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sur 768 notes
Si pour des raisons obscures, vous décidez d'ouvrir ce roman, soyez certains que vous n'en sortirez pas indemnes...

Amélie Antoine signe son sixième roman, un roman bouleversant, dérangeant et à vif. Ce roman est un brasier qui s'enflamme crescendo, vous voilà prévenus...

D'un côté, la famille Mariani, à la tête de cette famille de deux enfants, on retrouve Claire et Frédéric. Claire est confinée chez elle ou elle s'essaie à la couture tandis que son mari peine à trouver un sens à sa vie enlisé dans un travail en tant que directeur d'entreprise qui ne l'épanouit pas. Il frôle les murs tel un fantôme afin que personne dans ses collègue ne s'aperçoive de l'ennui qui le submerge. Il est proche du bore-out. Leurs enfants, Sarah et Clément. Sarah a 14 ans et se retrouve coincée dans des soucis de diabète. Complexée par son cathéter et ses injections, elle vit très mal ce souci de santé.

De l'autre côté, il y a la famille Kessler et à son bord, Laeticia et Yanis les parents, Marjorie, Orlane et Ezio les enfants. Laeticia est infirmière indépendante, Yanis responsable des transports en commun. La famille déménage dans le même quartier que la famille Mariani.

Tout ce petit monde aurait pu trouver son bonheur si pour des raisons obscures, l'un ou l'autre n'avait pas décidé de bifurquer sur une route dangereuse.
La première partie de ce brûlant roman s'attarde sur la psychologie des parents, tous enfoncés dans des non-dits, des choix indélicats, des mensonges. le silence et le manque de communication se montrent palpables dans cette première partie. On ressent tout le travail d'Amélie Antoine à donner corps à ces deux familles, on s'exaspère de leurs faiblesses, on les comprend, on les juge un peu aussi mais on les touche parce qu'ils nous touchent chacun à leurs façons. Ils pourraient être vous ou moi.

La seconde partie est d'une abomination qui me laisse bouche bée, consacrée au harcèlement scolaire. C'est insoutenable, écoeurant, parfaitement maîtrisé ici encore de la part de l'auteure. J'en reste sans voix tant ce roman m'a fait monter les larmes, serré le coeur aussi. Car ce n'est pas juste un roman, c'est l'histoire de bon nombre d'enfants piétinés car dans les griffes d'un tortionnaire en mal de reconnaissance, tiraillé par le besoin d'être le centre de l'attention.

Un roman qui m'a glacé le sang et qui trouve une parfaite maîtrise suite aux souffrances de l'auteure qui se dévoile à la fin de ce roman.

Le bonheur, la haine, la vie, la mort, tout cela tient finalement à peu de choses... « pour des raisons obscures restant à déterminer ».

Merci à NetGalley et aux éditions Xo pour la lecture de ce roman magistral. Merci à Amélie Antoine d'avoir si bien cerné la nature humaine et de nous proposer un roman à ne pas rater!
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📖 « Ils avaient tout pour être heureux. »

C'est encore perturbée et même chamboulée - par ce qui fut pourtant une lecture salvatrice {spéciale dédicace à Antyryia ; merci à toi} - que je couche sur papier mes premières pensées sur Raisons obscures, le dernier roman d'Amélie Antoine, et mon premier de cette auteure plus que prometteuse.
Les émotions me nouent la gorge et j'ai l'impression d'avoir le coeur à vif...

📖 « le temps passe si vite. Et ne se rattrape pas. »

Si j'ai assez rapidement dévoré ce livre, il me faudra par contre beaucoup plus de temps avant de m'en dépêtrer totalement tant il m'a marqué de manière indélébile ; au fer rouge, littéralement - cette sale histoire colle à la peau, s'insinue et s'incruste jusqu'aux moindres recoins de l'esprit, empoisonne l'âme viscéralement et la déchire en petits morceaux pour les piétiner de plus belle ensuite...
J'aurais presque envie d'appeler ça un « feel bad »... parce que, honnêtement, il est juste impossible, impensable, d'en sortir le coeur léger ou un sourire dessiné sur les lèvres. Et en même temps, c'est absolument une oeuvre ( /une auteure, en l'occurrence) à ne pas rater ! Courez vous le procurer si ce n'est pas déjà fait... vous n'en sortirez pas indemne, c'est certain, mais vous ne le regretterez pas non plus :)


📖 « La peur doit être un moteur, pas un frein. »

Bouleversant, poignant, tragique.

