Des phrases vont et viennent aux limites
elles sont là tout près elles te
frôlent comme les oiseaux qui tournent
sur la vitre parfois l'une d'elle
se pose ce ne sont que des mots
sans suite même si tu voulais
tu ne pourrais pas comprendre dire
est devenu le bord d'un silence
où tombe ta voix et ton image
Dix-neuf heures
On ne cherche plus, on est
là, on écoute le vent,
son bruit de mer dans les feuilles
ou dans l’enfance. Le corps
va rentrer dans la douceur
de ce qui trouve un nom.
Entre le jour, son envers
il y a comme une fissure,
aux vitres comme des flammes
qui ne brûlent plus. Les mains
reviennent vers les objets,
les visages vers leur image.
Le souffle de l’éphémère
à sept heures tisse les
ombres, les détisse. Un peu
de cendre se mêle au bleu,
au présent un peu d’oubli.
Le soir ressemble à de l’eau :
on l’attend, on ne le voit pas
Ce qu’il y a on n’en sait rien
un soleil sans doute sur le point de
disparaître l’éblouissement
avant la nuit de ce qui se perd
toujours ou au contraire
l’éclat de ce qui vient la neige au matin
un silence plein de cris d’enfants
qu’on ne voit pas mais qu’on sent tout près
là comme un souffle entre deux instants
Mais demain a le même visage
un ciel peut-être un peu différent
pas assez pourtant pour qu’on comprenne
ce qu’on voudrait dire se retire
ce qui vient c’est toujours autre chose
tu ne t’y reconnais pas tu entres
dans ce qui au fond de la voix n’a
pas de voix tu restes là sans mots
comme la lumière sur les mains
On touche on cherche y a-t-il jamais
eu autre chose que ce suspens
comme entre deux et quatre la rue
l’été c’était l’enfance le jaune
de la maison d’en face on répète
les mêmes mots les mêmes images
comme s’ils gardaient un peu de corps
et qu’on était resté là toujours
le front contre le froid de la vitre
POÉSIE HISPANIQUE – l’Espagne contemporaine : de l'Ultraísmo à Sanchez Ortiz (France Culture, 1982)
Une compilation des émissions « Albatros », par Gérard de Cortanze, diffusées les 3, 10, 17, 24 et 31 janvier 1984 sur France Culture. Invités : Jacques Ancet, Saül Yurkievich, Claude Miniere et Severo Sarduy. Poètes évoqués : José Angel Valente, Pere Gimferrer, Andres Sanchez Robayna, Julian Rios et Emilio Sanchez Ortiz.