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EAN : 9782253001881
192 pages
Le Livre de Poche (22/03/2006)
3.79/5   34 notes
Résumé :
Qu'il évoque la révélation mystique d'un vizir déchu, la tragédie d'un menteur invétéré, les frasques d'un aventurier français en pays ottoman, la fin d'un prince aux yeux tristes, qu'il s'attache aux humbles et tragiques destinées d'un directeur de cirque malheureux en amour, d'une prostituée au grand coeur, d'un géomètre jaloux ou d'une esclave qui préfère la mort au déshonneur, c'est avant tout l'homme qui passionne et bouleverse Ivo Andric - dans son infinie gra... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Une radieuse journée d'été, une maison sur les hauteurs de Sarajevo à l'atmosphère douce et chaleureuse. L'un de ces matins lumineux où l'auteur Ivo Andrìc (1892-1975), encore empli des brumes des rêves nocturnes, s'attelle à sa journée de travail et attend, sans un souffle, sans un geste, dans une sorte d'expectative feinte, que résonne au fond de sa conscience l'écho des voix de l'imaginaire, que frémissent les fils brisés des récits ébauchés, que s'invitent les personnages, et que s'offrent et affluent les détails, les conversations, les comportements et les réflexions qui, jetés sur le papier, forgeront les histoires de « Contes de la solitude ».

Tels des fantômes émergeant des temps passés et des limbes de l'oubli, les personnages, visiteurs souvent imprévus, s'invitent dans la demeure (s'y imposent même parfois) pour conter leurs histoires, se révéler, se plaindre ou se confesser sous la plume de l'auteur, avant de s'éclipser pour rejoindre à nouveau les profondeurs du songe.
Vizir déchu, aventurier français, menteur impénitent, esclave déterminée, régisseur de cirque accablé d'amour, scribe bosniaque neurasthénique…défilent en une galerie de portraits qu'Ivo Andrìc peint avec un réalisme mesuré nimbé de douceur, un naturalisme auréolé de rêverie et de sagesse.
14 nouvelles, 14 portraits d'hommes, de femmes, de lieux…personnages historiques, nobles, esclaves ou paysans, paysages parcourus ou rêvés, par lesquels l'auteur ébauche les contours du pays yougoslave, entre tradition et modernité, quand ses frontières se partageaient encore entre Serbie, Bosnie Herzégovine, Croatie ou Macédoine.

Ainsi se compose le recueil des « Contes de la solitude », au gré de ces apparitions à la fois espérées et inopportunes dont Ivo Andrìc se fait l'émissaire, le porte-parole, le dernier écho avant l'engloutissement irrévocable dans les vapeurs de l'au-delà.
Des personnages qui « n'appartiennent pas à la même époque ni par leur destin ni par leurs origines », qui « sont de partout et de toutes les sortes » et qui jaillissent des affres de la solitude et de l'oubli pour livrer en témoignage la part d'individualité propre à chaque tempérament, laquelle, paradoxalement, offrira une fois le livre refermé, l'esquisse d'une physionomie universelle, entre joie et chagrin, entre force et faiblesse, entre ombre et lumière.

Le Prix Nobel de Littérature 1961 clôt ce recueil empreint d'humanité par une peinture de la ville de Sarajevo, dont les pierres portent la marque de deux mondes distincts, entre Orient et Occident, entre le sceau festonné apposé par la domination ottomane et la droiture sévère du cachet austro-hongrois, deux visages qui ont su parfaire et unir leurs différences en symbole fraternel en devenant emblématique d'une cité.
Cet écrivain qui a su si bien décrire les haines entre confessions et nationalités rivales ainsi que la complexité des rapports humains, serait certainement heureux de constater que cette ville, qui a subi les foudres et les sévices d'une guerre fratricide, ait réussi à panser ses blessures, se relever et s'offrir aux touristes dans la dignité et la beauté.

Mais qu'aurait pensé l'homme qui a construit le « Pont sur la Drina », face aux eaux troubles d'un fleuve devenu l'un des plus grands charniers d'Europe ? Sans doute, s'il avait encore vécu dans les années 1990, aurait-il eu le coeur brisé de voir son pays déchiré de guerres intestines, et sa ville De Višegrad défigurée par les massacres et les exécutions.
A l'heure où le cinéaste Emir Kurturica s'est allié l'amitié et le soutien du nationaliste serbe Milorad Dodik, le président de la petite république Srpska dont les airs amicaux camouflent mal l'idéal de sang pur et l'encouragement à la purification ethnique…à l'heure donc où Emir Kusturica oblitère la mémoire génocidaire pour financer la construction, sur des lieux de torture et de déportation, d'une ville dédiée au grand écrivain, il est bon de souligner qu'Ivo Andrìc a toujours espéré une « Yougoslavie » solidaire et unie, construite sur la paix et l'entente entre les peuples. En ce sens, son oeuvre ne devrait pas être réquisitionnée à des fins autres que littéraires, artistiques ou culturelles.