Rarement récit fut si prégnant et si douloureusement magnétisant à la fois ; ils ne sont pas si nombreux à pouvoir décortiquer le riche panel des sentiments avec autant de réalisme et d'objectivité, sans glisser sur la pente forcément dangereuse des clichés.
Les protagonistes de cette terrible fiction sont bien plus que crédibles : ils sont simplement réels, tant dans leurs propos que dans leurs réactions - ç'en serait presque drôle...


📖 « Parce que c'était elle, parce que c'était moi. »

[Deux familles où, en apparence, tout va bien.
Jusqu'à ce que tout déraille...
Pour des raisons obscures.]

📖 « Et j'ai songé que cette nuit, mon pire ennemi, ça avait sans doute été moi-même. »


Raisons obscures se présente en deux tons ; deux familles, les Kessler et les Mariani ; les parents d'un côté - occupant la première partie du roman - et les enfants de l'autre - donnant leurs voix à la seconde.
Je voudrais vraiment pouvoir en dire plus, infiniment plus, mais c'est juste inimaginable sans risquer de dévoiler les tenants et aboutissants, qui sauront sans aucun doute vous laisser éprouvés, amers et pantelants devant le pathétisme de tant d'ironie... (aux sens premiers des termes).
Et de toute façon, sincèrement, je serai bien en peine de poser davantage de mots sur mon ressenti propre.

📖 « La pitié, c'est la cerise sur le gâteau de la cruauté. »

Finalement, je ne peux que confirmer ce qui a déjà été dit.
Pour peu que vous ayez, comme moi, vécu l'une ou l'autre situation dans une autre vie, pour des raisons obscures ou non, vous ne pourrez qu'être touché en plein coeur par les écrits ravageurs d'Amélie Antoine.


📖 « Pour qu'ils comprennent.
Pour faire table rase.
Pour qu'enfin tout s'arrête.
(...)
Pour des raisons obscures restant à déterminer. »

***

Retrouvez Amélie Antoine ici :
www.amelie-antoine.com
Ou sur sa page Facebook :
https://www.facebook.com/AmelieAtn
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La situation initiale est banale. Deux familles, les parents quadra , trois enfants, avec les problèmes du quotidien, boulot, fatigue, ados, usure du couple, la routine en quelque sorte. Et toute la première partie du roman est construite dans ce décor ordinaire, tandis que surgissent pour chaque couple quelques événements un peu plus dramatiques : adultère, voisin bruyant, rien non plus qui puisse faire la une d'un journal même local. Mais si cette réalité dépeinte avec un souci du détail était l'arbre qui cache la forêt? Si derrière ce tableau familier se tramait un drame redoutable?

C'est la deuxième partie qui le dira. Ecrite sur un ton très différent, laissant parole aux enfants et surtout deux d'entre eux, on découvre ce qui couvait sous la cendre, et même si encore un fois et malheureusement il n'y a rien d'original, on est secoué par ce qui se dessine, et sans espoir, puisque le dernier chapitre de la première partie laisse deviner l'issue.


Tout l'intérêt du roman réside dans l'approche intime des processus psychologiques qui sont en cause dans le harcèlement, que ce soit chez le victime ou chez le bourreau. On comprend très bien toute la souffrance et les mécanismes de défense à l'origine de la relation mortifère, sans pour autant avoir envie de l'excuser, et la descente aux enfers de la victime, avec la dépréciation de soi, la culpabilité, et la volonté de protéger son propre entourage.

On ne peut s'empêcher d'en vouloir un peu aux parents, pris dans leurs propres difficultés, alors que certains détails auraient dû attirer leur attention. le phénomène est hélas suffisamment fréquent pour que l'on soit vigilant.


Les deux parties sont donc très inégales, la première étant une mise en place du décor. elle prend cependant toute sa valeur lors du récit des deux ados, en révélant ce que l'on devait repérer derrière les faits insignifiants

Un bon état des lieux et une analyse pointue du harcèlement.

#RaisonsObscures #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Raisons obscures… Les raisons obscures qui nous poussent à faire du mal à autrui, sans même parfois nous en rendre compte… d'une façon presque banale… Serait-ce la banalité du mal dont parlait Hannah Arendt ? Peut-être.

Raisons obscures est un roman poignant qui nous interpelle sur un sujet douloureux, à la fois intemporel et d'actualité.

