Jusqu’à présent, dans son esprit, la société humaine se divisait en deux catégories : les riches et les pauvres. C’est-à-dire, les gens aux mains blanches, qui ne travaillaient point, ou tout au plus n’avaient pour outils qu’un porte-plume, une machine à écrire, un téléphone ; et les autres, ceux qui devaient suer au soleil, suer à la pluie, suer au froid : les crache-partout. Or, maintenant, il savait qu’une autre différence séparait ces deux groupes : les premiers étaient bons ; ils envoyaient des ballots de hardes dans les maisons remplies d’une misère nauséabonde, qu’on visitait en se bouchant le nez ; les seconds payaient cette générosité d’ingratitude ; ils étaient méchants. Tout cela, d’ailleurs, paraissait parfaitement logique. La possession des richesses remplit naturellement le cœur de satiété d’abord, du désir ensuite de répandre les bienfaits, de soulager quelques non-possédants – car on ne peut évidemment songer à les atteindre tous.
Et il lui semblait assister non point à l’agonie d’un animalcule, mais à la fin de tout un monde. Car il n’y a guère de différence entre une petite vie et une grande. La différence, c’est entre ce qui est vie et ce qui ne l’est pas. Supprimer la vie lui paraissait aussi exorbitant que de pouvoir la créer. Sa toute-puissance l’effrayait.
Je suis au cinéma ou au théâtre. Ou bien encore je fais un cauchemar. C’est des choses, cela, qui arrivent peut-être aux autres, mais qui ne peuvent arriver à moi ! Non, je ne suis rien qu’un spectateur. Elles arrivent à des gens qui les ont méritées.
La fortune rend compatissants ceux qu’elle comble. Il ne pouvait en être autrement. Au contraire, la pauvreté inspire l’envie et la haine, le désir de ravir aux riches les biens dont la Providence les a pourvus.
Il ne supposait pas même que les grandes personnes pussent pleurer, s’imaginant que cette fonction était réservée à l’enfance, comme les genoux couronnés, les végétations, la coqueluche.
A l'occasion du centenaire de l'écrivain auvergnat Jean Anglade, les éditions Presses de la Cité proposent un cycle de lectures dans la régions. Elles ont confié à "Acteurs, Pupitres et Compagnie" la mise en place de ces lectures et la sélection des extraits de textes parmi les plus remarquables de Jean Anglade.
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Sa première ?période bleue? de romancier social des années 50 à 70, sera particulièrement mise en lumière avec ses oeuvres plus littéraires (Des chiens vivants) puis ses textes populaires dans sa veine auvergnate à partir de 1969 (La pomme oubliée). Ces lectures donneront à découvrir ou redécouvrir un grand auteur qui a su fédérer un public nombreux, fidèle, transgénérationnel. Il est un homme aux valeurs humanistes et son oeuvre considérable aborde des genres et des sujets très différents: romancier, essayiste, traducteur (de Boccace et de Machiavel), biographe, mais surtout intarissable conteur, Jean Anglade est l?auteur d?une centaine d?ouvrages.
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