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Critique de krzysvanco


Merci pour l'envoi de ce livre à Masse Critique et aux Éditions Noir sur Blanc (maison d'édition que j'apprécie depuis longtemps car elle m'a permis de découvrir de nombreux auteurs de l'Est).

« Bella gerant alii, tu Felix Austria nube » (que les autres fassent la guerre, toi, heureuse Autriche, marie-toi) telle était une des devises de l'empire Austro-Hongrois.

L'action se déroule aux environs de 1900 sous le règne de l'empereur Francois-Ferdinand de Habsbourg, dans la ville de Stanislaviv, de nos jours Ivano-Frankivsk en Ukraine, une des capitales culturelles de la province de Galicie.
La ville est très cosmopolite et multi-culturelle (Allemands, Polonais, Ukrainiens), avec plusieurs religions : (gréco-catholique, évangélique, juive), et langues (ukrainien, polonais, allemand et yiddish).
Tout le roman est conjugué à la première personne, la voix de Stéfania Tchornenko, jeune ukrainienne d'une trentaine d'années, domestique et cuisinière remarquable, comparée au pâtissier viennois Sacher. Elle est au service d'une famille de moyenne bougeoisie, chez Adèle, de mère polonaise et père allemand, et Petro, sculpteur ukrainien. Stefa et Adèle se connaissent depuis l'enfance, elles ont été élevées ensemble après que le père d'Adele eut recueilli Stefania après un incendie qui a ravagé tout un quartier de la ville causant la mort des parents de Stefa ainsi que de sa femme, Adèle est donc à moitié orpheline également.
Les relations entre Steftsia et Adèle sont fusionnelles, très intriquées
« Nous avons grandi ensemble avec Adèle. Nous avons toujours été ensemble, sans jamais nous séparer. Nous sommes même parties ensemble pour leur voyage de noces, à Cracovie, Budapest et Vienne. Cela n'avait pas plu à Petro »
et compliquées
« Tout est trop compliqué. Je ne sais pas qui tu es : une soeur ? Une servante ? Une maman ? Ma surveillante ? »
Adèle peut être blessante, tyrannique et capricieuse.
Malgré cela Stefania reste fidèle, s'applique consciencieusement à son travail et ne peut se résoudre à la quitter.
D'autres personnages sont importants :
Félix, un petit garçon contorsionniste accueilli par Adèle. C'est un enfant étrange : il ne parle pas, ne pleure jamais, n'est pas effrayé, ne veut pas porter des habits de garçon mais sait écrire et dessiner et a la passion des cachettes.
NB: la traduction allemande de ce livre lui donne la part belle avec le titre « Der Papierjunge ».
Citons encore Le Père Joseph, prêtre greco-catholique et son épouse Ivanka, le chevalier Ernest Thorn, magicien ayant vraiment existé, le juif Velvèle, le seul à pressentir la fin de ce monde.

On devine sans peine que tout finira mal...
J'ai aimé la description minutieuse de la ville de Stanislaviv, minutieuse car lorsque nous la parcourons par la lecture, tout nous est détaillé, le nom des rues, le nom et la profession des gens habitant à tel numéro de celles-ci, le nom des magasins...
.
J'ai aimé la grande richesse de l'analyse psychologique des personnages.
Ce roman se caractérise en effet par sa description analytique poussée de la psychologie, de la ville, de ses habitants, des listes d'ingrédients nécessaire à Stefania, de la vie journalière des protagonistes. Toutes les descriptions sont poussées.
Ces analyses sont comparables aux dessins du petit Félix
« Il aime dessiner. Il dessine surtout des graines de plantes agrandies en coupe transversale, des nids de guêpe, des pommes de pin. Il a esquissé le schéma d'un moulin à café, d'un soufflet pour le poêle, d'une lampe à pétrole,.... »

J'ai aimé ce portrait d'une ville cosmopolite, tolérante, d'une société multiculturelle, de cet ordre qui se croit éternel, de ce contexte historico-politique, de ce coin d'Europe à la charnière de la modernité, de cette Autriche heureuse où les gens vivent, aiment, trahissent, souffrent, admirent la science et les illusionnistes, de ce temps heureux, de cette vie qui n'existe plus et qui n'était qu'illusoire, portrait donné sans nostalgie toutefois.
Comme la relation Stefania - Adèle, ce monde contient les ferments de son explosion.

Nous trouvons de nombreux passages écrits en langues étrangères, des chansons polonaises, de l'allemand, des phrases en latin.
Historiquement très intéressant, ce roman comporte aussi du suspense, des passages grotesques ou ironiques, de l'aventure.
Et malgré ces descriptions si analytiques qui eussent pu me rebuter, j'ai lu ce livre avec réel plaisir.


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