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EAN : 9782862605517
296 pages
Autrement (30/06/2008)
3.99/5   45 notes
Résumé :
Quand le chef de la sûreté apprend au ministre N. qu’un groupe de terroristes tentera de l’assassiner le lendemain, le malheureux ministre passe la nuit la plus épouvantable qu’il ait connue. Arrêtés, les cinq terroristes sont condamnés à mourir pendus. Pour faire bonne mesure on leur adjoint deux meurtriers, l’un de profession, l’autre simple d’esprit.

Dans la solitude absolue de ceux dont la société a décidé de se débarrasser, les sept condamnés doi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Les Sept Pendus, c'est un récit très réaliste, s'appuyant sur une bonne documentation et issu principalement de l'activité terroriste intense qui secouait la Russie encore Tsariste du tout début du XXème siècle. Certains attentats touchaient leur cible, d'autres étaient déjoués à la dernière minute. C'est sur l'un de ces attentats que s'appuie le livre tout comme la pièce d'Albert Camus, Les Justes.

Ici, Leonid Andreïev, sort légèrement de son chemin habituel en 1908, lui qui s'orientait résolument vers une forme de symbolisme ou d'expressionnisme pour revenir à un récit plus brut, ou disons, d'apparence plus brute. Car en réalité, même sous un traitement très réaliste, le cas limite qu'il choisit s'apparente à une forme d'expressionnisme.

La situation est tellement exceptionnelle, tellement " surréaliste ", tellement éloignée de l'expérience ordinaire de tout un chacun que c'est finalement une forme d'expressionnisme. Certes, la littérature du XIXème en général et russe en particulier de manque pas d'écrits devisant de la peine de mort ou d'exécution, l'un des fleurons du genre est d'ailleurs français et à mettre à l'actif de Victor Hugo avec le Dernier Jour D'Un Condamné. Tourguéniev de son côté a rédigé L'Exécution de Troppmann.

Or si dans Les Sept Pendus, bien évidemment on peut y lire une dénonciation de la peine de mort, cela ne semble pas le seul objectif poursuivi par l'auteur. Il commence d'ailleurs très intelligemment son récit par une analogie très forte entre le destin du ministre visé par l'attentat, prévenu in-extremis et celui des condamnés.

Ici, ce qui ressort à mes yeux, c'est l'homologie de destin quand on vous dit : tel jour à telle heure, vous allez mourir. Andreïev sonde le poison psychologique que constitue une telle certitude. Et c'est ça le sujet du livre. Nous savons tous que nous allons mourir, c'est inscrit dans le contrat, mais la vie nous ménage une petite clémence en noyant d'incertitude le moment exact où cela interviendra. Et c'est ça qui rend la vie vivable.

Qu'on soit ministre en exercice, brigand reconnu, criminel crapuleux ou assassin politique, l'horrible c'est le : tel jour, telle heure, tu vas mourir ! C'est là, semble-t-il, le véritable châtiment de la peine de mort, la torture même, peut-être plus encore que la mort elle-même. Chaque seconde qui passe est ton ennemie, et, quand tu souhaites que cela s'arrête et que chaque seconde qui passe fait semblant d'être ton amie, c'est ton ennemi quand même.

Ce livre est admirable d'un point de vue psychologique, salué par des condamnés à mort eux-même qui en soulignent la véracité, l'authenticité psychologique voire psychiatrique. Les alternances de phases, tous les leurres, tous les mensonges que le condamné se débite pour tromper cette certitude, toutes les réactions du corps qui, comme un programme qui aurait une défaillance, se met à produire des réactions anarchiques.

