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Philippe Ivernel (Traducteur)
EAN : 9782743619138
97 pages
Payot et Rivages (18/03/2009)
4.33/5   12 notes
Résumé :
Cet essai devait à l'origine figurer dans le troisième volume de L'Obsolescence de. l'homme, œuvre maîtresse de Günther Anders, volume qui n'a jamais vu le jour. Ce texte à demi dialogué, on pourrait dire théâtral, se montre riche en aperçus de tous genres, sous-tendu par une dialectique toujours surprenante. Un essai magistral, pratiquant l'exagération et le paradoxe comme sources d'insurrection permanente contre une époque glaciaire. Un texte classique au sens for... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le philosophe (il réfutait ce terme) allemand Gunther Anders, dans cet essai qui devait faire partie de L'Obsolescence de l'homme, son oeuvre majeure, manie une dialectique qui peut paraître étonnante, utilisant le paradoxe et même l'exagération pour faire passer l'idée que le XXe siècle a vu naître le début de la destruction de l'espèce humaine par elle-même, Anders parlant d'un « cannibalisme post-civilisationnel ». En effet c'est désormais sans haine que les soldats combattent l'ennemi puisqu'ils ne le connaissent ni ne le croiseront jamais. Ils se battent depuis des écrans, et les champs de bataille disparaissant, ils sont dépourvus de la haine qui témoignerait de leur conscience de l'existence de l'autre. D'où les génocides commandés par des calculateurs froids et exécutés par des soldats sans affect (non par des barbares trop humains). La caractéristique d'une époque qu'on peut alors nommer glaciaire.
Une puissante incitation à réfléchir...
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Ces « fragments » devaient constituer la troisième partie de « L'obsolescence de l'homme », comme l'explique la judicieuse préface de Philippe Ivernel. Ils complètent les réflexions de Günther Anders sur notre civilisation, sa critique de la science et de la technocratie qui nous conduisent à un « cannibalisme post-civilisationnel ».
(...)
Bref mais intéressant. Donne assurément envie de se plonger dans ses titres précédents.


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Fragments d'une ébauche de tome 3 pour L'Obsolescence de l'homme. Poussant la réflexion jusqu'à son paroxysme, Anders en vient à un paradoxe choquant : la haine aurait disparu pendant ce XXe siècle ! Ces tueries massives, le génocide, ne sont-ils pas justement rendus possibles par la méconnaissance de l'ennemi, par sa mise à distance ? La destruction de l'ennemi est lointaine, abstraite, représentée par un nombre extravagant. Les historiens vont dans le même sens quand ils expliquent que les génocides du XXe (nazi, ou par exemple hutu) sont avant tout caractérisés par une industrialisation de la tuerie. Les génocidaires ne sont pas des "barbares", des "fous sanguinaires", mais bien des calculateurs froids, des scientifiques de la tuerie, des professionnels ayant diplômes et équipements. Ces bains de sang ne sont pas des régressions vers la bestialité mais des manifestations indésirables du progrès. Dans la continuité de la critique de la modernité d'Anders, c'est bien le progrès technologique qui permet une grande mise à distance de l'humain : appuyer sur un bouton dans sa chambre-cockpit avec des points sur un écran radar tient davantage du jeu vidéo que de l'affrontement. On pensera à l'épisode de Black Mirror, "Men Against Fire", traduit par "Tuer sans état-d'âme" où un soldat tue des sortes de zombies, en fait des sdf, handicapés ou rebelles, apparaissant à ses yeux comme des zombies à cause d'un implant... le but étant d'éloigner tout sentiment dans cette phase de nettoyage de la société. Dans le fonctionnement idéal de nos sociétés technologiques, les sentiments humains sont inutiles, déplacés et même contre-indiqués.
L'ennemi et la haine de celui-ci sont devenues des fictions qui servent à se cacher à soi-même les intérêts plus terre à terre d'une tuerie : l'appropriation des biens et richesses du mort ; primes et médailles permettant une ascension sociale. Les génocidaires hutus interviewés par Jean Hatzfeld (Une saison de machettes) expriment bien le plaisir qu'ils ont eu à s'abreuver, à faire la fête sans compter, et à récolter les biens des voisins tués, tutsis avec lesquels ils avaient de très bonnes relations auparavant.
Cependant, si la technologie participe à cette mise à distance des sentiments, de la compassion, à la propagande d'une haine fictive, il n'est pas certain que la haine collective n'est pas toujours été une fiction construite. C'est la thèse De Voltaire dans Micromégas, ou de Giono dans la Lettre aux paysans, la guerre semble toujours être une question d'accroissement de pouvoir (acquisition de territoire, marchés) dans le jeu de stratégie des rois, présidents, patrons et grandes familles...
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Comment lutter contre la haine. Comment combattre ce sentiment dévastateur en luttant contre toutes exagérations des faits qui déforment la réalité et tournent à la caricature, en rejettant les prévisions d'un authentique règlement de compte en prenant le pas sur le bon sens et la logique du raisonnement sans frôler la catastrophe.
Le conditionnement de l'éducation parentale est le socle sur lequel toutes autres formes d'apprentissages viennent se greffer par le développement personnel. Elles forgent l'identité première de l'adulte. Vient le décryptage manipulateur qui tend à infléchir tout bon raisonnement, dans le seul but de former un ensemble représentant la meute destructrice dans un formidable essai réunissant les bons ingrédients multipliant la théâtralité et les exagérations des situations pouvant mener aux débordements dramatiques.
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« Seuls sont toujours aussi prudes dans leur langage
ceux qui ne connaissent pas la moindre pruderie dans leurs actes. »
(p 65)

