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Les Sept Pendus, c'est un récit très réaliste, s'appuyant sur une bonne documentation et issu principalement de l'activité terroriste intense qui secouait la Russie encore Tsariste du tout début du XXème siècle. Certains attentats touchaient leur cible, d'autres étaient déjoués à la dernière minute. C'est sur l'un de ces attentats que s'appuie le livre tout comme la pièce d'Albert Camus, Les Justes.

Ici, Leonid Andreïev, sort légèrement de son chemin habituel en 1908, lui qui s'orientait résolument vers une forme de symbolisme ou d'expressionnisme pour revenir à un récit plus brut, ou disons, d'apparence plus brute. Car en réalité, même sous un traitement très réaliste, le cas limite qu'il choisit s'apparente à une forme d'expressionnisme.

La situation est tellement exceptionnelle, tellement " surréaliste ", tellement éloignée de l'expérience ordinaire de tout un chacun que c'est finalement une forme d'expressionnisme. Certes, la littérature du XIXème en général et russe en particulier de manque pas d'écrits devisant de la peine de mort ou d'exécution, l'un des fleurons du genre est d'ailleurs français et à mettre à l'actif de Victor Hugo avec le Dernier Jour D'Un Condamné. Tourguéniev de son côté a rédigé L'Exécution de Troppmann.

Or si dans Les Sept Pendus, bien évidemment on peut y lire une dénonciation de la peine de mort, cela ne semble pas le seul objectif poursuivi par l'auteur. Il commence d'ailleurs très intelligemment son récit par une analogie très forte entre le destin du ministre visé par l'attentat, prévenu in-extremis et celui des condamnés.

Ici, ce qui ressort à mes yeux, c'est l'homologie de destin quand on vous dit : tel jour à telle heure, vous allez mourir. Andreïev sonde le poison psychologique que constitue une telle certitude. Et c'est ça le sujet du livre. Nous savons tous que nous allons mourir, c'est inscrit dans le contrat, mais la vie nous ménage une petite clémence en noyant d'incertitude le moment exact où cela interviendra. Et c'est ça qui rend la vie vivable.

Qu'on soit ministre en exercice, brigand reconnu, criminel crapuleux ou assassin politique, l'horrible c'est le : tel jour, telle heure, tu vas mourir ! C'est là, semble-t-il, le véritable châtiment de la peine de mort, la torture même, peut-être plus encore que la mort elle-même. Chaque seconde qui passe est ton ennemie, et, quand tu souhaites que cela s'arrête et que chaque seconde qui passe fait semblant d'être ton amie, c'est ton ennemi quand même.

Ce livre est admirable d'un point de vue psychologique, salué par des condamnés à mort eux-même qui en soulignent la véracité, l'authenticité psychologique voire psychiatrique. Les alternances de phases, tous les leurres, tous les mensonges que le condamné se débite pour tromper cette certitude, toutes les réactions du corps qui, comme un programme qui aurait une défaillance, se met à produire des réactions anarchiques.

Bref, pas spécialement une lecture de plage, mais un petit récit très bien fait, très bien écrit, avec le ton juste et qui met dans le mille, à savoir nous interroger, nous questionner sur la mort, d'une part, et son annonce inéluctable d'autre part. Je pense que cette thématique pourrait aussi fortement interpeler les personnes qui ont, d'une façon ou d'un autre, attenté à leurs propres jours. Mais ce n'est que mon avis, pendable, c'est-à-dire, pas grand-chose au bout d'une corde.
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Je viens de découvrir cet auteur qui m'a beaucoup plu. Il aborde la mort sous plusieurs aspects, tout d'abord la peine de mort avec une description rapide des jugements, et le séjour dans ce qu'on appellerait aujourd'hui les couloirs de la mort : il faut attendre qu'il y ait un nombre suffisant de prisonniers pour exercer la sentence, on va donc mélanger un groupe de « terroristes » condamnés pour un attentat déjoué à temps et deux autres détenus qui ont tué.

L'auteur aborde également la transformation du fonctionnement mental des condamnés, face à l'échéance : ils savent qu'ils vont mourir mais quand ? le tic-tac sadique de l'horloge qui sonne tous les quarts-d 'heure est là pour rappeler à chacun les secondes qui s'égrènent.