Deux familles : les Kessler et les Mariani, deux adolescentes : Orlane et Sarah. Des histoires en apparence ordinaires mais derrière lesquelles se cachent de la souffrance, de la douleur et de nombreux non-dits. Mais comment parler de choses qui sont si intimes ?... le souhaite-t-on seulement ?...

A-t-on envie d'évoquer la douleur de ne plus être aimé, la douleur de ne pas être aimé, d'être exclu, de ne plus trouver un sens à sa vie ?...

A-t-on envie d'évoquer la colère, la rage secrète et sournoise, des sentiments glauques, pervers, mesquins qui poussent à chercher une tête de turc, un bouc émissaire qui sert à la fois d'exutoire et de moyens de masquer ses propres faiblesses, son propre manque de confiance en soi ?

A-t-on envie d'évoquer la peur d'être exclu du groupe, de devenir le bouc émissaire ou de le redevenir ?

A-t-on envie d'évoquer la honte de n'avoir rien fait, d'avoir laissé faire ou d'avoir même participé à la fois par crainte et inconscience voire soulagement de ne pas être le bouc émissaire ?

A-t-on envie d'évoquer la douleur de ne pas être aimé, d'être détesté sans raison autre que la bêtise d'un groupe d'adolescents, la douleur issue de la sensibilité voire de l'hypersensibilité et de la difficulté à vivre dans un monde souvent cruel et sans pitié, ou ressenti comme tel ?

Mais si personne n'a envie d'évoquer ces sujets-là alors comment faire ? L'autrice a eu le courage de les aborder avec une grande finesse psychologique.

Ce roman contemporain m'a émue. Je trouve qu'il est le reflet de notre époque où solitude, indifférence, égoïsme et haine se mêlent parfois dans des dimensions disproportionnées menant au pire, au drame ultime, que personne n'a vu venir mais que le lecteur devine pourtant dès le premier chapitre. C'est une tragédie moderne qui m'a touchée et fait réfléchir.

Elle m'a fait penser au Vilain Petit Canard d'Andersen, dont les contes peuvent être fort utiles pour tenter d'évoquer avec des enfants des sujets douloureux et remettre dans leur coeur de l'espoir, l'espoir que la situation va s'arranger.

« - Je vais aller rejoindre ces grands oiseaux, se dit le caneton. Ils me tueront peut-être pour oser m'approcher d'eux, moi qui suis si vilain. Mais qu'importe, j'aime mieux être tué par eux que de mener la misérable vie que j'ai eue jusqu'à présent.
Et sur ces mots, il s'élança dans l'eau et nagea à la rencontre des grands cygnes.
Ceux-ci l'aperçurent et vinrent à lui, la tête dressée gonflant leurs ailes.
- Tuez-moi ! fit le pauvre canard. Et, se penchant sur l'eau, il attendit la mort.
Mais qu'aperçut-il dans le miroir transparent ? Quel était cet oiseau au plumage immaculé, au cou souple, aux larges ailes ? Quoi, c'était lui ! C'était sa propre image ! Lui-même était un cygne !
Ses compagnons nageaient autour de lui, le caressaient doucement de leur bec, lui répétant qu'il était le plus beau d'eux tous.
Et lui, confus, cachant sa tête sous son aile, heureux d'avoir traversé tant d'ennuis et de misère puisqu'il en appréciait d'autant mieux son bonheur, murmurait en lui-même :
- Qu'importe de naître au milieu de canards, pourvu qu'on sorte d'un oeuf de cygne ! »

Ce petit conte est une aide précieuse pour apprendre la survie en milieu hostile.
Dans un autre registre, moins poétique et plus sarcastique, à prendre bien sûr au deuxième degré, il y a la phrase de Jonathan Swift : « Lorsqu'un génie paraît en ce monde on le reconnaît à ce que tous les imbéciles se liguent contre lui ». Efficace pour rire, dédramatiser les situations, restaurer la confiance en soi et lutter contre le désespoir. Qui a dit que lire ne servait à rien ?...

Je remercie mes amis babélionautes d'avoir attiré mon attention sur ce texte fort et percutant et, en particulier, l'amie qui m'a proposé de le lire et qui se reconnaîtra!

