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Isabelle Gugnon (Traducteur)
EAN : 9782020383974
141 pages
Seuil (30/11/-1)
4/5   7 notes
Résumé :

Dans la liesse et l’excitation d’une veille de grand match, l’Argentine des militaires se prépare à remporter la coupe du monde de football. Nous sommes en 1978. En rentrant dans son appartement situé en plein centre de Buenos Aires, Pablo remarque deux hommes, assis dans une voiture garée en face de l’immeuble. Ils semblent surveiller quelque chose. Ou quelqu’un. Lui, peut-être ? Peut-être sont-ils venus l’arrêter ? Pablo sait que derrière l’euphorie des ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Dans ce pays il suffit de penser pour être fiché. »
Nous sommes en 1978 en Argentine sous la dictature, à la veille de la finale de la Coupe du monde de football disputée entre l'Argentine et la Hollande. Un pays où tout le monde se méfie de tout le monde. N'importe qui peut être un mouchard, n'importe qui peut être arrêté et disparaître à jamais. C'est ainsi que sur les plages de la côte de nombreux cadavres sont rejetés par la mer.
Notre protagoniste dans cette histoire est un journaliste insignifiant qui écrit des « niaiseries »pour une magazine . Or il s'avère que deux types postés au coin de sa rue le surveille. Mais est-ce bien lui qu'ils surveillent , dans ce pays paranoïaque impossible de ne pas se sentir la prochaine victime même si on n'a rien à se reprocher,
-« De croire qu'ils sont là à cause de moi.Il n'y a aucune raison.
-Ça il est difficile de le savoir. Leurs raisons, ils sont les seuls à les connaître. »
Pourtant cette nuit de la victoire de l'Argentine au foot, partout c'est la fête où l'identité , la volonté, les espoirs et les craintes sont comme dilués . Une courte histoire de 141 pages sur un pays emprisonné dans une dictature, où même un événement sportif de grande envergure n'arrive pas à effacer la paranoia de tout un peuple. Première incursion excellente dans l'univers de l'écrivain argentin Antonio Dal Masetto .
Merci Bison.
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Hay unos tipos abajo. Lu en v.o., incite par un quatuor d'amis dont j'ai apprecie les billets.

C'est tres rapide. La lecture de ce court livre, qui te prend aux tripes des les premieres pages, aie!, ce n'est pas cela que je voulais souligner (je me reprends) mais la rapidite, la soudainete avec laquelle un homme peut perdre ses moyens et devenir fou. Deux jours suffisent a Pablo, le malheureux anti-heros. Son amie vient le voir et lui lance de but en blanc: “- il y a des types en bas. – Des types? – Dans une auto. Ils y sont depuis le matin. Je suis passee trois fois sans te trouver…” Et ca suffit pour faire passer Pablo du doute a des verifications constantes a l'inquietude a la peur a la paranoia a la panique a l'affolement a une fuite cauchemardesque sans raison veritable. “Il se vit alors comme ce qu'il etait, un homme fuyant, humilie par la peur, perdu quelque part”.

Sans raison? En 1978, dans l'Argentine du general Videla, on vit dans la peur, avec ou sans raison. On vit avec la censure, les telephones sur ecoute, la correspondence livree ouverte, les patrouilles dans les rues, la disparition de personnes, les rumeurs sur les cadavres qui reapparaissent dans les plages, amenes par la maree. On vit la peur. On parle moins. On s'isole, par peur des mouchards, on soupconne voisins et amis, tous suspects parce que tout le monde est suspecte d'avance par le pouvoir, par la junte militaire. Dans cette atmosphere il suffira de deux jours a Pablo pour s'abimer visceralement dans la paranoia.

Deux jours ou justement le pays est en fete. Ou en a l'air. Videla a organise des circences a defaut de fournir du panem. La coupe du monde de foot. Avec le silence et l'aval de la communaute internationale (ce qui depuis est devenu une habitude). Et la foule oublie sa propre torture quand Kempes torture les hollandais. Buenos Aires est en fete. Tout le monde dans les rues. La meme ville ou depuis quelques annees la reunion de plus de trois personnes etait suspecte.
Pour qui cette fete? Pablo et les autres personnages qui l'entourent sont exclus de la fete. Et ils ne sont surement pas les seuls. Dal Masetto laisse clairement entendre que toute cette fete se deroule dans un climat de tension, de vigilance et de controle, de peur cachee. Meme Pasarella, recevant la coupe des mains de Videla, a du cacher sa peur.