Je dois avouer le plaisir coupable que je prends à relire La Haine de Günther Anders en plein milieu de l'après-midi un lundi, alors qu'il serait de bon ton que je travaille.

Je n'ai pas, à l'inverse de mon coreligionnaire Pascal Adam, d'obsession particulière pour le pouvoir, mais je nourris un hobby qui m'accompagne joyeusement à longueur de journées, toujours bien fringuant : je hais.

Cette activité périscolaire tonique, gratuite, qui me permet de me remettre de mon accouchement tout en gardant mes contacts dans le milieu du livre, est la seule d'ailleurs qui me permette de tenir dans mon environnement géographique, la campagne de Châteaudun, a-médiatisé, amorphe et utilitaire, alors que commencent à luire faiblement tout le long des routes défoncées les bandes réfléchissantes de gilets portés par la plupart, ici, toute l'année, dans une indifférence générale tout à fait entendue : il ne viendrait à l'idée de personne de se glorifier dans une vidéo carrée de réparer des routes ou de trier des papiers dans le bureau d'une sucrerie.

C'est vrai, je ne peux plus le nier : je hais, encore que bien moins, malheureusement, que lorsque je tentais d'habiter à Paris.

Tout ce que je peux, et du fond du coeur, y passe. Je nourris ce petit démon furieux d'une rage que je muscle avec le yoga.

