De ce fait, il écoutait beaucoup, mais parlait peu. Juste avant de mourir, Bugeaud racontait : "il y a quelques années quand j'arrivai à Paris, le roi Louis-Philippe me fit appeler pour causer de l'Algérie. - Je désire causer avec vous, dit-il, comme étant l'homme qui connaît le mieux l'Algérie. Puis aussitôt il se mit à parler sans interruption pendant près de deux heures. Après quoi, il me prit la main et me dit : - Je vous remercie, je suis enchanté de votre conversation.
Le Président [Louis-Napoléon] à son tour vint me faire appeler. Il m'[accueillit par des paroles à peu près semblables à celles de Louis-Philippe. Puis il m'[écouta] deux heures, sans interrompre, ni prononcer un mot. Après quoi, il m[e prit] la main, et il m[e] dit comme le roi Louis-Philippe : - Je vous remercie, je suis enchanté de notre conversation."
Le tsar Nicolas Ier, le plus hostile au nouveau souverain de tous, repris alors une idée qui venait, semble-t-il, du ministre autrichien Buol. Dans les lettres de créance qu'il remit à son nouvel ambassadeur à Paris, Kisseleff, il gratifia Napoléon III d'un "mon bon ami" et non du "monsieur mon frère" habituel dans la correspondance entre souverains. [...] Puisque le tsar persistait à lui donner du "Sire et bon ami", il affecta intelligemment d'y voir une marque d'estime et fit publiquement savoir que "si l'on subit ses frères, l'on choisit ses amis".
Grévy avait pris des accents prophétiques : « Êtes-vous sûr que dans cette série de personnages qui se succéderont tous les quatre ans au trône de la présidence, il n’y aura que de purs républicains empressés d’en descendre ? Êtes-vous sûr qu’il ne se trouvera jamais un ambitieux tenté de s’y perpétuer ? Et si cet ambitieux est un homme qui a su se rendre populaire […] ; si c’est le rejeton d’une des familles qui ont régné sur la France, et s’il n’a jamais renoncé expressément à ce qu’il appelle ses droits ; si le commerce se languit, si le peuple souffre, s’il est dans un de ces moments de crise où la misère et la déception se livrent à ceux qui cachent sous des promesses, des projets contre sa liberté, répondez-vous que cet ambitieux ne parviendra pas à renverser la République ? »
Le jeune Louis-Napoléon s'acquitta avec zèle de toutes les corvées dont il était chargé. Lors de l'une d'elle, le colonel Dufour s'exclama en le voyant s'affairer, l'uniforme déboutonné : " Qu'aurait pensé votre oncle s'il vous avait vu dans cette tenue ? - Il aurait dit : la roue tourne", répondit-il modestement et humoristiquement en désignant la roue de fourgon sur lequel il avait pris place.
Ces hommes et ces femmes reconnaissaient, eux aussi, en Louis-Napoléon l’un des leurs, car être socialiste ne signifiait pas alors être républicain, révolutionnaire ou communiste, mais « tout simplement reconnaître la nécessité de prendre des mesures spécifiques pour améliorer le sort des ouvriers, principales victimes de la révolution industrielle. »
Éric Anceau - Histoire mondiale des impôts : de l'Antiquité à nos jours