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Critique de Melpomene125


Et si vos parents n'étaient pas ce qu'ils prétendaient être ?

Telle est la douloureuse et bouleversante question à laquelle Alexandre Guerbain se trouve confronté à la mort de Bertrand et Alice. Au moment de régler la succession, une lettre énigmatique, signée K.V, semble remettre en cause l'intégrité de ses parents. Qui se cache derrière ces mystérieuses initiales ? Dans la demeure familiale, Alexandre et Laure, son épouse, découvrent une photo et un courrier d'une certaine Natalya qui vivrait en Russie. Pourtant Alice, qui était agrégée de Lettres, et Bertrand, qui possédait plusieurs librairies, ne sont jamais allés là-bas. Alexandre décide d'enquêter pour démêler le vrai du faux et savoir qui étaient vraiment ses parents. Sa quête le mènera jusqu'à Saint-Pétersbourg, qui s'appelait Leningrad du temps de l'URSS.

J'ai aimé ce voyage captivant, au coeur de la Russie des années soixante-dix à nos jours. Ce roman est à la fois plaisant et instructif puisqu'il évoque les conditions de vie des habitants de Leningrad en Union soviétique, à travers le personnage de Natalya, qui fut et est restée une communiste convaincue. Elle est représentative des Russes qui ont mal vécu l'ouverture au libéralisme, au capitalisme sans régulation, avec l'arrivée des mafias qui interprètent à leur manière criminelle la liberté d'entreprise et la liberté individuelle. Elle est une nostalgique de l'ancien système, malgré le totalitarisme qui le caractérisait, qu'elle a subi et qui a anéanti les idéaux égalitaires et de justice sociale dans la barbarie du Goulag, de la police politique, de l'espionnage généralisé, de la délation pour se protéger des « ennemis de l'intérieur » et « de l'extérieur ».

Peu d'auteurs osent aborder le thème de l'existence dans les pays de l'ancien bloc de l'Est qu'on appelait curieusement « démocraties populaires » alors que c'étaient plutôt des dictatures. Peut-être est-ce un sujet trop récent, qui suscite parfois des réactions virulentes. Je m'intéresse à l'Histoire du XXe siècle, les totalitarismes nazi et soviétique, le mur de Berlin, les auteurs russes, dont Dostoïevski et Vassili Grossman. J'ai eu l'occasion de lire Vie et Destin de ce dernier, qui décrit l'enfer vécu par les Russes sous Staline, derrière « le rideau de fer » : la privation de liberté, le soupçon permanent, la peur de déplaire, d'être arrêté et emprisonné. J'ai retrouvé cette atmosphère effrayante dans certains passages de la Couleur du testament.

Ce roman se lit facilement et mon seul regret est de l'avoir si vite terminé. Il m'a permis d'en apprendre davantage sur une période de l'Union soviétique que je connaissais peu, celle de Brejnev, qui a succédé à Khrouchtchev, l'auteur de la « déstalinisation », et a maintenu une certaine forme de « stagnation » politique, problématique pour les libertés individuelles.

J'ai apprécié les citations de la fin, en référence à Soljenitsyne, qui inscrivent le livre dans une tradition littéraire et un hommage à la culture russe. J'ai des affinités avec cette manière d'écrire qui mêle histoire, thriller et réflexion sur des thèmes qui peuvent être considérés comme polémiques, sources de débats. La Couleur du testament m'a fait réfléchir aux différents modèles de civilisations, leurs réussites, leurs échecs, l'écart entre l'idéal et la réalité et cela m'a fait penser à notre époque. Quel modèle de civilisation souhaitons-nous ? Vaste question intemporelle.
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