Je vous souhaite à tous une heureuse année 2020, en espérant qu'elle sera placée sous le signe de l'amour, de l'empathie et de l'entraide !
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Alerte ! Alerte !
Bruit de sirène,  gyrophare...
Ne lisez surtout pas la 4ème de couv....
Voilà,  maintenant que l'avertissement est lancé,  passons aux choses sérieuses.
J'ai détesté cette lecture.
Ça commence mal me direz-vous ?
Oui, mais je vous explique. En fait si je l'ai détesté c'est qu'Amélie Antoine a écrit un truc de ouf.
Un roman dont on peut difficilement se relever.
Bon, je vous entends déjà,  mais quelle chochotte ce Patrice.
Bah là, j'avoue, je suis passé par tous les états.
J'ai fini en larmes, l'estomac noué (je me demande d'ailleurs qui va s'occuper de défaire les noeuds maintenant parce que c'est un beau bordel).
Raisons obscures ça commence gentiment.
Bienvenue dans la famille Kessler et Bienvenue dans la famille Mariani.
Deux familles... normales.
Papa et maman travaillent. (Avec les soucis normaux des gens qui bossent).
Les enfants vont à l'école.
Les ados boudent ou se révoltent,  voir, les deux.
Les gens s'aiment ou se trompent, s'engueulent, se réconcilient.
Les voisins sont chiants.
Les chiens aboient.
La musique est trop forte.
Bref, tout va...bien.
Seconde partie.
Tout bascule.
Vous allez découvrir l'envers du décor.
L'enfer...du décor, devrais-je dire.
Parce que c'est là qu'Amélie va vous mettre les boyaux en compote. Là qu'elle va vous nouer. Là qu'elle va vous faire courir chez votre marchand de mouchoirs le plus proche.  Peut-être même que vous devriez continuer votre lecture au plus près d'une cuvette.
Contrairement à cette maudite 4ème de couv, je ne vous dirais rien.
Même sous la torture.
De toute façon après ce que je viens de vivre, plus rien ne me fait peur.
Même si je brûle (sourire) de vous en dire plus...
Vous aimez les romans noirs ?
Vous aimez quand l'auteur vous amène gentiment jusqu'à l'impensable ?
Vous avez envie de détester votre lecture ?
Vous aimez vous dire : Non, j'arrête,  c'est pas possible, je ne peux pas continuer ?
Alors, lisez Raisons obscures et peut-être que, comme moi, vous connaîtrez tout ça.
Ah, un dernier truc, si vous êtes parents je suis sûr que votre regard sur vos enfants va changer...
 
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Une histoire prenante avec une fin qui nous hante... Voilà ce qu'on m'avait dit de ce roman.
Comme je voulais découvrir la plume d'Amélie Antoine et que j'étais très intriguée par ce fameux dénouement, j'ai vite voulu commencer ce livre.

Juin 2017 : Dès le début, on sent le drame venir avec un appel provenant du commissariat pour annoncer une terrible nouvelle.
Mais on ne sait pas qui est le protagoniste au bout du fil...

Le roman est alors découpé en deux parties. On y découvre deux familles, les Kessler et les Mariani.
Dans la première partie, les événements se déroulent entre septembre 2016 et mai 2017.
On apprend à connaître ces deux familles par des chapitres alternés et avec le point de vue des adultes.
On suit leur quotidien où d'un côté l'adultère risque de tout détruire, tandis que de l'autre, chacun s'enferme dans ses problèmes où menace la dépression et la folie.
La lecture est addictive. On s'attache à certains personnages plus qu'à d'autres.
L'auteure nous ancre parfaitement bien dans leur quotidien. On comprend le sentiment de chacun même si certaines situations nous déplaisent.
Les scénarios fusent dans notre tête pour essayer de comprendre qui a reçu le fameux coup de fil du début et pourquoi.

Arrivés à la seconde partie, c'est comme si on rembobinait pour revenir aux événements de septembre 2016, mais cette fois avec le point de vue des enfants.
Avec ce point de vue là, tout bascule.
Cette lecture est terrible, car on n'imagine pas ce qui peut se dérouler sans que personne ne voit rien.
Méchanceté pure ? Vengeance ? Défoulement ? Je me pose encore des questions.

Ce livre traite d'un sujet particulièrement difficile et dramatique. Il y a malheureusement trop d'histoires comme celle-ci et c'est important d'en parler.

Ce roman est un appel à la vigilance et au dialogue.
La fin est marquante et terriblement douloureuse. Elle reflète en plus certaines histoires bien réelles.
Par contre, je conseille aux futurs lecteurs de ne pas lire la quatrième de couverture du livre qui en révèle beaucoup trop.
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« ... il serait inutile de vouloir entamer un dialogue avec mes bourreaux. Toujours, je me sens acculée, piégée, persécutée. »
Orlane souffre du harcèlement de ses camarades de classe. Ses parents, ses professeurs ignorent tout de cette situation parce qu'Orlane ne se livre pas. Pas plus que Sarah qui, diabétique et dans un besoin de se venger de cette injustice, devient le bourreau principal d'Orlane.

