e n’arrivais pas à empêcher ma petite amie de mourir. Je retrouvais sa tombe au même endroit, dans son jardin, devant sa maison. Je ne comprenais pas, je ne comprends toujours pas pourquoi elle mourait ; elle était si jeune, encore adolescente, comme moi. Ça ne pouvait pas être un incendie. Sans doute mourait-elle de faim, je ne vois pas d’autres explications. Je n’ai pas vérifié s’il y avait à manger dans le frigo de ses parents. De toutes façons, je n’y peux rien, au contenu de son frigo.
Mais c’était agaçant, à la fin.
Alors ce que j’ai fait, je l’ai invitée chez moi avant sa mort. Et elle n’est pas morte.
Interlude urbain
Voilà : de ce côté-ci, j’ai massacré tout le monde. Les rues sont jonchées de cadavres, l’intérieur des maisons aussi. Je peux me promener tranquillement (mais je m’ennuie un peu).
Et eux, de l’autre côté de cette mince porte à claire-voie dont je n’ai pas la clef, ils continuent à faire les badauds, comme si de rien n’était, levant à peine vers moi, au passage, un regard indifférent.
Qui que je sois, mon histoire commencera toujours de la même manière : il me faudra d’abord faire ceci, puis cela, puis autre chose et autre chose encore ; mais toujours les mêmes choses, invariablement les mêmes, et toujours dans le même ordre.
J’ai dû tout recommencer parce que les jumeaux étaient entrés dans l’adolescence. L’enfance, ça passe vraiment trop vite. Alors je me suis refait une nouvelle famille.
SOIRÉE DE LANCEMENT DE LA REVUE CATASTROPHES #3
Avec Philippe Annocque, Guillaume Condello, Frédéric Forte, Julia Lepère, Cécile Riou & Pierre Vinclair
Catastrophes est une revue d'écritures sérielles, animée par Laurent Albarracin, Guillaume Condello et Pierre Vinclair. Bimestrielle en ligne (30 numéros sont parus), elle paraît tous les 18 mois en format papier, sous la forme d'une anthologie comprenant certaines des propositions poétiques les plus stimulantes de l'époque. Les quatre ensembles qui composent Catastrophes 3, « Dit impossible », « Rites rêvés », « Traduit en langue fauve » et « Mondes suspendus », présentent tous une dimension des rapports du poème, dans son essentielle étrangeté, à un monde qui ne fut pas toujours là et qui disparaîtra peut-être : assumer l'impossible, rêver d'une parole rituelle, articuler dans la langue commune une parole fauve, penser dans le vertige de la disparition, sont autant de promesses, fragiles, de faire de l'écriture le lieu d'une création radicale, à même d'exorciser la fatalité du néant.
À lire – Revue Catastrophes 3, coll. « S!NG », éd. le corridor bleu, 2021.
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