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Annika Ellenberger (Traducteur)Perrine Wilhelm (Traducteur)Christophe David (Traducteur)
EAN : 9782373090925
360 pages
L'Echappée (08/10/2021)
4.92/5   6 notes
Résumé :
Les lecteurs de Günther Anders connaissent déjà la Molussie, pays imaginaire auquel il fait souvent référence dans ses ouvrages philosophiques. Il s’agit d’un pays totalitaire où, dans les sous-sols de la prison d’État, des détenus se transmettent de génération en génération un savoir exposé sous forme d’histoires – jusqu’au jour où il pourra remonter à la surface et éclairer celles et ceux qui seront enfin prêts à l’entendre.
Seul grand écrit romanesqu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Tout se passe dans la cellule d'une prison politique. Un vieux prisonnier en accueille un nouveau, pour lui transmettre les récits qui lui seront nécessaires au cas où la Révolution adviendrait. Ensemble, ils les commentent et les analysent. La Catacombe de Molussie est l'histoire de ceux qui tentent de comprendre les histoires qu'ils inventent, et d'en inventer de meilleures jusqu'à ce que la Révolution ne puisse plus ne pas avoir lieu.

Pour la plupart, les mythes fondateurs des deux prisonniers, très inventifs, drôles, cruels, décrivent la perversité politique, et la façon dont la vérité se confond avec le mensonge (où le vrai devient un moment du faux, comme écrivait Debord). Günther Anders n'a pas peur de parler de vérité. Il ne craint pas non plus de désigner des adversaires, ayant lu Mein Kampf avant tout le monde et l'ayant pris au sérieux (au contraire de Brecht, son ami, par exemple, qui ne voyait en lui qu'un "barbouilleur").
Le propre des romans philosophiques est d'exercer l'esprit à identifier ce que, jusqu'à présent, par convention, il ignorait. Celui de Günther Anders nous donne à voir les mécanismes de divisions et d'exclusions animant toute politique non-marxiste, à l'aide d'un imaginaire qu'on pourrait qualifier de kafkaïen (on pense parfois à La Colonie Pénitentiaire).

C'est aussi un roman sur la façon dont les histoires s'inventent, se donnent, s'échangent et se transforment, sur l'utilité de la fiction, la pertinence des débuts et la nécessité des fins, et l'amitié si particulière qui naît entre deux personnes qui partagent un récit.
Ce qui est le plus ambigü, et donc le plus vivant, c'est la fonction du récit molussien pour les prisonniers Olo et Yegussa : est-il émancipateur, ou bien structure-t-il le néant auquel ils sont condamnés ? N'est-ce pas le roman lui-même qui permet au monde de se maintenir tel qu'il est ? En ce sens, La Catacombe de Molussie contient sa propre critique, et c'est pourquoi il est véritablement révolutionnaire. Une fois qu'on l'a lu, on n'attend pas la suite, on veut simplement que le monde change.

(D'après la postface, le manuscrit de ce roman a été caché par l'auteur dans un fumoir pendant la seconde guerre mondiale, et n'a pu être sauvé que grâce à l'opiniâtreté de Hannah Arendt. L'auteur écrit que le texte a senti le jambon fumé longtemps après la guerre.)
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Philosophe, communiste, et juif, Günther Anders dut fuir l'Allemagne après l'ascencion d'Hitler au pouvoir.

Entre 1930 et 1938, il redigea la Catacombe de Molussie.

C'est un roman particulier, un long entretien entre deux détenus des prisons du régime.

La Molussie est devenue une dictature, qui opprime son peuple depuis des années, voire des siècles, et toute personne remettant en cause sa suprémacie se met en danger.

On suivra ici les entretiens d'Olo, ancien détenu, et de Yegussa, nouveau détenu, tous deux incarcérés à perpétuité dans une cellule non éclairée.

Dans cette cellule, une tradition se perpétue depuis des décennies, on se raconte des fables, du temps d'avant et du temps présent, on y raconte la liberté, et pourquoi il faudrait que le peuple se révolte.

Ces détenus politiques ont tous un peu de lumière en eux, qu'ils cherchent à partager, à entretenir, et à faire remonter, pour que le peuple prenne conscience de sa liberté et puisse un jour se révolter.

Un beau roman d'un auteur qui avait conscience du sacrifice que devrait faire le peuple pour un retour à la normale après la montée du nazisme.

Un roman qu'on identifie forcément à l'Allemagne, mais qui pourrait coller avec n'importe quel régime totalitaire, Günther Anders analyse avec précision les mécanismes sociaux, politiques, moraux favorisant l'apparition d'une dictature et l'y maintenant.