http://www.larevuedesressources.org/emir-kusturica-et-la-mise-en-scene-de-l-oubli-d-un-genocide,2512.html
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Ivo Andric (avec un accent sur le C) à reçu le prix Nobel de littérature en 1961, mais ce n'est pas pour cela que j'ai lu ce bouquin. C'est davantage parce que l'Histoire Yougoslave m'intéresse. Peut-être parce que les derniers événements réellement Historiques (avec un grand H) en Europe se sont déroulés dans ce(s) pays. Les 14 contes ou nouvelles qui composent ce recueil sont de facture très classique, avec des aspects particuliers de la culture yougoslave qui renvoient néanmoins à l'universalité de l'humain (Nobel oblige). Dans ce genre j'ai préféré les « Nouvelles orientales » de M. Yourcenar. Dans son prologue, Andric se met en scène ; il va nous raconter les histoires de personnages qui surgissent d'un passé plus ou moins récent et qui viennent lui rendre visite dans sa maison de Sarajevo, lui le narrateur, les écoute puis il écrira afin que leurs souvenirs, leurs mémoires perdurent. Deux nouvelles m'ont particulièrement intéressées : « Conversation du soir » & « Deux écrits du scribe bosniaque Drazeslav », qui montrent les villes de Sarajevo et de Raguse comme vivantes et actives, influentes sur leurs habitants et leurs visiteurs ... 4* pour ces 2 ci et 3* pour l'ensemble. Dovidenja.
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Le narrateur, l'auteur lui-même, nous parle depuis la ville de Sarajevo, d'une petite maison avec balcon. Des personnages viennent le solliciter, d'anciens habitants de la ville, pour qu'il nous narre leurs histoires, petites ou grandes, de personnes illustres ou d'obscures sans grades, qui ont fait cette ville. Et les différents récits se succèdent, ayant pour cadre les mêmes lieux.

"Non seulement les gens m'agressent de leurs cris, de leurs rires indiscrets, paradent et laissent piétiner leurs chevaux sous mes fenêtres, non seulement ils se servent du poids moral de leurs patronymes historiques et de leur notoriété-ils n'appartiennent pas à la même époque ni par leur leur destin ni par leurs origines. Ils sont de partout et de toutes les sortes. Ils n'ont en commun que le seul fait de se réunir-,mais parfois, autour de cette maison de Sarajevo qui est la mienne, ils laissent aussi des traces invisibles mais bien réelles, suffisamment vivantes pour perturber une matinée destinée à d'autres occupations, tentant par tous les moyens d'occuper mes pensées et d'attiser mon imagination."

Le titre correspond parfaitement au contenu et l'esprit du livre, plus que de nouvelles, il s'agit de contes, peut être un peu plus dans l'esprit des contes philosophique du XVIII siècle que de contes de fées:

"Il était une fois un prince-il a vraiment existé, je ne dis pas cela uniquement pour raconter quelque chose-,qui avait les yeux tristes et possédait une petite principauté. Son pays était vraiment petit, si petit que quand il rêvassait pendant sa promenade de l'après-midi, il dépassait toujours les frontières et pénétrait dans le pays voisin. Voilà à quel point sa principauté était petite, plus petite qu'une honnête promenade. Ses yeux étaient vraiment tristes. Beaux, noirs, assombris de longs cils, le blanc légèrement bleuté comme chez les jeunes veaux ou les filles phtisiques de province. Les femmes disaient que ces yeux « parlaient »; les hommes se taisaient."