Cette incertitude de l'heure par rapport à la certitude de la mort est envisagée pour chacun des personnages et on voit leur évolution parfois surprenante, le plus motivé idéologiquement n'est pas forcément le plus indifférent…

Il y en a même un qui est dans le déni : on ne peut pas le tuer.

Andreïev évoque aussi, via le général qui a échappé à l'attentat, comment le fait d'être passé à deux doigts de la mort peut avoir des conséquences catastrophiques, car notre général imagine tout ce qui aurait pu se passer : syndrome du survivant ?

On accompagne les condamnés jusqu'à la fin et les relations entre eux, leur communication va évoluer, à la suite de leur cheminement personnel.

Une nouvelle très intense, bien écrite publiée en 1908…

Challenge XIXe siècle
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Se retrouver dans la tête de 7 personnes, cela peut être divertissant, amusant, intéressant, intrigant, mais se retrouver dans la tête de 7 personnes qui sont condamnées à la peine capitale, c'est une autre histoire. Ici on va vivre les interrogations les angoisses et découvrir comment chacun s'approprie le temps, comment chacun s'arrange avec cette mort certaine et programmée . Ce n'est pas tant la mort en soi qui hante ces personnages mais bien plus l'attente et savoir que la vie va prendre fin dans un temps proche. Tout le monde sait que la mort arrivera un jour ou l'autre mais on ne sait pas quand et c'est ce qui en fait l'événement supportable. le fait de savoir, bouleverse le temps qui passe et qui devient lui-même un bourreau. Chaque personne  va être décrite, on passe d'une tête à l'autre. Il y a 5 terroristes qui veulent assassiner le ministre, leur initiative sera arrêtée avant qu'ils puissent jeter leurs bombes. Ces 5 "terroristes" sont Serguei, Tañía, Vassili, Moussia et Werner.
Il y a également un employé de ferme qui est déficient mentalement et Michka.
Tout est décrit avec une plume que j'ai envie de qualifier de silencieuse et de pudique. le moment où les familles viennent les voir est fort et, pour ma part, très émouvant. C'est de la littérature russe, donc il y a cet aspect sombre que l'on retrouve bien.
le sujet de la peine de mort est évidemment traité mais de façon beaucoup plus discrète que je le pensais.
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« Aujourd'hui la vie, demain la mort. »

Nous découvrons à tour de rôle sept condamnés à mort par pendaison, cinq terroristes et deux assassins. Nous les découvrons dans un premier temps à l'énoncé de leur verdict, dans une attitude de façade, puis, dans l'isolement de leur cellule, en tête à tête avec cette mort inéluctable qui les fixe droit dans les yeux sans ciller et dont ils aimeraient bien pouvoir détourner le regard.

« Il n'avait jamais pensé à la mort ; pour lui, elle n'avait point de forme. Mais maintenant, il sentait nettement, qu'elle était entrée dans la cellule, qu'elle le cherchait en tâtonnant. »

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle qui nous plonge dans les tourments du compte à rebours de la mort.
Le tour de force de l'auteur, selon moi, est de parvenir à donner corps et vie à la mort. Il donne un visage à la mort et nous renvoie à notre propre regard sur la mort : comment vivre quand on connait à l'avance le moment de sa mort, quand elle ne peut plus être évitée ou retardée, ou vice versa, comment mourir quand il faut composer avec la vie ? « Ce n'est pas mourir qui est terrible, c'est de savoir qu'on va mourir. »

Acculés, avec un pied dans la vie et l'autre dans la mort, les protagonistes vont réagir et évoluer selon leur personnalité. Certains passages, avec les familles notamment, sont particulièrement touchants. Ce sont sept attitudes différentes qui sont déclinées, sept manières différentes de tromper l'attente de la mort, toutes aussi réalistes les unes que les autres, et qui vont parfois les surprendre eux-mêmes. Je devrais sans doute dire huit manières différentes, si j'inclus celle de ce ministre dans le premier chapitre à qui il est annoncé qu'un attentat à son encontre est sur le point d'être déjoué.