Les raisons obscures qui poussent à désigner un bouc émissaire, comme à celui-ci à ne pas se révolter et à retourner cette violence contre lui, et à l'entourage à ne rien voir, voilà la question soulevée par ce roman bouleversant. Lu en apnée et le coeur serré, un récit terrible susceptible de fissurer les croyances sur ce qui se joue dans la tête d'enfants apparemment sans histoires.

« La question qui ricoche toutes les nuits sur les parois de mon crâne, comme une boule de billard qui ferait des bandes à l'infini, c'est celle de savoir ce que je leur ai fait pour qu'ils me détestent à ce point. Si j'attise autant de haine, c'est forcément ma faute, c'est forcément que j'ai fait quelque chose de travers, qu'il y a un truc qui cloche chez moi. Tous mes efforts pour passer le plus inaperçue possible semblent vains, j'ai le sentiment que ma simple existence suffit à déclencher un chaos sans nom. Je voudrais être quelqu'un d'autre, n'importe qui ; n'importe qui, mais pas moi. »

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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J'ai reçu ce récit par courrier. Je remercie encore l'amie qui me l'a gentiment adressé. Hier soir, je lui ai dit combien ce roman m'avait bousculée.

Avant même le dernier chapitre, j'étais vidée, essorée ne sachant plus très bien ce qu'était l'équilibre, un comportement rationnel, un préjugé. Je ne savais plus ce qu'était un ado, le manque, le trop plein, l'attente, le bien-être, la douleur, les douleurs, la lâcheté, le courage, l'engrenage, le regard des autres, le truc qui cloche, l'insurmontable.

Je voulais attendre quelques jours avant de vous livrer mon ressenti et je me suis dit qu'il ne serait plus aussi authentique, aussi ardent. Alors c'est maintenant ou jamais. A chaud, tout comme le sang bouillonnant qui court dans le corps de ces très jeunes personnes.
Cette amie (C) est probablement en train de se demander comment diable je vais orienter ma critique. Et moi, je me demande par quel bout je vais commencer.

Deux familles.
Claire et Frédéric Mariani deux enfants Sarah, diabétique et Clément.
Laeticia et Yanis Kessler trois enfants. Marjorie, Orlane et Ezio.
Le début du livre est « tranquillou pépère » comme dit l'une de mes petites filles. Certes on constate des problèmes de couple, de mise au placard, des enfants qui répondent mal, des changements de domiciles, de situations professionnelles, des problèmes de voisinage, mais rien de transcendant. Pas de quoi en faire un roman. Cela pourrait être vous. Cela pourrait-être moi. Tout « sonne »juste cependant…

Petit à petit l'affaire s'emballe à un rythme lent mais sans espoir de retour. La pression est de plus en plus forte. Les actes sont pesants, les conséquences inévitables. L'issue semble bien sombre mais on ne sait pas, on ne sait rien. On n'imagine même pas !

Il est question d'emprise, de dominant qui « se sent invincible » pour une fois, de proie choisie un peu au hasard, soumise, la tête basse " qui ne résiste pas" . Et tout cela se passe entre adolescents au sein d'un établissement scolaire. C'est terrifiant. C'est sensible. C'est réaliste. C'est bien écrit.

Chaque chapitre donne la parole à un personnage qui s'explique, se parle à lui-même, lève le voile sur ses motivations, ses ressentis, ses souffrances, ses regrets ou pas, sur l'état de sa conscience, de ses silences, des montagnes qu'il se fait, des ruisseaux dans lesquels il se noie, des non-dits et de l'incompréhension qui l'entoure.
Contrairement à la vraie vie où un adolescent préfère souvent rester muet là il se livre.
L'analyse est fine, intelligente, tout-à-fait plausible. Une immersion dans ce monde si fragile, vulnérable, si peu conscient de la portée de certains mots, de certains actes, c'est un peu cela le roman d'Amélie Antoine.

Et c'est le souffle court que j'ai fermé ce roman, bouleversée, complètement chamboulée, émue comme on ne l'imagine pas car cette histoire aurait pu m'arriver, cette histoire aurait pu vous arriver…….Et là c'est arrivé pour des raisons obscures.

