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Critique de tamara29


Il y a 60 ans, le 11 Février 1957, Fernand Iveton fut guillotiné. Tué pour l'exemple.
Il fut le seul européen condamné à mort guillotiné pendant la guerre d'Algérie... Lui qui fut auteur d'une tentative d'attentat dans un entrepôt désaffecté, lui qui pourtant ne voulait tuer personne, lui qui pourtant n'avait même blessé ni tué personne.
C'était un ouvrier tourneur de 30 ans, militant communiste français d'Algérie et anticolonialiste rallié au FLN. Il militait pour la liberté de son pays.
Il sera torturé pendant 4 jours au commissariat central d'Alger, pour l'obliger à donner les noms de ses complices. Les détails de cette torture (coups, décharges électriques, supplice de l'eau) sont insoutenables.
La direction du parti communiste français ayant d'abord interdit à l'avocat communiste Gaston Amblard de défendre Iveton, deux jours seulement avant le procès, deux avocats lui sont commis d'office pour le défendre. Il est condamné à mort le 24 Novembre 1956, lors d'une seule journée d'audience.
Après le rejet du pourvoi en cassation, il croit encore à la grâce présidentielle, lui qui n'a pas fait couler de sang, et du fait que le président de la République René Coty a déjà gracié 16 terroristes les mois précédents. Mais son recours est refusé par Coty, avec l'accord du garde des Sceaux François Mitterrand et du président du Conseil, Guy Mollet.
Lorsque les avocats rencontreront le Président Coty pour plaider le recours, ce dernier aurait raconté l'anecdote qu'en 1917 alors qu'il est jeune officier, il a vu deux jeunes soldats français se faire fusiller. Alors que l'un deux était conduit au poteau d'exécution, le général lui aurait dit : « Toi aussi, mon petit, tu meurs pour la France ».
Avec deux autres militants nationalistes, Fernand Iveton sera guillotiné dans la cour de la prison de Barberousse à Alger, par le bourreau d'Alger qui porte le même prénom que lui, comme une ironie du sort.
2 jours plus tard, son avocat Me Smadja, sera lui-même arrêté en même temps que 130 européens et 14 avocats, accusés de sympathie envers les insurgés algériens. Il restera 2 ans en prison.
Il a été écrit qu'Albert Camus serait intervenu en sa faveur. Quant à Sartre, il publiera un texte en défense d'Iveton dans les Temps modernes mais un an après. Bien longtemps après, dans ses Mémoires, Roland Dumas dira que son ami François Mitterrand devenu président de la République s'empressera de faire abolir la peine de mort afin de se « racheter » de l'exécution d'Iveton.
Joseph Andras, à un peu plus de 30 ans, a reçu pour ce roman le Goncourt du premier roman en 2016, qu'il a refusé. Et à mes yeux, il a amplement mérité ce prix.
Ce roman est entremêlé de plusieurs histoires : celle de la guerre d'Algérie, celle de ce jeune homme militant, celle de la relation naissante avec cette femme française Hélène qui deviendra son épouse.
Les flashbacks sur leur rencontre, la beauté et la douceur de cet amour atténuent peut-être les moments de l'avancée inéluctable vers l'échafaud. Ces moments où nous retrouvons un peu de sourire, où il nous est permis de respirer un peu, de croire un peu encore à la beauté de la vie, en la bonté et le courage des hommes.
Mais, c'est aussi ce qui rend l'histoire de cet homme encore plus poignante, encore plus déchirante. Antagonisme entre la pureté de leur relation et la saleté des autres moments. Cette injustice qui me mord et me fait crier de rage. Je tournais les pages, espérant je ne sais quoi, espérant l'impossible, une autre fin, un miracle, une justice.
Merci à Joseph Andras de m'avoir si bien racontée l'histoire de Fernand Iveton. Merci de m'avoir rappelée ceux qui luttent pour un peu plus de justice et de liberté.
C'était il y a 60 ans exactement. Mais, il suffit de regarder, ne serait-ce que quelques minutes les informations, pour se rappeler que c'est encore tellement d'actualité.
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