L'auteur porte aussi un regard critique, non pas sur la consommation mais sur l'industrialisation et la déshumanisation que pourrait apporter celle ci à long terme.

Un livre que je conseille donc vivement et qui n'est toujours pas désuet, quatre-vingt quatre ans après son écriture.
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critiques presse (1)
LeMonde
07 janvier 2022
Le penseur allemand Günther Anders (1902-1992) a attendu plus de cinquante ans pour voir paraître son unique roman philosophique, parabole de la résistance à l’oppression.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
EPIGRAPHE GRAVÉE SOUS LA STATUE DE LA VÉRITÉ TRAVESTIE EN MENSONGE ÉRIGÉE APRÈS LA LIBÉRATION DE LA MOLUSSIE

Puisque chaque mensonge criait : Moi aussi je suis vrai,
et que seul celui qui mentait était écouté - mais pas moi,
j'ai fait taire ma suffisance, j'ai peint ma bouche
de façon vulgaire et me suis travestie,
et j'ai répété toute la journée et me suis exercée la nuit,
jusqu'à ce que je sache qu'on mensonge ne mentait
comme moi.

Puis je me glissais la nuit dans l'essaim des mensonges,
traversais notre ville en braillant avec eux,
bras dessus bras dessous, acolyte méconnaissable,
et finissais par crier ( plein de dégoût certes,
mais bientôt pleine de colère puis
pleine du courage de la vérité) : Écoutez, moi aussi je suis vraie.

Je suis là, devant vous, dans cet accoutrement.
Que personne aujourd'hui et plus tard ne l'oublie.
C'est seulement ainsi, la bouche barbouillée,
criant la vérité, que j'ai trouvé votre oreille.
Et c'est seulement ainsi que j'ai fini par imposer
mon vieux slogan : La vérité vous rend libres. (p. 49)
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La classe dirigeante n'a pas besoin d'inculquer individuellement aux dominés toutes les doctrines qui lui sont favorables. Sa véritable domination consiste à rendre les dominés capables de produire eux-mêmes de telles théories. Même les théories les plus suicidaires de la classe des dominés ne sont pas des enfants conçus en secret. Ce sont ses enfants naturels : elle les a portées, elle les a nourries, même si elles sont le fruit d'un viol.
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Rien n'est plus difficile à apprendre que le faux dans toutes ses variantes. Mais, c'est cela l'intelligence. En fin de compte, l'intelligence n'est rien d'autre que la connaissance de la bêtise.
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Si tu veux un esclave fidèle, offre-lui un sous-esclave !
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Comme tu le sais probablement, la guerre fut extrêmement désastreuse. Elle dura si longtemps que personne ne se souvenait réellement pourquoi il y avait pris part. Qui tire pendant quatre ans oublie pourquoi il est devenu soldat. Quand la guerre se termina, c'en était presque fini de la Molussie aussi.
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Videos de Günther Anders (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Günther Anders
C'est à la philosophe Corine Pelluchon que nous consacrons notre épisode 5 de la série Filature : sa relation avec le mot “amour”, son engagement pour la cause animale, son approche de la philosophie entre science et art. La meilleure façon de terminer un livre ? Il n'y en a pas, on le sent.
Spécialiste de philosophie politique et d'éthique, Corine Pelluchon est aujourd'hui professeure à l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée (rebaptisée université G. Eiffel à partir de janvier 2020). Elle a commencé par une thèse soutenue en 2003 sur Leo Strauss et sa critique des Lumières, puis, dès le milieu des années 2000, elle s'est intéressée aux défis anthropologiques et politiques que soulèvent les techniques médicales, les biotechnologies, et la prise en compte de la finitude de la planète et des intérêts des animaux. Parmi ses ouvrages les plus récents, on retrouve Pour comprendre Emmanuel Levinas. Un philosophe pour notre temps, janvier 2020 ; Réparons le monde. Humains animaux, nature, mars 2020, Rivages/Poche. C. Pelluchon a reçu en 2020 le prix de la pensée critique Günther Anders pour l'ensemble de ses travaux. Corine Pelluchon était l'invitée de la Fête du Livre de Bron 2023 pour “Grandeur nature” un dialogue avec l'écrivain et directeur de la rédaction de Philosophie Magazine Alexandre Lacroix.
Chaque semaine, retrouvez un invité dans un format court de 4 minutes et écoutez un peu de leur univers littéraire et personnel. À découvrir sur le Média et les réseaux sociaux de la FdLB.
© Collectif Risette/Paul Bourdrel/Fête du Livre de Bron 2023
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