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Dans la première partie, Amélie Antoine entre dans la vie de deux familles : les Mariani et les Kessler .
Les Kessler viennent de changer de ville pour un rapprochement avec la famille de Laetitia. Ils ont trois enfants, 17, 13et 10 ans qui vont devoir s'habituer à une autre école.
Yanis, le père est un exemple de patience et d'amour pour sa femme, sa famille.
Laetitia rencontre un amour de jeunesse. Va-t-il faire chavirer son couple?
Pour les Mariani, la vie n'est pas un long fleuve tranquille.
Leur grande fille Sarah a un diabète assez grave détecté au mois de juin et nous sommes en septembre.
Dans la deuxième partie, on change d'ambiance sans changer de protagonistes sauf que notre attention est attirée entièrement sur la souffrance de Sarah et tout ce que cela entraîne au lycée et chez elle.
Elle va rencontrer le chemin d'Orlane, la deuxième fille des Kessler que Sarah va transformer en proie, souffrance extériorisée oblige.
Dans ce roman à suspense construit de main de maître, on s'attend à un drame dès les premières pages du début avec un appel futur de la police et avant la deuxième partie, même appel de la police avec juste un pas de plus mais sans nous informer. Dès ce moment, on peut en tant que lecteur, échafauder un tas de possibilités qui nous seront révélées petit à petit.
On peut dire que dans la deuxième partie, Amélie Antoine aborde un sujet fort cuisant : les relations destructrices entre jeunes.
Un très bon roman, des personnages parfaitement analysés.
Une lecture exceptionnelle pour moi.
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Chère Amélie,

Avec cette critique, vous rejoignez les trois auteurs que j'ai le plus souvent chroniqués depuis mon inscription sur Babelio : Christophe Siébert, Sandrine Collette et Thomas H. Cook.
Et de sept donc avec Raisons obscures, votre meilleur roman à ce jour à mon avis. Et pourtant qu'est-ce que j'avais aimé les précédents, en particulier Sans Elle et Au nom de quoi !
Des livres qui bouleversent, le quotidien qui vire au cauchemar, le tout analysé, disséqué avec une finesse et une intelligence uniques.
Mais la boule que j'avais dans le ventre à la lecture de ces deux romans en particulier a pris davantage de volume encore avec Raisons obscures. Que j'ai dévoré, mais que j'ai eu besoin de reposer plusieurs fois. Et plus j'avançais vers la conclusion, plus je devais reprendre ma respiration et m'accorder quelques minutes pour réfléchir, pour calmer ma colère, mon angoisse, tout en me demandant comment j'avais pu être aussi aveugle.
Je m'en suis voulu.
De n'avoir rien vu.

Je n'accorde quasiment jamais cinq étoiles à un roman.
C'est une note que je réserve uniquement aux rares livres qui m'ébranlent. Qui me marquent au fer rouge.
J'ai peur que n'importe quel livre me paraisse fade après celui-ci.
Parce qu'on frôle la perfection.
Il y a tout ce que je recherche en tant que lecteur dans Raisons obscures. Une histoire passionnante de laquelle on a du mal à décrocher ( et ça n'était pas gagné en racontant d'abord le quotidien de deux familles aux soucis ordinaires ), une construction virtuose, un style d'une rare finesse, une émotion à son comble tant on s'attache aux différents personnages et tant l'empathie fonctionne, et puis tout simplement un livre inoubliable avec lequel je me suis pris un sacré uppercut.
Un réel bonheur de retrouver toutes ces qualités dans un même livre pour le lecteur exigeant que je suis.

Même si nous ne sommes pas dans un thriller mais davantage dans un suspense psychologique, en vous lisant je n'ai pas pu m'empêcher de penser à deux autres plumes féminines francophones. Et venant de moi, cette comparaison est davantage qu'un compliment, c'est la confirmation que vous faîtes partie des auteurs contemporains incontournables.
J'ai en particulier pensé à Karine Giébel. C'est elle en effet la dernière ( avant vous ) à m'avoir fait endurer un tel hurlement de douleur. Toutes blessent, la dernière tue m'avait glacé le sang, m'avait laissé pantelant, assommé, mal à l'aise. Et c'est la première fois depuis cette lecture que je ressens de nouveau cette impression, ce paroxysme de la violence psychologique.
Chacune à votre façon, vous dénoncez avec force et conviction des faits de société auxquels je ne prêtais jusqu'alors pas assez d'attention.
Et puis j'ai aussi pensé à Barbara Abel. En mieux.
Avec un style propre à chacune, vous décrivez des familles plus vraies que nature, l'histoire de gens ordinaires au quotidien relativement banal. Avec tellement de justesse et de sincérité qu'on se reconnaît forcément quelque part, qu'on s'identifie aux personnages. Et puis là où Barbara Abel jette un grain de sable pour faire complétement dérailler l'engrenage, vous êtes encore plus subtile. La famille est pour vous un composant de la tragédie et non un prétexte à celle-ci.
Et puis comment ne pas se rappeler de Je sais pas quand l'un de vos personnages est atteint de diabète ?

