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Raluca Antonescu (Autre)
EAN : 9782889600298
260 pages
La Baconniere (07/01/2021)
3.81/5   31 notes
Résumé :
Jura, 1911. Une femme se désespère d'être à nouveau enceinte. Pour implorer la fin de sa grossesse, elle se rend au Gouffre du Diable. A partir de ce lieu dont la terrifiante et réelle histoire nous est contée, Raluca Antonescu entrelace quatre générations de femmes qui traversent le siècle.
Lorsqu'il a plus d'une fleur sur une tige, on parle d'inflorescence. Les protagonistes de ce roman se construisent au sein de leur jardin, chacune à son rythme, en se réa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Gouffre du diable, Jura, 1911. Une femme implore le ciel ou l'enfer de la débarrasser de l'enfant qu'elle porte.
Jura, 1923. Rejetée par son père qui l'accuse d'avoir tué sa mère, Aloïse grandit en marge de la famille, enfant sauvage qui se nourrit de baies et pose des pièges dans la forêt.
Île-de-France, 1967. Amalia emménage dans un nouveau lotissement. Après avoir grandi dans une ferme, au milieu des bêtes et des odeurs, elle touche enfin le bonheur du doigt, dans un environnement aseptisé, une nature domptée.
Genève, 2007. Vivian vient de perdre sa mère. Son deuil est douloureux, elle se sent vidée, anesthésiée. Désormais seule, il ne lui reste plus que son beau-père qui l'invite fréquemment dans le jardin ouvrier qu'il cultive avec amour.
Patagonie, 2007. Catherine plante des arbres. Une entreprise de reforestation, comme un combat contre des moulins à vent, tandis que les exploitants forestiers continuent de scier, d'abattre, de brûler des arbres.

Quatre femmes liées entre elles par les liens du sang, ou plutôt les liens de la sève qui coule dans leurs veines. Quatre femmes issues de la même tige et qui ont forcé le destin pour s'épanouir. Quatre femmes avec leurs démons, leurs blessures, leurs rapports à la nature. Celle-ci est d'ailleurs le cinquième personnage de l'histoire. du rapport primaire, presque bestial d'Aloïse avec la terre, les plantes, les animaux aux tentatives d'Amalia pour la contrôler, la domestiquer, la nature est omniprésente, mère nourricière, respectée ou bafouée.
Comme un fil rouge, le gouffre du diable est le symbole de ce que l'homme fait subir à son environnement. Qu'on y enfouisse des cadavres d'animaux ou les obus de la grande guerre, on croit qu'il garde les péchés et les secrets au plus profond de la terre mais le mal s'infiltre, polluant les eaux, faisant remonter à la surface les crimes du passé…
Roman choral, subtil et tendre, Inflorescence est le roman d'une lignée qui se fait par la sève, la preuve d'un atavisme de la terre qui transcende les générations, affleure plus ou moins selon les personnalités, mais ne s'éteint jamais. Un beau livre féminin et terrien.
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"Quelque chose qui se nourrissait de tant d'éléments disparates, qu'elle ne put les démêler tous distinctement. Elle pensa à une inflorescence, un petit élément indissociable d'un tout, et nécessaire à l'enchevêtrement de l'ensemble. (p107)"

Une inflorescence : on nomme ainsi la tige d'une plante qui comporte plusieurs fleurs. Et ici il s'agit de quatre femmes sur un même axe, celui de la recherche de soi à travers la recherche d'un équilibre, comme au bord de ce gouffre dans le Jura dans lequel on jette au fil des années, tout ce qui gêne, pollue ou embarrasse et dont on ne sait pas quoi faire.

"Comme si le gouffre, enfin, se repliait sur lui-même, emportant encore plus profondément dans sa panse malsaine les erreurs du passé. Alors les eux se détournent, soulagés, débarrassés d'une honte si ancienne qu'elle ne les concerne plus. (p248)"

Quatre femmes, quatre parcours avec en filigrane les plantes, les arbres et plus généralement la nature, sur plus d'un siècle, qu'elles la célèbrent, la domestiquent ou l'ignore, leurs gênes portent en elles des traces, parfois indélébiles, les faisant disparaître ou ressurgir, de façon subtile ou brutale, des résurgences du passé qui surgissent telles des révélations.

Quatre histoires de femmes du Jura, de Seine-et-Marne, de Suisse ou de Patagonie, des époques différentes, de 1911 à 2008,  très différentes et pourtant...

