C'est bien connu, le Prince de la Terreur aime à se mettre en scène !
Tout ou presque, dans ses frasques maléfiques semble être avant tout affaire de décorum et de tromperies.
C'est acté, le Prince de la Terreur est une créature de Théâtre !
Et, la scène qu'il a investi, celle que de tout temps il a préféré est celle du Grand-Guignol ...
Pourtant, le "Prince de la Terreur", c'est aussi et surtout le surnom donné à un homme discret et charmant,
André de Lorde, dont l'oeuvre est aujourd'hui quelque peu oubliée mais pourtant encore très prisée par les amateurs du genre.
André de Lorde fût l'âme du Théâtre du Grand-Guignol.
Aujourd'hui, on peut redécouvrir ses pièces dans quelques vieux livres introuvables et hors de prix, dans plusieurs des numéros d'époque de la Petite Illustration Théâtrale, et surtout dans le livre d'
Agnès Pierron : "
le Grand-Guignol, le théâtre des peurs de la Belle-Epoque" paru en 1995 dans la collection "Bouquins" chez Robert Laffont.
Mais l'oeuvre d'André de Lorde n'est pas que de théâtre.
Ce livre paru en 1993 en est la preuve.
Il contient toutes les histoires extraordinaires écrites par le "Prince de la Terreur" ...
C'est une sorte d'Intégrale de quarante-deux nouvelles en un peu plus de cinq cents pages.
Mais ne réduire ces nouvelles qu'à la terreur et à l'angoisse serait très réducteur.
André de Lorde fait ici plus oeuvre de fin psychologue que d'épouvantail.
Bien sûr, certaines histoires sont horribles, effrayantes, sordides même parfois.
Mais l'ensemble affiche pourtant une moralité sans faille.
Partout, ici, le malheur s'abat sur l'adultère !
André de Lorde use d'une plume qui s'inscrit dans la plus fine des littératures.
Certains portraits de femmes sont splendides.
Certaines histoires sont magnifiques.
Elles ont peu vieilli, et affichent une modernité étonnante.
Que voulez-vous, le talent n'a pas d'âge !
Le mot d'André de Lorde est aussi souvent malicieux, parfois même un peu moqueur, envers l'establishment surtout.
Dans "la dernière affaire du policier Poirel", il présente par exemple un jeune juge d'instruction, tout frais émoulu du Quartier Latin, qui avait su, par la politique et les salons, opérer les transformations rapides qui font d'un jeune licencié en droit un magistrat d'aspect sérieux et de dignité professionnelle enviable.
Le seul défaut que l'on pourrait trouver à ces "
contes du Grand-Guignol", serait leur brièveté.
C'est souvent trop court.
La lectrice, le lecteur n'a qu'à peine le temps de s'installer dans le récit, et d'en savourer tout le suspens, que déjà l'épilogue s'annonce.
Quelques pages, c'est trop peu pour le plaisir d'un frisson !
Mais c'est assez pour saisir l'âme humaine dans toute sa complexité et son ambiguïté.
C'est assez our savourer à nouveau pleinement cette littérature d'un genre peuplé de criminels, de fous, de damnés de la vie, de spectres mais aussi d'amour, de magnifiques portraits, et surtout teinté d'une certaine poésie et d'un féminisme certain ...