Mais avant tout, vous m'avez fait penser à Amélie Antoine.
Parce qu'il n'y a que vous pour donner autant d'authenticité, autant de souffle à vos personnages et à leurs journées en apparence ordinaires.
Il n'y a que vous pour construire de façon aussi machiavélique vos romans. En commençant par la fin ( juin 2017 ) et puis en nous racontant, mois par mois, le temps d'une année scolaire, l'histoire de ces deux familles qui ne présentent quasiment aucune similitude. Deux parcours totalement différents même si, comme dans Les secrets, les personnages sont parfois amenés à se croiser. On comprend simplement qu'ils habitent la même ville, quelque part en France ( ça pourrait être n'importe où ). On apprend que leurs fils fréquentent la même école primaire, ou encore que les pères sont inscrits à la même chorale au sein de cet établissement scolaire.
Les Mariani et les Kessler nous racontent cette difficile année scolaire 2016 - 2017 de leur point de vue d'adulte. Les bons comme les mauvais moments. Entre les problèmes de couple des uns, les soucis professionnels, les tensions avec le voisinage et bien sûr les enfants chaque famille a beaucoup à gérer, à penser. Est-il normal que le petit Clément soit aussi solitaire, aussi réservé ?
"Elle aurait presque préféré un gamin capricieux et bagarreur à cet enfant sage et toujours calme."
Mais même les crises de colère des adolescentes rebelles, qui vivent leurs premiers chagrins d'amour, sont aussi ponctuées de moments de tendresse et de complicité.
"-Tu piges rien, papa. Je suis désolé de te dire ça, mais t'es trop vieux, t'es dans le système, maintenant."
Oui, deux familles pour lesquelles tout n'est pas toujours rose, tout n'est pas toujours avoué, mais rien ne paraît pour autant insurmontable.
Sauf que derrière ces petits et plus gros tracas du quotidien ...
Vous ne nous dites pas tout Amélie.
Juste la version du vécu et du ressenti des parents. Et si certains détails revêtaient une importance cruciale ? Et si parmi les ellipses et les sujets trop rapidement évoqués se cachait quelque chose de plus sombre ?
A l'instar du magnifique film L'effet papillon, ce qu'on ne voit pas est encore plus primordial que tout le reste. Des sujets en apparence survolés seront amenés à prendre une toute autre dimension.
Il n'y a que vous pour rendre le lecteur acteur et non pas uniquement spectateur.
Vous savez que je m'en suis voulu de n'avoir rien vu une fois la seconde partie entamée ? Que j'ai culpabilisé d'avoir été aussi aveugle moi aussi ? Que je me suis retrouvé aussi stupide que ces parents qui n'ont pas su comprendre ce qui était sous leur nez depuis le début ?

Et j'en profite bien évidemment pour pousser un coup de gueule envers XO, votre nouvel éditeur, qui à mon sens n'a pas le moindre respect ni pour le lecteur, ni pour votre travail. le bandeau signalant "Deux familles où, en apparence, tout va bien" était amplement suffisant sans qu'il ne soit la peine de tout gâcher avec une quatrième de couverture qui en dévoile dix fois trop. Même sans l'avoir lue je suis tombé sans le vouloir sur le mot en "H" et j'aurais tellement voulu que ma surprise soit totale. C'est tout le sens de votre roman, ne pas nous dire où vous nous emmenez, ne nous laisser que de vagues indices parce que nous pourrions être les parents de ces deux familles.
Nous prendre par surprise, c'était bien l'objectif que vous vous étiez fixé, non ? Nous montrer ce qu'il pouvait y avoir derrière des apparences presque anodines ?
Et puis un responsable marketing a du passer par là, vous savez, ceux qui savent tellement mieux faire vendre que l'auteure elle-même, fusse-t-elle lauréate du prix amazon de l'auto-édition en 2015.
- Dites patron, j'ai un problème avec la présentation du nouveau Amélie Antoine, il se passe rien de suffisamment racoleur dans la première partie pour attirer les clients.
- C'est pas grave, t'as qu'à raconter la fin, le tout c'est que ça fasse vendre ! Le reste on s'en fout.
Oui, en lisant à la fin du livre la présentation, c'est vraiment du dédain que j'ai ressenti. Du mépris tant pour vous et la façon si subtile que vous aviez choisie pour vous exprimer et donner du relief à votre message que pour le lecteur qui est trahi et qui attend pendant presque deux-cent pages qu'on en vienne enfin aux faits, alors qu'il était de toute façon censé les ignorer.
Bref, vous comprendrez j'espère que j'encourage tous vos futurs lecteurs à déchirer cette quatrième de couverture, de la barbouiller au marqueur indélébile ou tout au moins de la cacher avec un protège-cahier de couleur. Il faut absolument partir le plus vierge possible de toute information pour que le livre produise son effet.
Plus il impactera et plus les consciences se réveilleront.