"-C'est qui Eveline ? demanda Catherine
-Eveline est d'une beauté exubérante. D'un pourpre sombre, elle est veinée de bleu clair et rehaussée de pistils orange. C'est une fleur avec beaucoup de contraste. Elle est aussi très grande avec des sépales ondulés et veloutés.
-Je croyais que tu parlais d'une vraie personne, fit Catherine
-Mais c'est le cas. (p209)"

L'une Aloïse, la plus ancienne, est une enfant sauvage, abandonnée par son père car rappel permanent du décès de la mère, puis Amalia apparaît, elle vit dans un pavillon, dans les années 60, dans un lotissement où tout est aseptisé, prévu, réglé, organisé. Catherine et Vivian, elles, sont des femmes de 2007, la première vit en Patagonie, reforestant les territoires, une sorte de hippie qui espère le retour de son amour disparu et la dernière réside à Genève, reçoit un salaire pour "ne rien faire", vient de rompre avec son petit ami, d'enterrer sa mère et aide son beau-père à vider la maison familiale.

Chacune porte en elle ou sur elle des zones d'ombre, une blessure physique ou morale, un mal-être parfois dont elles n'ont pas toujours conscience ou n'en connaissent pas toujours les origines ou les raisons.

Avec de courts chapitres, l'auteure nous entraîne entre les différents parcours de ces femmes pour nous dévoiler ce qui les relie, de façon subtile, mesurée, tissant les vies de chacune sur une trame où la nature est omniprésente,  que ce soit par les liens du sang mais aussi par des liens insoupçonnés, immatériels. Chacune d'elle trouvera sa manière de perpétuer ou de s'opposer pour se créer son propre univers mais où certaines absences ou blessures referont surface et devront être apaisées.

C'est un roman surprenant dans sa construction : il faut accepter de ne pas tout comprendre dans un premier temps, mais se laisser porter par ces quatre histoires de femmes, si différentes, très identifiables mais aussi par l'écriture, fluide tout en gardant une sorte de mystère, à la manière de ce gouffre sombre, objet de toutes les dissimulations humaines, animales et militaires, mais également le gouffre des secrets, des confidences, des rencontres.

Raluca Antonescu nous conte une histoire de lignée où chacune se défend, s'affirme ou est sauvée par une autre femme, des portraits où la transmission peut se faire par le sang mais également par la sensibilité et par l'invisible, où chacune accepte son sort ou le transforme au gré de ce qu'elle souhaite ou sait de son passé pour envisages pour son futur.

La nature imprègne la vie de ces femmes, d'une manière sauvage ou domestiquée, vénérée ou bafouée, aimée ou rejetée, mais telle la nature, les résurgences peuvent apparaître tardivement, qu'elles soient liées à la pollution, à l'insouciance des générations précédentes ou les non-dits, car la terre conserve les traces et attend son heure pour faire ressurgir les empreintes des générations passées. 

J'aurai peut-être aimé qu'il soit donné plus de temps aux personnages dans les chapitres qui alternent afin de mieux m'imprégner de chacune, de leurs caractères et j'étais un peu frustrée par la rapidité de passage de l'une à l'autre au début. Puis je me suis habituée à ce rythme, à commencer à voir les liens qui pouvaient les unir ou les éloigner, même si certaines ellipses m'ont laissée sans réponses, pas forcément nécessaires finalement, car là n'était pas l'essentiel qui est ailleurs : sur ce que le passé sème de façon consciente ou non, visible ou non, dans le terreau du passé et la manière dont chacune fera fleurir les graines dans celui-ci.

Une lecture douce et délicate dont les ramifications humaines et environnementales s'infiltrent progressivement pour se lier dans le destin de  quatre femmes.

J'ai aimé.
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Quatre générations de femmes et leurs relations au jardin, aux plantes, aux arbres sont au coeur de ce roman . Nature  en danger, moyen de se reconstruire ou volonté de tout cadrer (dans ces lotissements  Levitt que j'ai découverts ici), chacune des héroïnes, à sa façon, entretient des liens  avec la nature, liens qui les révèlent plus peut être qu'elles ne le souhaiteraient.
De 1911 à nos jours, c'est aussi le corps des femmes qui  est en question , ainsi que la relation matrilinéaire, réelle ou symbolique.
Fil rouge de ce roman , l'histoire réelle du gouffre du Diable permet de mesurer l'ampleur des dégâts causés à l'environnement au fil du temps.
Raluca Antonescu , par son écriture fine et précise, parvient à créer des atmosphères différentes au fil des chapitres et des personnages qui sont évoqués, tout en maintenant une vraie tension  narrative.
On dévore ce livre, on le piquète de marque-pages et on en sort revigoré comme après une balade  à la campagne.


