Une plongée passionnante dans l'histoire récente de la France, à travers le cataclysme des premiers mois de la seconde guerre mondiale. Un ouvrage épais en trois parties qui suivent un ordre chronologique (1. Les Français en 1939 ; 2. La drôle de guerre ; 3. La débâcle) et dont la table des matières donne un aperçu détaillé, qui incite à sa lecture. Celle-ci m'a permis de redécouvrir ou d'apprendre une multitude d'informations, que je partage ci-après.
D'abord, les Français en 1939.
Une société de femmes plus que d'hommes, de citadins plus que de ruraux, où l'on fête, le 14 juillet 1939, les vingt ans du grand défilé de la Victoire. Après s'être divisés au moment du Front Populaire, les Français se divisent à nouveau sur la question de la guerre civile espagnole : la gauche incite à rejoindre les "Brigades internationales"; la droite accuse le gouvernement de démunir l'armée française en envoyant des armes aux Républicains espagnols.
Edouard Daladier ministre de la Guerre pendant 74 mois entre 1925 et mai 1940, et Président du Conseil en août 1939 au moment de la déclaration de guerre, le Général Gamelin et Paul Reynaud, sont rendus responsables de l'impréparation matérielle et morale de la nation.
Le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 bouscule le monde politique français. le 25 août, Daladier interdit de parution les journaux communistes, dont L'Humanité. le 26 septembre, il prononce la dissolution du Parti Communiste Français et du groupe parlementaire qu'il forme à la Chambre des Députés. le 4 octobre,
Maurice Thorez, Secrétaire général du PCF, déserte et fuit à Moscou, avant d'être déchu de la nationalité française le 17 février 1940. Au-delà de ces faits, l'anti-communisme est un peu l'arbre qui cache la forêt : il sert à masquer ce qui va mal dans le pays.
Ensuite, la "drôle de guerre".
L'expression désigne la période comprise entre le 3 septembre 1939, date à laquelle la France déclare la guerre à l'Allemagne, sans que les actes suivent réellement les paroles -la France se limitant à franchir la frontière, sans aller au-delà- et le 10 mai 1940, date à laquelle Hitler lance enfin l'offensive à l'Ouest. Hitler, qui avait concentré ses troupes à l'Est pour anéantir la Pologne, avait interdit d'attaquer la France en parallèle. Une drôle de guerre qui inaugure une drôle de période, où l'on peut passer d'un camp à l'autre. Un "bon" de 1939-40 deviendra ainsi un "méchant" de 1945 : Joseph Darnand, soldat au comportement héroïque le 8 février 1940 à Forbach, terminera en 1945 condamné à mort pour faits de collaboration et exécuté. A l'inverse, un "méchant" de 1939 deviendra un "bon" de 1945 :
Maurice Thorez, déjà mentionné ci-dessus, déserteur le 4 octobre 1939, sera promu en novembre 1945 Ministre d'État, chargé de la Fonction publique.
Enfin, la débâcle.
On dirait en langage sportif, une "raclée". Les Allemands surclassent les Français, qui ont une guerre de retard. Outre les chars, plus performants, la nouveauté depuis 14-18, c'est l'aviation. Dès le 26 mai, 340.000 hommes, anglais et français, doivent être évacués par le port de Dunkerque et les plages alentour.
Le 14 juin, les Allemands sont dans Paris, cependant que le gouvernement de Paul Reynaud effectue, non pas sa fuite à Varennes, mais sa fuite à Tours, puis à Bordeaux : les ministères quittent Paris de nuit pour ne pas affoler la population et se ménager une route plus dégagée qu'en journée. Au 16 juin, on estime à près de 800.000 le nombre de soldats français faits prisonniers et envoyés en Allemagne.
Pour la population, c'est l'exode, d'abord les riches avec leurs belles voitures, puis les autres, les détenus, les aliénés, les enfants, qui ont parfois perdu leurs parents dans la cohue, l'inverse aussi, le bétail.
Réduit breton, poursuite de la guerre en Afrique du Nord, union politique de la France et du Royaume-Uni signée en secret par Paul Reynaud le 28 mars, plusieurs options sont imaginées, mais ne peuvent être sérieusement mises en oeuvre.
C'est dans ce contexte qu'intervient l'appel à la figure tutélaire du Maréchal Pétain. Malgré l'héroïsme des cadets de Saumur, des troupes qui défendent le pont de Gien sur la Loire, et de ceux qui font appareiller les navires des ports de l'Atlantique, dont le
Jean-Bart de celui de Saint-Nazaire, le triple constat qu'il opère : "impuissance de l'armée française, inconsistance de l'aide anglaise (...), désarroi et douleur d'un peuple lancé sur toutes les routes de l'exode" (page 362) le conduit à demander l'armistice et à former son gouvernement, avec 11 des 17 ministres du gouvernement précédent de Paul Reynaud.
En un mois, la France a été anéantie. Je repense au mot acide du Général de Gaulle dans le tome III de ses mémoires de guerre, au sujet d'
Albert Lebrun, le Président de la République de l'époque : "Au fond, comme chef de l'État, deux choses lui avaient manqué : qu'il fût un chef ; qu'il y eût un État".
La grande histoire des Français sous l'occupation, ou l'histoire illustrée par beaucoup de petites histoires. Je lui ai trouvé parfois un style "oral", qui donne l'impression d'écouter une conférence d'
Henri Amouroux. Un ouvrage très fouillé et très documenté.
Henri Amouroux illustre ses propos de nombreux témoignages et de chiffres. Il ne relate rien qui ne soit démontré par des faits et des exemples, dont les titres de la presse de l'époque, et la précision du nombre de pages ou de lignes consacrées à tel fait ou telle personne. Une oeuvre de référence.