Cette nouvelle n'est pas aussi plombante que le thème pourrait le laisser supposer. Mais elle dépeint sans fioritures, avec beaucoup de justesse et d'authenticité, les réactions que peut avoir un individu en prenant conscience de sa mort imminente, quand bien même il ne la craindrait pas et penserait y être préparé. Une très belle découverte.

« La vie et la mort marchaient simultanément sur deux plans, et jusqu'à la fin, jusque dans les détails les plus risibles et les plus stupides, la vie restait la vie. »
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Dans cette nouvelle écrite en 1908 Andreiev nous décrit "un couloir de la mort" les derniers jours de sept condamnés, des terroristes responsables d'un attentat avorté contre un dignitaire. Un fermier Yansson qui a tué son maître et Tsigane meurtrier qui arrive d'Orel, ville natale de Andreiev, et ne pense qu'à sa liberté. Dans une écriture hyperréaliste nous descendons dans les tréfonds de l'âme de ces condamnés. Devant l'insoutenable attente, la raison de Vassali bascule, Ivan conjure incessamment le sort en martelant : "il ne faut pas me pendre" . Moussia, la belle illuminée, oublie sa condamnation et, dans la compassion aide ceux qui angoissent et vacillent devant la mort. Werner veut mourrir dignement, il est enveloppé par une vague de tendresse et d'amour comme sublimé devant la mort. Serge Golovine tourne son regard vers un ciel printanier porteur de renaissance et d'espoir. Dans ces couloirs silencieux et froids où le temps s'écoule rythmé par le son de l'horloge, Andreiev ne nous parle pas de regrets ni de remords, mais d'une attente qui devient terrifiante. C'est un génie dont les sombres écrits sèment l 'effroi, c'est un écorché vif, un coeur en souffrance, un déçu de la révolution et je reste éblouie devant cette écriture réaliste qui fouille si justement l'âme.
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Une nouvelle qui présente les derniers jours de sept condamnés. Les idéalistes qui projetaient un attentat, l'ouvrier agricole qui a tué mais ne veut pas qu'on le pende, et le Tzigane.
Chacun vit ses derniers moments selon son passé et son degré de réflexion.

Un auteur à découvrir pour moi.

Challenge 19ème siècle 2017
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Il est bien que l'auteur ait pu s'inspirer des faits divers sauf que l'apport imaginatif de l'auteur s'est avéré bien pauvre pour ressortir la pertinence de cette histoire. Les faits sont posés tout crus comme ils ont été relatés dans les journaux, l'auteur ne s'en va pas chercher ses personnages avant les faits et même après les faits, la description de leur perturbation psychologique ne m'a vraiment pas emballé, les choses ont été traitées peut-être pas avec légèreté mais il y a manqué une espèce de fil conducteur sur lequel le lecteur devrait s'attacher...
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J'éprouve de la tendresse pour Leonid Andreïev, mais il faut bien reconnaître que la qualité de son oeuvre est en deça de ce qu'on dit ou de ce qu'on ne dit pas d'ailleurs. Il n'a pas eu de bol, né le cul entre deux chaises : un pied dans le tsarisme, l'autre pied chez les bolchos, ou trop dedans le régime impérial pour se faire apprécier des révolutionnaires peau de lapin ou trop romantique pour ne pas être suspecté de connivence avec l'ennemi intérieur (et extérieur) qui gangrène la société russe impériale.

Oui j'éprouve de la tendresse pour cet artiste-poète attachant qui a résisté finalement à tous les vents mauvais et tournants qui balayaient la galaxie de l'empire russe depuis qu'il est né jusqu'à sa tragique fin. Certainement un gros potentiel, mais ses allures de dandy restèrent incomprises et à force de rester dans l'ombre de machin et d'afficher ses tourments réels mais personnels ressemblant à bidule, il foira sur tous les tableaux et sa fin en définitive ne fit que confirmer son désarroi d'artiste de ne pouvoir être reconnu de son vivant pour ce qu'il était et non pas pour ce qu'il paraissait. Ajouté à cela, un amour-propre bien au delà de la moyenne mit fin à ses belles espérances. Il manquait certainement de protecteurs, de mécènes qui l'eussent porter vers les fonts baptismaux. Il termina même sa vie dans un marigot à sec, au mépris de tous : il y avait immanquablement tout à reprendre chez lui : un Butch Harmon lui eût remis son swing bancal en place !.. "La pauvreté de sa pensée, et la naïveté de ses effets littéraires, dépourvus souvent de goût.." nous dit Jules Legras, critique qui fait autorité, fussent gommés ou eussent avorté dans l'oeuf.. Cela dit, je rabaisserais d'un bémol la condescendance du critique français qui comme l'ensemble des critiques français de l'époque y compris d'aujourd'hui à l'égard des textes russes ne manquaient pas de vanité et d'autocentrisme.