Bref, pas spécialement une lecture de plage, mais un petit récit très bien fait, très bien écrit, avec le ton juste et qui met dans le mille, à savoir nous interroger, nous questionner sur la mort, d'une part, et son annonce inéluctable d'autre part. Je pense que cette thématique pourrait aussi fortement interpeler les personnes qui ont, d'une façon ou d'un autre, attenté à leurs propres jours. Mais ce n'est que mon avis, pendable, c'est-à-dire, pas grand-chose au bout d'une corde.
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Se retrouver dans la tête de 7 personnes, cela peut être divertissant, amusant, intéressant, intrigant, mais se retrouver dans la tête de 7 personnes qui sont condamnées à la peine capitale, c'est une autre histoire. Ici on va vivre les interrogations les angoisses et découvrir comment chacun s'approprie le temps, comment chacun s'arrange avec cette mort certaine et programmée . Ce n'est pas tant la mort en soi qui hante ces personnages mais bien plus l'attente et savoir que la vie va prendre fin dans un temps proche. Tout le monde sait que la mort arrivera un jour ou l'autre mais on ne sait pas quand et c'est ce qui en fait l'événement supportable. le fait de savoir, bouleverse le temps qui passe et qui devient lui-même un bourreau. Chaque personne  va être décrite, on passe d'une tête à l'autre. Il y a 5 terroristes qui veulent assassiner le ministre, leur initiative sera arrêtée avant qu'ils puissent jeter leurs bombes. Ces 5 "terroristes" sont Serguei, Tañía, Vassili, Moussia et Werner.
Il y a également un employé de ferme qui est déficient mentalement et Michka.
Tout est décrit avec une plume que j'ai envie de qualifier de silencieuse et de pudique. le moment où les familles viennent les voir est fort et, pour ma part, très émouvant. C'est de la littérature russe, donc il y a cet aspect sombre que l'on retrouve bien.
le sujet de la peine de mort est évidemment traité mais de façon beaucoup plus discrète que je le pensais.
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« Aujourd'hui la vie, demain la mort. »

Nous découvrons à tour de rôle sept condamnés à mort par pendaison, cinq terroristes et deux assassins. Nous les découvrons dans un premier temps à l'énoncé de leur verdict, dans une attitude de façade, puis, dans l'isolement de leur cellule, en tête à tête avec cette mort inéluctable qui les fixe droit dans les yeux sans ciller et dont ils aimeraient bien pouvoir détourner le regard.

« Il n'avait jamais pensé à la mort ; pour lui, elle n'avait point de forme. Mais maintenant, il sentait nettement, qu'elle était entrée dans la cellule, qu'elle le cherchait en tâtonnant. »

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle qui nous plonge dans les tourments du compte à rebours de la mort.
Le tour de force de l'auteur, selon moi, est de parvenir à donner corps et vie à la mort. Il donne un visage à la mort et nous renvoie à notre propre regard sur la mort : comment vivre quand on connait à l'avance le moment de sa mort, quand elle ne peut plus être évitée ou retardée, ou vice versa, comment mourir quand il faut composer avec la vie ? « Ce n'est pas mourir qui est terrible, c'est de savoir qu'on va mourir. »

Acculés, avec un pied dans la vie et l'autre dans la mort, les protagonistes vont réagir et évoluer selon leur personnalité. Certains passages, avec les familles notamment, sont particulièrement touchants. Ce sont sept attitudes différentes qui sont déclinées, sept manières différentes de tromper l'attente de la mort, toutes aussi réalistes les unes que les autres, et qui vont parfois les surprendre eux-mêmes. Je devrais sans doute dire huit manières différentes, si j'inclus celle de ce ministre dans le premier chapitre à qui il est annoncé qu'un attentat à son encontre est sur le point d'être déjoué.

Cette nouvelle n'est pas aussi plombante que le thème pourrait le laisser supposer. Mais elle dépeint sans fioritures, avec beaucoup de justesse et d'authenticité, les réactions que peut avoir un individu en prenant conscience de sa mort imminente, quand bien même il ne la craindrait pas et penserait y être préparé. Une très belle découverte.