Un autre mot en "H" qui est très important, et qui est même au centre de Raisons Obscures, c'est la Honte.
"Lui se sent tellement honteux d'être à ce point oisif qu'il n'ose pas en parler à qui que ce soit."
"Personne ne pourra la faire se sentir plus honteuse qu'elle ne l'est déjà, de toute façon."
"Comme il lui paraît avoir été un type méprisable, soudain."
La honte, la culpabilité, le malaise que l'on ressent sont autant de raisons de ne rien dire, de ne pas s'exposer, de tenter de régler ses problèmes seuls sans intervenant extérieur. Quand on est blessé, quand on est victime des circonstances, quand on se sent coupable ... on se tait.
Et c'est là que commencent les secrets, les silences.
C'est là aussi que l'on se focalise sur soi au détriment du reste.
"Lentement mais sûrement, il s'enfonce un peu plus dans les sables mouvants des non dits."
De l'embarras à l'humiliation, ces émotions seront ressenties par tous les membres des deux familles, tôt ou tard :
Etre devenu inutile au travail, devoir cacher sa maladie à ses amies, avoir envie de supplier sa femme de rester quand elle préfère se lover dans les bras de son premier amour, rater un spectacle de magie diffusé à la télévision, ne pas parvenir à trouver seule de compromis avec un voisin de mauvaise foi.
Alors chacun tente de faire au mieux, de donner le change en société ou même en famille. Ou tente de se faire oublier, de disparaître.
Parce que c'est dans notre éducation de vouloir cacher ces fissures, de vouloir paraître plus fort qu'on ne l'est réellement.
"Il aurait suffi de si peu pour que tout soit différent."

Quand je vois à quel point ma lecture a été difficile, je n'ose même pas imaginer comme son écriture a du être douloureuse pour vous. A l'inverse d'un trop grand nombre de romans, ce sont de véritables personnages qui surgissent de votre imagination, vous leur donnez un corps et une âme. Ils existent je pense pour vous comme pour moi davantage que certaines victimes bien réelles qui ont simplement droit à un encart dans les faits divers d'un journal.
En leur donnant un nom, une histoire, vous avez du fortement vous attacher à eux. Ils ont plus de substance tout comme les dix personnages inventés se rendant au Bataclan le 13 novembre 2015 dans Au nom de quoi étaient finalement plus réels à mes yeux que les véritables victimes, ou du moins ils ont contribué à donner à celles-ci un visage, un nom, une identité … comme un vibrant hommage.
Et même s'il faut le faire afin que votre message conserve tout son impact, n'est-ce pas difficile de leur faire du mal alors qu'on sent à quel point vous les aimez ?

Si je souhaite un immense succès à Raisons obscures, afin que l'attention de tous soit décuplée et que vos lecteurs puissent cette fois parfois réagir avant qu'il ne soit trop tard, je pense que sa place est avant tout dans les lycées. Je ne travaille pas pour l'Education Nationale mais je suis convaincu que si un tel roman était au programme de seconde ou de première, non seulement les élèves seraient moins dégoûtés de la lecture qu'avec les classiques qu'on leur impose encore aujourd'hui mais en plus, les mentalités auraient alors une réelle chance d'évoluer de l'intérieur.

Et j'achèverais simplement en vous remerciant chaleureusement pour ce roman magistral, qui a appuyé sur quelques cordes sensibles et fait remonter quelques souvenirs douloureux à la surface.
Vous avez vraiment un talent extraordinaire.


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