Et zou, sur l'étagère des indispensables.
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Dans le canton du Jura, en Suisse, se trouve un trou qui est l'origine de bien des récits, de légendes ténébreuses ou de racontars sordides. le livre s'ouvre alors qu'une femme cherche en priant les esprits bons ou mauvais du gouffre de lui enlever l'enfant qu'elle porte en elle. On est en 1911et la vie paysanne est rude, une bouche en plus à nourrir serait un vrai défi pour la jeune femme et son sévère mari. Une fille naitra tout de même, Aloïse, la rejetée qui devra survivre de restes, de petits gibiers chassés et de la revente de fourrures. On rencontre rapidement d'autres femmes, toutes issues de la même lignée matriarcale dans diverses époques : deux vivent au vingt-et-unième siècle, une dans les années soixante. Toutes racontent une partie de cette famille banale, qui s'est dispersée entre plusieurs pays ; du manque et de la fragilité émotionnelle, de la mort qui survient dans chaque vie et que chacun doit apprendre à gérer d'une manière ou d'une autre.

Aloïse se fait recueillir par une riche dame, alors qu'elle est laissée pour morte, tabassée par son père. Là, elle découvrira ce qui sera le leitmotiv de la famille : la nature, sa connaissance et sa préservation. Catherine, après avoir perdu son mari et renoncé à élever sa fille plante des arbres en Patagonie, sévère et distante de tout être humain, sauf d'un couple tenant une auberge reculée. Vivan doit faire face au décès de sa grand-mère qui l'a élevé à Genève, créant de nouveaux-liens avec son beau-père et son jardin qu'il adore. Et finalement Amalia, qui vit dans une banlieue huppée de France où elle essaye d'être parfaite en tuant chaque insecte et voulant se débarrasser du cèdre qui surplombe le quartier. le gouffre, toujours, introduit les cinq sections du livre, à travers un petit résumé chronologique où l'on apprend que les militaires y ont caché des bombes de la première guerres mondiale dont la fuite des composants pollue aujourd'hui encore les cours d'eau de la région.

Lorsqu'on découvre le gouffre et Aloïse dans les premiers chapitres, on croit qu'on entre dans un roman historique sur la paysannerie jurassienne au début du vingtième siècle. Cette entrée est très agréable de part le sujet choisi et suivre cette pauvre fille rejetée est plutôt intéressant. Mais elle n'est pas le seul sujet de l'autrice Raluca Antonescu. Chaque femme a le droit à une part considérable du récit, avec une emphase sur celles des années deux-mille : Catherine et Vivan. Et là, tout s'effondre. C'était rapide, vous allez me dire, il n'aura même pas fallu vingt page pour rentrer dans des jérémiades inconsolables de femmes un peu perdues mais complètement dénuées d'intérêt pour le lecteur. Que dire ? Les cours chapitres paraissent de très longs monologues intérieurs pour nous raconter à quel point certains d'entre nous n'ont pas de repères et en vivent mal. Les petits éléments auxquels il serait possible de se raccrocher, outre les chapitres sur Aloïse qui perdent aussi vite leur intérêt, comme la main de Vivan ou la vie précédente de Catherine sont vite éclipsés, jamais complètement travaillés par l'autrice. Ne reste qu'un ennui profond, auquel j'ai réussi à faire face tant bien que mal, qui s'écoule sur deux-cent cinquante fastidieuses pages.