« La vie et la mort marchaient simultanément sur deux plans, et jusqu'à la fin, jusque dans les détails les plus risibles et les plus stupides, la vie restait la vie. »
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Je viens de découvrir cet auteur qui m'a beaucoup plu. Il aborde la mort sous plusieurs aspects, tout d'abord la peine de mort avec une description rapide des jugements, et le séjour dans ce qu'on appellerait aujourd'hui les couloirs de la mort : il faut attendre qu'il y ait un nombre suffisant de prisonniers pour exercer la sentence, on va donc mélanger un groupe de « terroristes » condamnés pour un attentat déjoué à temps et deux autres détenus qui ont tué.

L'auteur aborde également la transformation du fonctionnement mental des condamnés, face à l'échéance : ils savent qu'ils vont mourir mais quand ? le tic-tac sadique de l'horloge qui sonne tous les quarts-d 'heure est là pour rappeler à chacun les secondes qui s'égrènent.

Cette incertitude de l'heure par rapport à la certitude de la mort est envisagée pour chacun des personnages et on voit leur évolution parfois surprenante, le plus motivé idéologiquement n'est pas forcément le plus indifférent…

Il y en a même un qui est dans le déni : on ne peut pas le tuer.

Andreïev évoque aussi, via le général qui a échappé à l'attentat, comment le fait d'être passé à deux doigts de la mort peut avoir des conséquences catastrophiques, car notre général imagine tout ce qui aurait pu se passer : syndrome du survivant ?

On accompagne les condamnés jusqu'à la fin et les relations entre eux, leur communication va évoluer, à la suite de leur cheminement personnel.

Une nouvelle très intense, bien écrite publiée en 1908…

Challenge XIXe siècle
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Dans cette nouvelle écrite en 1908 Andreiev nous décrit "un couloir de la mort" les derniers jours de sept condamnés, des terroristes responsables d'un attentat avorté contre un dignitaire. Un fermier Yansson qui a tué son maître et Tsigane meurtrier qui arrive d'Orel, ville natale de Andreiev, et ne pense qu'à sa liberté. Dans une écriture hyperréaliste nous descendons dans les tréfonds de l'âme de ces condamnés. Devant l'insoutenable attente, la raison de Vassali bascule, Ivan conjure incessamment le sort en martelant : "il ne faut pas me pendre" . Moussia, la belle illuminée, oublie sa condamnation et, dans la compassion aide ceux qui angoissent et vacillent devant la mort. Werner veut mourrir dignement, il est enveloppé par une vague de tendresse et d'amour comme sublimé devant la mort. Serge Golovine tourne son regard vers un ciel printanier porteur de renaissance et d'espoir. Dans ces couloirs silencieux et froids où le temps s'écoule rythmé par le son de l'horloge, Andreiev ne nous parle pas de regrets ni de remords, mais d'une attente qui devient terrifiante. C'est un génie dont les sombres écrits sèment l 'effroi, c'est un écorché vif, un coeur en souffrance, un déçu de la révolution et je reste éblouie devant cette écriture réaliste qui fouille si justement l'âme.
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Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
Pour la première fois de sa vie peut-être, il se mit à rire d'un rire grinçant et stupide, mais terriblement gai et joyeux. Il semblait qu'une oie se fût mise à crier : ra, ra, ra. Étonné, le geôlier regarda Ianson, puis fronça les sourcils : cette gaieté bête d'un homme qu'on devait exécuter insultait la prison, le supplice lui-même et les rendait ridicules. Et un instant, une fraction d'instant, il sembla au vieux gardien qui avait passé toute son existence en prison et en considérait les lois comme celles de la nature, que la prison et la vie tout entière étaient une sorte d'asile de fous dont lui, le surveillant, était le plus grand. […]
Cet homme, avec son petit visage flasque, ressemblait moins que quiconque à Satan, mais dans son gros rire rappelant des criaillements d'oie, quelque chose détruisait la sainteté et la solidité de la prison. Qu'il vienne à rire encore un peu, et voilà que les murs atteints de pourriture s'effriteraient, que les grilles détrempées tomberaient et que le surveillant en personne ouvrirait lui-même le portail de la prison aux détenus.