Ce qui m'a intéressé, outre l'allégorie que Léonid Andréïev a fait passer maladroitement pour du symbolisme dans son oeuvre, c'est son histoire des Sept pendus, ces terroristes condamnés à mort qui pensent comme jamais ils n'ont pensé sans doute, ou qui refont le film de leur vie distinctement dans leur coin avant leur exécution. L'auteur s'ingénie de manière impressionnante à révéler leurs dernières pensées qui, -émanant de profils différents que seul le noir dessein d'assassiner un paysan et un bandit réunit -, prennent allure humaine, mais il fallait y penser avant. On se demande bien pourquoi d'ailleurs un paysan et un bandit, pourquoi pas un dignitaire du régime qui eût donné plus de sens à la nouvelle.

J'ai parfois vu dans des films le condamné à mort à moins une, outre demander grâce, nous ne sommes que des pêcheurs, ce qui va de soi, réclamer une cigarette, ce qui paraît bien dérisoire au terme de tout une vie, comme si l'envie de trucider son bourreau ne primait pas. On trouvera bien dans la salle quelqu'un pour me dire que le bourerau a aussi sa vie de famille !.. Bon voilà, j'ai essayé de mettre en haleine le lecteur sur cette oeuvre de Léonid Andréïev.

En 1910, Leonid a alors la quarantaine, quand il rend visite à Tolstoï à Iasnaïa Poliana, lui aussi au terme d'une vie et quelle vie ! Il a consigné ses impressions dans un essai intitulé Six mois avant sa mort publié en 1911 que je n'ai pas lu. Un autre titre si j'en crois certaines sources a aussi fait l'objet d'un mémoire qui a été écrit en novembre 2010, mais qui n'a pas été prononcé à cause de la censure impériale. Je lui rends grâce de toutes ces beautés du geste, admirables s'il en est !.. S'il en fût là, l'homme ne devait pas être mauvais !

J'en aurai fini présentement avec Leonid Andréïev en ajoutant à ses cordes d'artiste celle de la peinture ; je vous assure qu'il n'était pas manchot loin de là, suffisamment remarquable pour être observé !..



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Condamnés à mort! Tel est le sort des 7 personnages de ce court récit. Sept personnalités pour sept manières de vivre leurs derniers instants, qui consitituent le véritable supplice de tout condamné au châtiment suprême.

Un récit peu réjouissant, mais fin, et sufisamment court que pour ne pas faire sombrer son lecteur dans le malaise.



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Je m'attendais à une version russe du Dernier jour d'un condamné, mais Leonid Andreiev semble plus utiliser le prétexte des derniers jours de cinq hommes et deux femmes réunis par les circonstances (même si cinq d'entre eux ont en commun un attentat manqué) pour explorer les différentes attitudes de l'homme par rapport à la vie et, ça n'en est que le miroir, par rapport à la mort.
Certes, le fait de connaître l'heure de sa mort avec une certitude absolue, et le fait de ne pouvoir en être maître change la donne, mais je ne suis pas certaine qu'Andreiev se positionne contre la peine de mort, contre la pendaison. Au contraire, si certains des futurs pendus sont submergés par la peur, jusqu'à la folie, beaucoup semblent arriver, grâce (sic) à cette mort annoncée et donc à cette agonie pleinement vécue, à une acuité dans la réflexion et dans les sens, qui leur permet de mieux savourer la vie, et finalement de se réaliser pleinement.
La thèse sous-jacente m'a donc plutôt dérangée et a un tant soit peu gâché ma lecture, tout comme ce style trop poétique qui en dit soit trop soit pas assez sur l'état d'esprit de ses personnages et sur leur évolution. J'aurais donc pu passer mon chemin, malgré quelques jolis passages, trop rares pour rattraper le tout.
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