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Citations sur Contes de la solitude (8)

C’est sur ces sentiers que le vent balaie et que la pluie lave et que le soleil infecte et guérit, sur lesquels ne se rencontrent que du bétail martyrisé et des hommes taciturnes au visage sombre, qu’a pris forme ma pensée de la richesse et de la beauté du monde. Là, ignorant et faible et les mains vides, j’ai été heureux jusqu’au vertige, heureux de tout ce qui n’existe pas, ne peut exister, et n’existera jamais.
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Aux instants où me fatiguait et m’empoisonnait un monde dans lequel je vivais par un mauvais hasard, lorsque l’horizon s’assombrissait et que vacillait la direction, j’étendais alors pieusement devant moi, tel un tapis de prière, le dur sentier, misérable, sublime, de Višegrad, qui apaise toute douleur et efface toute souffrance, car il les contient toutes en lui et toutes les surplombe.
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Je me sens faible et malade, la mauvaise humeur me ronge à l'intérieur et me fige à l'extérieur, je trouve à peine la force de m'acquitter des tâches indispensables, je me fatigue et me torture à tout observer autour de moi, à penser à tout, le regard pénétrant, rapide, implacable – qui sait s'il est juste – comme si je devais tout faire, être lié à tout, responsable de tout. Tiens, cet colline à moité nue, ses jardins vert foncé, cette terre aride et brûlée, pierreuse et grise, se dresse là, seule, à l'entrée de la ville, comme une sorte d'accusée, de coupable. C'est l'endroit le plus venté et improductif de Dubrovnik. Pas de grands arbres, pas de végétation abondante et diverse comme ailleurs, mais de maigres pins aux branches désespérément rabougries, pliées au rythme et dans la direction du vent du nord. Sombres sur ce cap rocailleux, toutes penchées dans la même direction, elles ressemblent à une dernière rafale, pétrifiée, du vent d'hier soir, une sorte de signe musical, le sifflement noir qui a cessé juste avant l'aube. Elles sont difformes et solides. Leur vie ne vaut pas grand-chose, mais elles ne connaissent pas la mort.
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Celui qui reste vivre et passe sa vie dans son pays natal et dans les conditions qui y règnent, voit se déposer sur cette existence une pellicule protectrice particulière, qui la revêt, la recouvre des dépôts et de la couleur du temps dans lequel il vit, avec ceux auxquels il est lié par le sang. Et le départ dans un autre pays, où les conditions sont différentes, nous met à nu, nous renvoie aux doutes de la jeunesse, à l'époque des premières expériences : il ne nous rajeunit pas réellement, il prolonge et enrichit notre vie : il augmente notre mobilité de corps et d'esprit et use plus vite nos forces.
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Ainsi villes, rues et maisons, ou seulement des parties de rues et de maison jaillissent dans mon esprit [ ] Elles me dissimulent le monde, de sorte que brusquement je ne vois rien de ce qui est là autour de moi, vivant et réel, mais seulement ce qui a surgi en moi et refuse de s'écarter de mon chemin et de mon horizon.
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Non seulement les gens m'agressent de leurs cris, de leurs rires indiscrets, paradent et laissent piétiner leurs chevaux sous mes fenêtres, non seulement ils se servent du poids moral de leurs patronymes historiques et de leur notoriété – ils n'appartiennent pas à la même époque ni par leur destin ni par leurs origines. Ils sont de partout et de toutes les sortes. Ils n'ont en commun que le seul fait de se réunir –, mais parfois, autour de cette maison de Sarajevo qui est la mienne, ils laissent aussi des traces invisibles mais bien réelles, suffisamment vivantes pour perturber une matinée destinée à d'autres occupations, tentant par tous les moyens d'occuper mes pensées et d'attiser mon imagination.
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Cette frontière bien définie qui, selon l'opinion générale, dans l'esprit et la conversation des autres humains, distinguait le mensonge de la vérité, palissait et disparaissait. Une pitié douloureuse à l'égard de ce qu'on appelle la vérité toute nue l'envahissait constamment, et il ne pouvait jamais passer à coté sans ressentir le besoin de l'habiller, l'enjoliver et l'embellir. C'était irrésistible. Pour rien au monde il ne l'aurait laissée telle qu'elle est. Et c'est ainsi que, même pour plaisanter, il était incapable de dire une vérité complète et nue. Elle lui paraissait de plus en plus grossière, misérable – incroyable. Elle lui était si intolérable qu'il n'avait ni la force ni le courage de l'énoncer. Il n'était plus capable que de semi-vérités dont chacune portait en elle dès l’origine une tendance au mensonge total.
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[Quand le spectacle est terminé et que l'enfant doit quitter le cirque] Ces choses-là ont donc une fin ! Mais alors c'était comme si elles n'existaient pas ! Le jeu et la beauté peuvent-ils mentir, tout cela n'était-il qu'apparences étincelantes, inconstantes et fugitives, qui nous fascinent aisément et s'emparent de nous, pour ensuite nous abandonner aussi vite et de façon aussi inattendue ? Pourquoi nous ont-ils imposé ce jeu quand ils savent qu'il ne durera pas et ne peut durer ? A quoi bon si c'est pour ne pas durer ?
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