Chapitre 3.
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Il félicitait ainsi les détectives, les policiers, les soldats, tous ces hommes qui protégeaient sa vie et qui avaient prévenu si habilement l'attentat. Mais il avait beau remuer, s'exclamer, afficher un sourire forcé pour montrer qu'il se moquait de l'idiotie de ces terroristes ratés, il ne parvenait pas à se persuader qu'il était sauvé et que la vie n'allait pas soudainement, tout brusquement, le quitter. Cette mort que des hommes lui réservaient et qui n'avait de réalité que dans leurs seules pensées et dans leurs seules intentions était comme déjà là, prête à s'installer et à rester tant que l'on n'aurait pas arrêté ces hommes, tant que l'on ne les aurait pas enfermés dans une prison sûre. Elle restait là à se tenir dans un coin de la pièce, droite et immobile, pareille à un soldat obéissant placé en sentinelle de par une volonté inconnue.

Chapitre 1 : " À une heure de l'après-midi, Excellence ! "
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La peur s'était manifestée tout d'un coup en lui et s'était emparée de sa personne en maîtresse exclusive et souveraine. Le matin fatal, alors qu'ils marchait à la mort certaine, il avait joué avec elle ; mais le soir, enfermé dans sa cellule, il avait été emporté et fouetté par une vague de terreur folle. Tant qu'il était allé librement au-devant du danger et de la mort, tant qu'il avait tenu son sort dans ses mains, quelque terrible qu'il dût être, il s'était montré tranquille, joyeux même ; sa toute petit peur honteuse et caduque s'était évanouie sans laisser de traces, dans un sentiment de liberté infinie, dans l'affirmation audacieuse et ferme de sa volonté intrépide. Le corps ceinturé d'une machine infernale, il s'était transformé lui-même en instrument infernal, il avait emprunté la raison cruelle de la dynamite et sa puissance fulgurante et homicide. Dans la rue, parmi les gens agités, préoccupés de leurs affaires, qui se garaient vivement des tramways et des fiacres, il lui semblait venir d'un autre monde inconnu où l'on ignorait la mort et la peur.
Soudain, un changement brutal, affolant, s'était accompli. Vassili n'allait plus où il voulait, mais on le plaçait dans une cage de pierre et on l'enfermait à clef, comme une chose. Il ne pouvait plus choisir à son gré la vie ou la mort ; on le menait certainement et infailliblement à la mort.

Chapitre 9.
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Or l'important, Werner, c'est que nous, nous soyons prêts à mourir. Tu comprends ? Car que croient-ils donc tous ces messieurs ? Qu'il n'est rien de plus terrible que la mort. Oui, mais ce sont eux qui l'ont conçue, ce sont eux qui en ont peur, ce sont eux qui nous épouvantent avec elle. Moi, vois-tu, j'ai envie de passer toute seule devant un régiment entier et de me mettre, avec mon browning, à tirer sur les soldats. Même si je suis toute seule et eux des milliers et même si je ne tue personne. Car l'important précisément, c'est qu'ils soient des milliers. Quand des milliers de personnes en tuent une autre, alors cela signifie que cette personne a gagné.

Chapitre 7.
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Le Tzigane plaça vivement dans sa bouche quatre doigts, deux de chaque main ; il roula les yeux avec férocité, et l'air inanimé de la salle d'audience fut déchiré par un sifflement sauvage, un vrai sifflement de brigand au son duquel les chevaux abasourdis dressent les oreilles et se cabrent tandis que les hommes pâlissent involontairement. Il y avait de tout dans ce bruit perçant, quasi humain, quasi animal : l'angoisse mortelle de celui qu'on tue, la joie sauvage de l'assassin, une menace, un appel, la solitude tragique, l'obscurité d'une nuit d'automne pluvieuse.

Chapitre 4.
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Video de Leonid Andreïev (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Leonid Andreïev
Le Mur, fable symbolique, fait frissonner : un mur inébranlable se dresse avec cruauté devant des lépreux et des affamés se pressant à ses pieds et leur interdit l’accès à une vie heureuse. Ils représentent l’humanité dans sa lutte pour le bonheur et la liberté. Lecture de Judith Beuret.
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