Car voyez-vous, plus je peux faire le vide et prendre une distance soporifique avec le monde, plus je reviens forte, décantée, défragmentée : une belle place s'est créée, de l'espace entre mes disques, et mes cloisons internes plus tendues et plus saines peuvent à nouveau claquer au vent d'une nouvelle haine vitale. Pour ménager cette endurance, tenir le cap année après année, je sais me livrer à une discipline régulière. Lire la suite sur mon blog
Lien : https://pamelaramos.fr/la-ha..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
[…] l’industrie telle qu’elle est devenue ne poursuit pas d’autre but que de livrer à l’obsolescence aussi vite que possible ses produits déjà vendus afin de garantir ainsi la continuation de sa production. Donc : « Si le progrès désigne encore quelque chose, c’est alors le progrès du périmé ».
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Pathologie collective : alors que notre capacité à produire n’a aucune limite formelle, le monde qui en émane « excèderait absolument notre force de compréhension, la force de notre imagination et de nos émotions, tout comme notre responsabilité ».
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p. 71-72 :
Alors pouvez-vous peut-être au moins me dire par quels moyens vous fabriquez cette haine totalement superflue ? […] Eh bien, je vais vous jeter la réponse à la figure : c’est en fabriquant des ennemis de substitution que vous le faites. C’est en diabolisant un quelconque type, un groupe, de préférence une minorité sans défense qui la plupart du temps n’a rien à voir avec ceux qu’il s’agit de combattre ou d’éradiquer. Si vous souhaitez que vos gens combattent ou éradiquent un élément A inconnu d’eux, non perçu par eux, également impossible à percevoir et à haïr, vous engendrez en eux, par le moyen de la caricature, la haine d’un B qu’ils croient connaître ; une haine qui les enflamme ou les intoxique assez pour qu’ils tuent ensuite le A. Qui pro quo.
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Les déclencheurs déclenchent le déclenchement de déclencheurs. Cette réitération tend à devenir sans fin; mais à la fin, en vérité , il y a l'anéantissement. Ce qui s'applique aujourd'hui, c'est un numerus clausus pour les individus qui, à des milliers de kilomètres du lieu du désastre, s'emploieront dans le meilleurs des cas pour autant qu'ils seront en vie à se laver les mains dans l'innocence, donc de rester sans la moindre haine; pendant que les instruments se donneront carrière, fidèles au devoir, pour éradiquer la vie des millions de fois sans se douter de rien. La plupart des gens, vous inclus, ne savent rien du tout savoir au sens de se représenter et ils n'ont pas non plus besoin de savoir ce qu'il produit là, par exemple la réduction de millions d'individus en cendres radioactives, opération qu'ils exécutent aux antipodes sur un continent inconnu d'eux. Et même si ils le souhaitaient, ils ne pourraient ni se représenter les effets, ni les reconnaître, ni, une fois ceux-ci advenus, s'en souvenir ou les regretter ou les réparer.
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p. 51 :
Ils ne haïssent pas les personnes ou les groupes parce qu’ils en connaissent les traits haïssables. C’est l’inverse : haïssent-ils quelqu’un, ils croient également le connaître par la haine qu’ils en ont.
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Videos de Günther Anders (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Günther Anders
C'est à la philosophe Corine Pelluchon que nous consacrons notre épisode 5 de la série Filature : sa relation avec le mot “amour”, son engagement pour la cause animale, son approche de la philosophie entre science et art. La meilleure façon de terminer un livre ? Il n'y en a pas, on le sent.
Spécialiste de philosophie politique et d'éthique, Corine Pelluchon est aujourd'hui professeure à l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée (rebaptisée université G. Eiffel à partir de janvier 2020). Elle a commencé par une thèse soutenue en 2003 sur Leo Strauss et sa critique des Lumières, puis, dès le milieu des années 2000, elle s'est intéressée aux défis anthropologiques et politiques que soulèvent les techniques médicales, les biotechnologies, et la prise en compte de la finitude de la planète et des intérêts des animaux. Parmi ses ouvrages les plus récents, on retrouve Pour comprendre Emmanuel Levinas. Un philosophe pour notre temps, janvier 2020 ; Réparons le monde. Humains animaux, nature, mars 2020, Rivages/Poche. C. Pelluchon a reçu en 2020 le prix de la pensée critique Günther Anders pour l'ensemble de ses travaux. Corine Pelluchon était l'invitée de la Fête du Livre de Bron 2023 pour “Grandeur nature” un dialogue avec l'écrivain et directeur de la rédaction de Philosophie Magazine Alexandre Lacroix.
Chaque semaine, retrouvez un invité dans un format court de 4 minutes et écoutez un peu de leur univers littéraire et personnel. À découvrir sur le Média et les réseaux sociaux de la FdLB.
© Collectif Risette/Paul Bourdrel/Fête du Livre de Bron 2023
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