Il n'en faut pas beaucoup pour parler d'une déception, et le prix 2022 des lecteurs de Lausanne en fait hélas partie. Il y a aussi moins à raconter que sur une bonne découverte, où l'on s'attardera facilement sur des éléments qui nous ont plu ou intrigué. Ici, ma lecture a été un calvaire qui a pris du temps, pour laquelle j'ai dû me forcer à continuer alors que j'étais démangé de tout arrêté et de me lancer dans un autre ouvrage. Il faut dire qu'Antonescu, en terminant chacune des cinq partie du récit ravive la flamme de l'espoir qu'on revienne au roman historique qu'elle maîtrisait tant et qui donnait envie d'en apprendre plus sur la jeune Aloïse, survivante d'une époque difficile, et de son parcours. Au final, je ne tire personnellement rien de cette lecture et les espoirs ont été tous effacés par les très inintéressants personnages de Catherine et Vivan, qui prennent une place immense dans le récit. Certains en tireront peut-être de la joie de savoir que d'autres subissent la vie comme eux, comme une insoutenable épreuve qu'il faut traverser avec les pauvres moyens du bord, mais moi ce n'a pas été mon cas, du tout.
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Trois époques, et quatre ou cinq personnages féminins entrelacent leurs histoires dès le début du roman. Dans le Jura, en 1923, Aloïse, petite fille rejetée par son père trouve refuge dans la forêt auprès des animaux, et quelque réconfort près de sa grande soeur. En Patagonie, en 2007, une femme reboise les collines dévastées par les incendies. En Île-de-France, en 1967, une femme s'installe dans un lotissement aseptisé, où elle peut donner libre cours à sa phobie des insectes et des plantes. À Genève, en 2007, une autre jeune femme tente de se remettre de la mort de sa mère.
Sans vouloir en dévoiler trop, disons que chacune d'entre elle est à une période charnière de son existence, où elle va pouvoir ou devoir faire des choix, tourner une page, ou se reconstruire. Tout tourne aussi autour des plantes, arbres ou simples herbes, et de leur rôle dans la vie de chacune d'entre elle. Il y a aussi un gouffre jurassien et son histoire, la Patagonie, la création de jardins…

On se doute vite que des liens vont unir ces personnages, tout en mettant du temps à les identifier. le roman prend un tour plus passionnant à partir du moment où des concordances se créent entre les différentes époques et les différentes personnes. L'écriture charnelle, privilégiant les sensations et les sentiments, s'accorde bien à la construction un peu labyrinthique. Souvent dans les romans qui alternent plusieurs points de vue, on s'attache davantage à l'un ou à l'autre, cela n'a pas été mon cas ici, chacune de ces femmes étant suffisamment bien dessinée pour intriguer et avoir envie de continuer à la suivre.
Un roman à choisir si vous aimez la nature et les plantes, de préférence le charme délicat de la violette plutôt que l'exubérance des glaïeuls, et si le regard presque exclusivement féminin porté sur les végétaux vous intéresse. Raluca Antonescu est en tout cas une jeune auteure à suivre.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
-C'est qui Eveline ? demanda Catherine
-Eveline est d'une beauté exubérante. D'un pourpre sombre, elle est veinée de bleu clair et rehaussée de pistils orange. C'est une fleur avec beaucoup de contraste. Elle est aussi très grande avec des sépales ondulés et veloutés.
-Je croyais que tu parlais d'une vraie personne, fit Catherine
-Mais c'est le cas. (p209)
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Maintenant, dans ma vie, j'ai deux fauteuils. Ma vie sociale s'est rétrécie au point de tenir en équilibre dans ces deux espaces minuscules. Lorsque je me laisse choir dans le fauteuil d'Ada, autour de moi, ça grogne, ça feule, ça bave, ça lèche, ça renifle, ça pue. Je m'en extrais avec des traces de terre, de mucus et un nombre inimaginable de poils collés à mes habits. Le fauteuil dans le jardin de mon beau-père grince lorsque je bouge. Ce qui m'oblige à rester le plus immobile possible, le grincement étant come un rappel de mouvements inutiles. François s'affaire autour de moi. Un tourbillon qui coupe, arrache, cisaille, creuse, tasse, enfonce, redresse, attache. Et moi, à part vaguement observer ses gestes, je ne fais rien. Je suis comme une de ses plantes, une vie immobile qui se laisse agiter par les éléments extérieurs.
L'ennui est un état très confortable.
(page 167)
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Quelque chose qui se nourrissait de tant d'éléments disparates, qu'elle ne put les démêler tous distinctement. Elle pensa à une inflorescence, un petit élément indissociable d'un tout, et nécessaire à l'enchevêtrement de l'ensemble. (p107)
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Comme si le gouffre, enfin, se repliait sur lui-même, emportant encore plus profondément dans sa panse malsaine les erreurs du passé. Alors les eux se détournent, soulagés, débarrassés d'une honte si ancienne qu'elle ne les concerne plus. (p248)
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-Tu ne plantes pas seulement pour toi ou pour moi. Tu plantes pour les suivants et ceux d'après encore. Alors vas-y,il y a bien du travail.
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