enfin les hadiths shî'ites un siècle après les sunnites qui ont fait le job de leur côté, on reconnaît la légitimité du Coran officiel sunnite, on fait finalement un peu de politique pour justifier que le monde soit dirigé par des Shî'ites, ce qui, pour une religion qui ne voulait pas en faire, était tout de même bien embêtant. de ce fait, s'est engagé un processus de rationnalisation de la religion qui trouvera sa chute avec Khomeyni. C'est l'époque des grands philosphes shî'ites (et musulmans) : al-Fârâbî, Avicenne.

Les siècles suivants sont moins roses : les Turcs sunnites Seldjoukides mettent fin à la fête et applique des Lois rigoureuses et répressives contre les Shî'ites. Les Usulî continuent dans l'école de Hilla à traduire la théologie en droit, travail poursuivi sous les Mongols (XIIIet XIVème siècles). On en vient à défendre la possibilité d'interpréter par soi-même les textes (ijtihad), du moins pour les érudits et en suivant la "raison".

Au XIVème siècle, l'Ouzbeck Tamerlan ravage l'Empire pour deux siècles. le renouveau shî'ites vient d'Iran où le premier chef Safavides l'impose comme religion d'Etat en 1501. Aujourd'hui encore, l'Iran est le seul Etat où le Shî'isme soit religion d'Etat. Démarre alors la troisième phase de consolidation de la théologie juridique qui met en tension la religion intérieure, inspirée par la walâya, cette lumière, cet amour, ce pilier central de l'islam, ce noyau de la foi ; et la religion extérieure, la Loi (sharî'ia), l'ordre, la règle, le commandement bête et idiot. Il s'agit de former un Etat puissant face à l'Empire Ottoman (qui atteint les frontières iraniennes) et de répondre aux questions sur un état juste, c'est-à-dire un Etat théologique, la politique shî'ite ne pouvait être qu'une théologie politique. La question est de répondre à la nécessaire organisation des corps pour stabiliser l'Etat (les Carmates sanguinaires et impulsifs ont montré qu'on ne pouvait se fonder sur la seule walâya qui a tendance à faire déraper quand on s'y croit un peu trop puisqu'en 930, pour préparer la venue de la Fin des Temps, ils ont jugé bon d'aller prêcher dans la Kaaba de la Mekke en massacrant des pélerins et en volant la pierre noire), et la nécessité de vivre en accord avec les enseignements, lesquels demandent, pour les élites, les mujtahids, de comprendre l'esprit des textes, et reposent sur la religion intérieure, la walâya.

Et c'est ainsi que d'une religion antipolitique à mort, on en vient à un Etat théocratique. CQHL.

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le Livre du Coran est un recueil de versets, qui rassemblent des « paroles » ou mots composés, et enfin les éléments atomiques du Livre sont ses lettres. Il en va bien ainsi de l'univers, dont les éléments premiers, les unités insécables sont les lettres, dont les composés sont les mots (ou «verbes») du Monde. Les « verbes » du Monde, comme les « verbes » composés des «lettres» de l'Homme – ses éléments psychiques premiers et insécables –, sont les essences éternelles, procédant de l'acte créateur divin, exprimant le monde divin des Noms par lesquels Dieu Se révèle. Nous avons vu que ces Noms divins étaient les racines des noms du Prophète et des imâms. On ne sera pas surpris d'apprendre que le livre de l'univers, le livre de l'homme et le livre du Coran, en leurs mutuelles correspondances, expriment, à leurs niveaux respectifs, la réalité muhammadienne éternelle, la réalité métaphysique des Quatorze Impeccables.

