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Critique de Ecarlate


Marc Angenot est professeur à l'Université McGill de Montréal, où il occupe la chaire d'étude du discours social. Cet ouvrage est une compilation d'articles écrit entre 1978 et 2010.

Dans « ceci tuera cela, ou : La chose imprimée contre le livre », il traite de la menace théorique qui pèse sur le livre face, au 19e siècle, à l'incroyable développement de la presse, de l'imprimé périodique, et la masse de littérature qu'il diffuse avec son feuilleton-roman.

Avec « La littérature populaire au dix-neuvième siècle », l'auteur traite de la littérature de colportage, dont le fonds médiéval va disparaître au fur et à mesure, et de la lourde censure entre 1852-1870 (Second Empire) sur la littérature de colportage, pour veiller à la moralité des campagnards, il traite aussi des canards (feuille vendue à la criée et comportant généralement une gravure sur bois) et complaintes (souvent des complaintes criminelles, vendues en feuilles volantes).
Il détaille traite le roman sentimental (apparu après 1750, connaît son apogée ne 1800-1820), littérature de femmes écrivains (souvent issues de la petite noblesse) pour les femmes. Notons que le roman est considéré comme une littérature pour dames depuis la fin du 18e.
L'auteur traite aussi des genres issus de la Révolution, le roman noir (Gothic romance ou Gothic novel, apparu en Angleterre au milieu 18e) et le mélodrame (adaptation scénique du roman noir).
Avec la Restauration, s'instaure une hégémonie des genres gothiques dans la paralittérature. Le Vicomte d'Arlincourt (1788-1856) connaîtra un succès européen avec le Solitaire (1821), traitant de Charles le téméraire (15e).
Après 1830 le journal et le feuilleton-roman triomphe. Notons qu'en 1830, la censure est abolie, le journal d'opinion, surveillé, se transforme en une « affaire » anonyme cotée en bourse : l'argent doit rentrer, la publicité se développe. Eugène Sue (1804-1857) va dominer avec Les Mystères de Paris (1842-1843). le héros prométhéen des châteaux gothiques est transposé dans le chaos de la ville. Justice sociale et souffrance du peuple sont au coeur du thème. le roman feuilleton est alors présenté comme nuisible à la société, aux bonnes moeurs. Rappelons qu'Eugène Sue sera député de la gauche en 1850. Alexandre Dumas et Paul Féval vont marcher dans les traces de Sue.
Le Second Empire, avec la loi Riancey, infligeant un timbre payant aux feuilletons, les coulent temporairement. du coup, c'est Pierre Alexis, vicomte De Ponson du Terrail qui va tirer son épingle du jeu. Il écrit délibérément un « sous-produit » pour le « petit peuple » ; Sur la fin, un Emile Gaboriau (1835-1873) relève le niveau avec ses premiers romans policiers.
Sous la Troisième République, les tirages des grands quotidiens dépassent les million d'exemplaires, notamment grâce au linotype (1885). le succès le plus retentissant sera Fantômas de Marcel Allain et Pierre Souvestre, sans négliger Gaston Leroux (Rouletabille) et Maurice Leblanc (Arsène Lupin). Notons le développement d'une thématique revancharde (Asace-Lorraine). On l'aura compris, c'était l'article phare du recueil.

Marc Angenot étoffe la période avec « le livre, le journal et l'outrage aux moeurs sous le Troisième République ». Il traite ce qui ressort de la diffamation, des moeurs, de la pornographie et de la subjectivité en la matière. Gil-Blas (1879-1938) et le Courrier français (1884-1912) seront régulièrement inquiétés. Même le café concert doit se méfier, et quant à l'initiation sexuelle, elle est abandonnée à de petits éditeurs peu soucieux de modernité, et l'on fait la guerre à l'onanisme. Sans parler du poids de l'Eglise.

Dans « Des romans pour les femmes », Marc Angenot traite du « secteur discursif féminin », à la fin du 19e, un secteur en développement grâce aux progrès de l'instruction. le discours a vite un ton imposé, l'auteur doit traiter la lectrice en confidente, et le discours de la revue de mode est vite tyrannique. Marc Angenot étudie notamment le boulangisme vu par les femmes, tel qu'on l'estime à l'époque. Et ne parlons pas de la détraquée… Pour schématiser, la littérature à destination des femmes est très moralisatrice.

Changeons de sujet avec le très rafraîchissant « La poésie socialiste au temps de la 2e Internationale ». L'auteur, et pour cause, déplore le peu d'études sur le sujet. Mais il rappelle qu'en ces temps, on chante et déclame partout et tout le temps, et le souvenir de la Commune (1871) est vivace. Mais bon, je m'étale.

Dans les deux derniers articles « le paradigme absent : éléments d'une sémiotique de la science-fiction », Marc Angenot traite d'abord des particularités du roman de Science-Fiction, avec sa vision d'un monde (paradigme) qui n'existe pas, et dans « la science-fiction : genre, public-cible » il pose les différents éléments qui maintiennent la S-F dans la marge dont l'essentiel est son rejet par la littérature canonique dominante, qui, au mieux, dissout la S-F dans la « bonne littérature » : si le livre est bon, ipso facto, ce n'est pas de la S-F.
Jules Verne, toujours présenté comme père français de la S-F alors qu'il n'en fait pas (il accélère juste un élément technique de son époque et développe les vertus du capitalisme libéral à travers le monde), est relégué en littérature jeunesse, même à son époque. Quand Anatole France veut dénigrer La Bête humaine de Zola, il dit que « C'est de l'excellent Jules Verne. » Tout est dit.

Ce recueil, si vous vous intéressez à toutes ces littératures que la Littérature rejette ou tolère, est très instructif, rien que pour son introduction sur ces « dehors ».
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