Solitudes, car tous ces personnages sont tristes, vivent des épreuves, seuls,toute une vie, ou au moins une partie de celle-ci: une jeune fille qui a passé sa vie au service d'une riche famille à élever des enfants qui n'étaient pas les siens, ce géomètres qui n'a pas réussi à communiquer avec sa femme et qui s'est suicidé à ne pouvoir dire sa souffrance, ce puissant vizir, entouré toute sa vie de courtisans et d'enfants, mais mort déchu abandonné par tous. Car tous, puissants ou petites gens, célibataires ou père de famille nombreuse, lorsque la mort frappe à la porte, l'homme se retrouve toujours seul pour l'affronter.
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De l'auteur j'ai lu ' le pont sur la Drina ' et je pense que ce livre est un des plus beaux romans que j'ai lu , ce recueil de contes n'a pas suscité chez moi autant de bonheur de lecture , la barre était trop haute .
Néanmoins force est de reconnaître que l'auteur est un conteur hors pair .
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J'ai lu ce recueil par curiosité et je ne m'attendais pas à y trouver des ambiances fantastiques comme dans certaines nouvelles de Mérimée ou Maupassant mais aussi des textes d'Italo Calvino.
La plupart des histoires ont pour narrateur un homme qui reçoit la visite de fantômes de personnes qu'il a croisées tout au long de sa vie et de ses voyages et qui ne peuvent trouver la paix tant qu'ils n'ont pas raconté leur vie et leurs malheurs de leur point de vue.
Il y a des histoires de famille, de couple, de politique, d'argent ou de pouvoir, d'envie et de jalousie.
Intéressant et plutôt agréable à lire.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
C’est sur ces sentiers que le vent balaie et que la pluie lave et que le soleil infecte et guérit, sur lesquels ne se rencontrent que du bétail martyrisé et des hommes taciturnes au visage sombre, qu’a pris forme ma pensée de la richesse et de la beauté du monde. Là, ignorant et faible et les mains vides, j’ai été heureux jusqu’au vertige, heureux de tout ce qui n’existe pas, ne peut exister, et n’existera jamais.
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Aux instants où me fatiguait et m’empoisonnait un monde dans lequel je vivais par un mauvais hasard, lorsque l’horizon s’assombrissait et que vacillait la direction, j’étendais alors pieusement devant moi, tel un tapis de prière, le dur sentier, misérable, sublime, de Višegrad, qui apaise toute douleur et efface toute souffrance, car il les contient toutes en lui et toutes les surplombe.
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Je me sens faible et malade, la mauvaise humeur me ronge à l'intérieur et me fige à l'extérieur, je trouve à peine la force de m'acquitter des tâches indispensables, je me fatigue et me torture à tout observer autour de moi, à penser à tout, le regard pénétrant, rapide, implacable – qui sait s'il est juste – comme si je devais tout faire, être lié à tout, responsable de tout. Tiens, cet colline à moité nue, ses jardins vert foncé, cette terre aride et brûlée, pierreuse et grise, se dresse là, seule, à l'entrée de la ville, comme une sorte d'accusée, de coupable. C'est l'endroit le plus venté et improductif de Dubrovnik. Pas de grands arbres, pas de végétation abondante et diverse comme ailleurs, mais de maigres pins aux branches désespérément rabougries, pliées au rythme et dans la direction du vent du nord. Sombres sur ce cap rocailleux, toutes penchées dans la même direction, elles ressemblent à une dernière rafale, pétrifiée, du vent d'hier soir, une sorte de signe musical, le sifflement noir qui a cessé juste avant l'aube. Elles sont difformes et solides. Leur vie ne vaut pas grand-chose, mais elles ne connaissent pas la mort.
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Non seulement les gens m'agressent de leurs cris, de leurs rires indiscrets, paradent et laissent piétiner leurs chevaux sous mes fenêtres, non seulement ils se servent du poids moral de leurs patronymes historiques et de leur notoriété – ils n'appartiennent pas à la même époque ni par leur destin ni par leurs origines. Ils sont de partout et de toutes les sortes. Ils n'ont en commun que le seul fait de se réunir –, mais parfois, autour de cette maison de Sarajevo qui est la mienne, ils laissent aussi des traces invisibles mais bien réelles, suffisamment vivantes pour perturber une matinée destinée à d'autres occupations, tentant par tous les moyens d'occuper mes pensées et d'attiser mon imagination.
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Cette frontière bien définie qui, selon l'opinion générale, dans l'esprit et la conversation des autres humains, distinguait le mensonge de la vérité, palissait et disparaissait. Une pitié douloureuse à l'égard de ce qu'on appelle la vérité toute nue l'envahissait constamment, et il ne pouvait jamais passer à coté sans ressentir le besoin de l'habiller, l'enjoliver et l'embellir. C'était irrésistible. Pour rien au monde il ne l'aurait laissée telle qu'elle est. Et c'est ainsi que, même pour plaisanter, il était incapable de dire une vérité complète et nue. Elle lui paraissait de plus en plus grossière, misérable – incroyable. Elle lui était si intolérable qu'il n'avait ni la force ni le courage de l'énoncer. Il n'était plus capable que de semi-vérités dont chacune portait en elle dès l’origine une tendance au mensonge total.
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Videos de Ivo Andric (8) Voir plusAjouter une vidéo
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« le pont sur la Drina » d'Ivo Andric, c'est à lire au Livre de poche.
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