Et bé. Quelle lecture... pour une première rencontre avec l'univers Angot, quelle entrée en matière...
Choquant? Evidemment.
Perturbant? Certainement.
Bouleversant? Sans aucun doute.
Angot a choisi de dénoncer
l'inceste sans détour, ne pas adoucir, ne pas prendre de gants. Sinistre. Glauque. Mais nécessaire.
Et le monde des lecteurs est parfois étrange. Décrire les sévices inhumains commis par les nazis, ça passe et c'est normal : devoir de mémoire. Décrire les pulsions meurtrières des serial killer, ça passe et c'est normal : devoir de compréhension de la nature humaine. Décrire des scènes de violence, d'agressions, de crimes, de détresse, ça passe et c'est normal : sacrément vendeur le sang et la misère humaine.
Décrire la perversité d'un père incestueux et les sévices subis par sa fille, ça passe aussi. A condition de ne pas trop en dire et qu'on pleure à la fin. Ba oui, sinon c'est dégueu les amis. Tout ce sexe déballé, ça reste à la maison. Ça se dit pas dans les livres. Parce qu'alors on crie au scandale et à la pornographie.
L'inceste et le sexe seraient-ils plus tabous que le meurtre et l'hémoglobine en littérature? A n'en pas douter.
Ceci dit je dois l'avouer, cette lecture fut tout de même inattendue et compliquée dès les premières pages. Tout ce déballage et ce discours mielleux de perversité de l'autre tordu à la tronche, je ne m'y attendais pas. Pris de plein fouet. Avec cette question qui revenait régulièrement : irai-je au bout? Car les scènes indécentes de ce père répugnant et de cette ado docile par résignation sont éprouvantes, à vomir, écoeurantes.
D'où ce premier instinct qui résonnait en boucle : quel intérêt ce bouquin? Je ne me sentais pas à ma place. Pas envie d'être dans le voyeurisme, pas envie de me positionner en tant que complice, à en être malade d'assister à ces scènes impudiques, nauséeuses.
Puis après réflexion, tout s'éclaire. Car quel courage de
Christine Angot pour oser narrer de telles scènes, douloureuses mais criantes de vérité. Oser se mettre à nu et en dire si peu en même temps. Tout est dans le non-dit, le silence. Subir et se taire.
Et plus que complice de cette ordure, je suis devenue victime aussi. Impuissante, vaincue, prise au piège et finalement résignée jusqu'à la dernière page. Pas d'autre choix que d'aller au bout et partager le même sort, soumise à l'écriture de
Christine Angot, à son désir de raconter. Impossible de l'abandonner, de fermer le livre comme on fermerait les yeux.
Alors oui ce récit est choquant, dur, cruel, cru, répugnant, révoltant. Mais
l'inceste n'est-il pas un peu tout ça réuni?
C'est aussi ça la littérature, montrer la realité telle qu'elle est.
Pour autant, livre à ne pas mettre entre toutes les mains.