Relevons, au passage, une affirmation très importante. Elle concerne l'infinité de l'univers et celle de l'homme. Les combinaisons d'atomes (de « lettres ») formant l'univers comme elles forment aussi le microcosme, l'homme, sont en nombre infini, les combinatoires en sont inépuisables. Si la cosmologie exotérique détermine un nombre fini de sphères célestes, si, depuis le temps d'Avicenne, le neuvième ciel est le seuil des réalités physiques, s'étageant jusqu'au ciel de la Lune et, enfin, jusqu'au monde sublunaire, le ta'wîl de l'univers révèle un univers infini. L'ésotérique de l'univers fini est un univers infini. Il en va de même pour l'homme parfait, l'homme en son accomplissement total, récapitulant en lui les divers mondes constitutifs de l'univers, selon un jeu de correspondances précises. De même que le monde sensible de la nature reconduit au monde des âmes célestes, que celui-ci reconduit au monde des esprits, et enfin celui-ci au monde des Intelligences, de même, en l'Homme parfait, les trois grands stades de son développement, naturel, psychique, intellectif constituent trois « écritures » divines, et configurent trois mondes intérieurs. Le monde psychique se dédoublant en monde des âmes et monde des esprits, nous retrouvons la structure même de l'univers. Cette structure, cela va sans dire, se retrouve dans le Coran, dont les lettres, les « verbes » et les versets totalisent les significations des deux mondes précités.

Voici un exemple significatif de cette exégèse intégrale, tel que nous le trouvons dans le commentaire mystique que Mullâ Sadrâ consacre au « verset de la lumière » (Coran 24:35) :

« Sache que chaque réalité existante, d'entre les existants pris en détail, qui sont les parties de cet univers, est le lieu de manifestation d'un nom divin particulier, d'entre les noms divins. De même que les parties de cet univers contiennent des genres, des espèces et des individus, des substances et des accidents – les accidents sont la quantité, la qualité, le "quand", le "ou", le lieu, la relation, l'action, la passion et la possession – de même, dans les noms divins, il y a des noms de genre, des noms d'espèce, des noms de substance, des noms d'accident, de quantité, de qualité, etc. Il en va ainsi exactement comme un modèle de l'homme parfait, qui est le lieu de manifestation rassemblant tout ce qui existe dans le monde des noms divins et dans les lieux de manifestation des horizons [de ce monde-ci]. De même que les noms divins, en raison de leurs significations distinctes, sont absorbés dans la signification du nom Allâh, de façon synthétique, de même les réalités essentielles de leurs lieux de manifestation, qui sont les parties du macrocosme, du monde des horizons, sont rassemblées dans le lieu de manifestation du nom Allâh, qui est l'homme parfait. Il est, selon une certaine perspective, le microcosme, et il est, selon une autre perspective, le grand monde, ou plutôt le plus grand monde! Cette dernière perspective est celle selon laquelle il est perçu dans son pouvoir l'envelopper par sa science, pouvoir qui surgit de la mine de la science de Dieu, de la science que Dieu a de tous les existants, de leurs principes et de leurs causes, de leurs formes et de leurs finalités, comme l'a indiqué le Prince des croyants, l'Imâm des savants mystiques, le Chef de file des vrais tenants de l'unité divine ['Alî b. Abî Tâlib] : Tu es le Livre clair qui, par ses versets, élucide le secret et voici que tu déclares que toi, tu serais un petit corps, alors qu'en toi est enveloppé l'univers le plus grand ! »

Pensée structurale, le ta'wîl est une herméneutique généralisée de l'existant. (chapitre IV)
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Plusieurs mythes fondent les récits shî'ites de la création de l'univers et de l'homme. Sur ce point aussi les traditions sont foisonnantes, désordonnées, issues d'horizons divers, parfois contradictoires (…) ces données se retrouvent, sous une forme ou une autre, dans les ouvrages cosmographiques musulmans dont les plus anciens parvenus jusqu'à nous sont contemporains de nos compilations de hadîth shî'ites (III e -IV e /IX e -X e siècle).

