Quand je vois le nom de Tristan s'inscrire -et en lettres d'or qui plus est- en couverture d'un bel ouvrage, mon coeur palpite un peu comme quand le prénom d'Arthur s'affiche et je suis la première à attendre beaucoup du livre qui me fait ainsi défaillir.
C'est ainsi que j'ai osé rêver de ce "Tristan" si joliment édité que m'ont envoyé (et grâce leur en soit rendue!) les éditions Anacharsis par l'entremise de Babelio que je remercie aussi!
Je me suis donc plongée avec délice dans cette toute nouvelle édition et surtout traduction du "Tristan" en prose dont un seul manuscrit semblerait avoir été conservé à Vienne, manuscrit dont il résulta des traductions aujourd'hui datées... Je c
rois me souvenir avoir étudié à la fac l'une d'elle datant de 1890 ou quelque chose d'approchant... Et cela ne m'avait pas marqué outre mesure. de fait, en ce qui concerne Tristan et sa belle Iseult, je connais bien davantage les écrits de Thomas d'Angleterre et de
Béroul. Surtout de
Béroul à vrai dire. J'étais néanmoins plus que ravie de retrouver un sujet et une matière qui m'est chère dans une version méconnue et, je me répète, servie dans un si bel écrin.
Pour commencer, je tiens à saluer le travail d'
Isabelle Degage qui a entrepris de traduire un tel monument et qui est parvenue à un résultat qui combine une certaine fluidité aux élégances de certaines tournures de phrases, de certains termes propres à l'imaginaire et à la littérature médiévale. Il en ressort une syntaxe très belle, très pure, agréable et douce à lire mais qui porte en elle les colorations de la langue ancienne, sa force, son identité. le défi n'était sans doute pas facile à relever et le pari est pourtant tenu, nous donnant à voir et à apprécier combien une histoire aussi ancienne soit-elle peut rester belle, lisible, éternelle. La belle préface de
Mika Biermann qui abonde en ce sens d'ailleurs est en outre un texte très beau, très clairvoyant qui ouvre intelligemment et avec autant de poésie que de légèreté ce premier tome des aventures du prince des Cornouailles.
Le texte en lui-même s'inspire beaucoup en ses débuts des récits antérieurs de la légende et on y retrouve les motifs filés avec succès par
Béroul ou
Thomas d'Angleterre: la naissance tragique, le
roi Marc, Morholt, l'amour fou et violent partagé avec Iseult (mon histoire d'amour littéraire préférée!). Néanmoins certaines choses changent, des choses qui m'ont surprise, moi et mon imaginaire pétri de
Béroul: ainsi les originaires de Tristan ne sont plus tout à fait les mêmes... Et puis, il y a cette atmosphère qui sonne un peu différemment...Sans que je parvienne à savoir si c'est le passage des vers à la prose qui le provoque ou autre chose... comme si cette version était un peu plus réelle, concrète que l'autre. Plus réaliste peut-être... C'est peut-être la forme, le choix des mots... Je ne parviens pas à mettre le doigts dessus... mais c'est un ressenti brute de lecture que je livre là, chaud comme un petit pain.
Il y a ces changements, plutôt subtils donc, et il y a ce qui change résolument dans cette version: c'est cette volonté claire, nette et affichée de raccrocher Tristan à la matière Arthurienne en lui faisant rejoindre la Table Ronde, en en faisant un compagnon du Graal et cela commence dès le début de l'ouvrage avec le personnage de Joseph d'Arimathie.
Et bon sang, ce que j'ai aimé ça! Ce que j'ai aimé voir deux de mes légendes favorites au monde se rencontrer, se lier au coeur d'un imaginaire mêlant les légendes celtiques aux codes de la littérature médiévale, magie et réalisme, poésie et prose d'une certaine manière, reste de mythologie et culture chrétienne...
Ainsi Tristan, non content de faire brûler d'amour Iseult pour qui fond son coeur, non content de blesser involontairement mais mortellement le
roi Marc, c
roise aussi tous les autres: Lancelot (que je n'aime toujours pas beaucoup), Guenièvre (bien pâle ici), Arthur... Et ça, ça c'est un pur délice pour peu que le lecteur soit déjà conquis par la matière bretonne. Pour celui qui voudrait apprendre à la mieux connaître, "Tristan" n'est peut-être pas le plus simple, le plus accessible pour s'initier en revanche...
Mais quel plaisir! Quelle merveille bon sang!
Vivement la suite! Et en attendant, je me prends à rêver: si Tristan était plus souvent, plus naturellement placé autour de la Table Ronde que ne le fait la tradition, qu'aurait donné son alter ego dans Kaamelott?