Comportant beaucoup d'éléments tirés des littératures biblique et midrashique, elles proviennent, de façon plus générale, d'un antique fonds moyen-oriental, plus particulièrement mésopotamien.
La cosmogonie et l'anthropogonie ésotériques sont exposées dans des récits spécifiquement shî'ites, dont on chercherait en vain des parallèles chez les sunnites.
(…)
Il y a d'abord le récit de la création des Mondes et de leurs habitants. À l'origine, seul existe Dieu-Lumière. Des milliers d'années avant la création du monde sensible, Dieu fait procéder de Sa Lumière, d'une part le Premier Monde, appelé la Mère du Livre, et d'autre part l'« habitant de celui-ci, la Lumière unique et duelle de Muhammad (symbole de la dimension manifeste de l'Être) et de 'Alî (symbole de sa dimension cachée, secrète). Il s'agit de l'entité lumineuse préexistentielle du prophète et de l'imâm par excellence réunis en une unité : l'Homme ou l'Imâm cosmiques. Cet Être primordial est souvent identifié soit aux Cinq du Manteau, Muhammad, 'Alî, Fâtima, Hasan et Husayn, dont les noms sont tirés des Noms divins, soit à l'ensemble des Quatorze Impeccables, Muhammad, Fâtima et les douze imâms.
(…)
Viennent ensuite à l'être, toujours sous forme de particules, ceux que l'on pourrait appeler les «créatures pures» : les entités préexistentielles de futurs anges, des prophètes et des imâms à venir, des «c royants » (mu'min), c'est-à-dire les initiés futurs de tous les temps . Intervient alors le Pacte, ou le Covenant primordial (d'où l'une des appellations de ce Monde), que Dieu fait conclure à ces «créatures pures». Il comprend quatre serments de fidélité – respectivement à l'égard de Dieu, de la mission prophétique de Muhammad, de la Cause sacrée des imâms (la walâya, qui fait l'objet de notre chapitre 3), de l'avènement final du Mahdî à la Fin du Temps.
Comme dans tout rite initiatique, la prestation de serment ouvre l'accès à l'initiation. En effet, c'est à ce moment que semble avoir lieu l'Initiation primordiale : les entités lumineuses des Impeccables (maîtres initiateurs) enseignent aux «ombres» préexistentielles des « créatures pures »(disciples initiés) les sciences secrètes de l'Attestation de l'Unicité et de la Glorification 7 . On aura noté la mise sur pied d'égalité, dans la balance spirituelle, des «croyants», c'est-à-dire des «shî'ites» de tous les temps, avec anges, prophètes et imâms, formant ensemble les forces de la connaissance. (chapitre II)
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L'histoire, surtout moderne, du clergé rationnaliste a été marquée par le fanatisme et l'exclusivisme, la réduction de la foi à un juridisme rigide, la violence contre des adversaires réels ou résumés, l'instrumentalisation de la religion, la manipulation des masses populaires. La mise en perspective historique semble montrer que ce processus a toujours eu, consciemment ou non, un sens précis pour les religieux Usûlî : entraîner le shî'isme dans la sphère politique, l'appliquer en tant que religion collective, le consolider en tant qu'idéologie de pouvoir.
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L'enfer ne concernera que les êtres qui se seront voués d'eux-mêmes au néant, parce qu'ils auront mené des vies de néant, tyrans, spéculateurs, oppresseurs de toute sorte, libertins, vaniteux et gens de même farine. S'étant nourris de néant, ils seront devenus choses de néant et connaîtront l'enfer véritable, qui ne sera que leur propre être de néant. Inversement, quiconque aura intensifié son acte d'exister passant outre sa nature matérielle sensible, tendant vers le beau, le juste et le vrai, connaître, près de Dieu, le destin des anges rapprochés dont parle le Coran. Faisant retour à leur lumière originelle, ils seront semblables aux feuilles de l'arbre du paradis, arbre dont la signification ésotérique est d'être la communauté de l'imâm attendu.
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C'est que la philosophie shî'ite aura eu l'immense mérite de révéler la tension originaire de l'islam tout entier, et du monothéisme, divisé entre l'attente messianique et le respect de la Loi, entre l'accomplissement spirituel et l'obédience collective.
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