Dal Masetto, ecrivant ce livre, avait peut-etre peur que ca revienne, une autre dictature, une nouvelle peur, c'est peut-etre pour ca qu'il fait court, il ne prend pas le temps de developper, de s'attarder, il laisse les dialogues faire le travail de sape du lecteur, des dialogues haches, en un parler “porteno" aux conjugaison populaires. Et ca marche. C'est percutant. le lecteur, un peu surpris au debut, est vite touche. Moi en tous cas. Aux tripes.
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En 1978, la Coupe du monde de football se déroule en Argentine. La Albiceleste est pour la première fois de son histoire sacrée championne du monde en battant les Pays-Bas 3-1. le général Videla, chef de la junte militaire et de la "guerre sale" remet la coupe au capitaine Daniel Passarella, « El Pistolero ».
Alors que l'excitation d'avant-match bat son plein dans la capitale, un homme n'a pas le coeur à la fête. Pablo, journaliste à Buenos Aires, vient de remarquer la présence de deux hommes assis dans une voiture garée en face de son immeuble. Sont-ils en planque? Et si oui, qui surveillent-ils? S'assurent-ils du bon déroulement des festivités pour tranquilliser les touristes ou sont-ils en train de noter les faits et gestes d'un opposant vivant dans la rue? Et si cet homme, c'était lui, Pablo?
Aux simples interrogations vont succéder les crises d'angoisse, jusqu'à la paranoïa la plus aigüe. Pablo observe, s'interroge, erre, fuit, alors que la liesse de la victoire l'enveloppe.

Panem et circenses pour les Argentins.
Hay unos tipos abajo, Deux hommes à l'affût, est un roman percutant sur la dictature militaire.
Avec une grande économie de moyens, quelques personnages, et deux journées dans la vie d'un homme, Antonio Dal Masetto représente la terreur derrière le spectacle, le basculement d'une existence noyé dans la joie collective. le romancier argentin distille la peur, goutte à goutte, entraîne son personnage d'abord en marge des festivités, puis en marge de la société pendant que le pouvoir lui se dissimule derrière une fête gigantesque et mondiale dont, qui sait, Pablo pourrait être la victime sacrificielle.
Antonio Dal Masetto fait mouche en ancrant l'intrigue de Deux hommes à l'affût au coeur de la grande messe footballistique. En effet, les matches se déroulaient au moment même où les militaires pratiquaient tortures et assassinats dans les sous-sols de l'ESMA, l'École supérieure de mécanique de la Marine, située à proximité des stades de Buenos Aires. En sous-sol, les hurlements, et dans les complexes sportifs, l'euphorie. Ce roman trouve un écho particulier 24 ans après sa publication alors que le monde s'apprête à célébrer le même évènement organisé dans des conditions humaines et environnementales détestables.
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Court, rapide, flippant.

Il y a ce que l'on sait : la dictature argentine de Videla de 1976 à 1983, au moins dix mille disparus dont une partie largués sous sédatif par avion dans la mer, leurs jeunes enfants redistribués dans des familles « respectables », la picrocholine guerre des Malouines et son millier de morts quand même, les folles de la Place de Mai…

Et il y a ce qu'on ressent quand on se retrouve au milieu de ce carnage qui ne dit pas son nom. C'est ce que l'auteur nous propose de découvrir dans ce court roman.
À partir d'un événement pas totalement anodin, des sbires du régime apparemment postés au coin de sa rue, le protagoniste voit sa confiance se lézarder et sa vie se déliter.

C'est remarquablement écrit, surtout pour les oscillations du personnage entre l'assurance (« il n'y a aucune raison qu'ils soient là pour moi ») et la terreur (son comportement irraisonné qu'il observe avec lucidité). Cette balance des sentiments est habilement répétée, amplifiée, par la situation : la ville de Buenos Aires au moment de la finale gagnée de la coupe du monde de 1978 en Argentine, une fête collective qui surgit en plein milieu d'une atmosphère étouffante.
« La ville était en pleine effervescence. Dans les rues encombrées les voitures klaxonnaient, les gens agitaient des banderoles, soufflaient dans des mirlitons, s'enlaçaient et se regroupaient dans les bars. C'était pourtant dans cette même ville que, depuis des années, un rassemblement de plus de trois personnes était considéré comme une activité suspecte. »
Mais l'événement n'arrête pas la répression permanente, l'omniprésence des forces publiques, les contrôles d'identité et les disparitions.

On en arrive ainsi à éprouver le malaise qui gagne progressivement le personnage principal et ses proches. Un tour de force en si peu de mots.
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Une terrasse, un café. Je ne peux m'empêcher de regarder mon voisin et surtout les gros titres étalés en première page de son journal : "L'Argentine championne du monde" et, plus bas, : "Nous avons vaincu le monde entier."

Je relis à deux fois, trois fois même, à peine si j'y crois, le titre du journal, l'Argentine est bien championne du monde. La foule est en liesse. J'aurais fait un saut dans le temps. Car d'un autre côté, la foule a peur également. Elle oscille entre afficher ostensiblement sa joie dans les rues ou cacher fébrilement ses peurs aux regards des grandes artères. Nous sommes en 1978, l'Argentine de Mario Kempes est bien championne du monde, mais régulièrement des cadavres échouent sur ses plages. La dictature fait rage deux ans après le coup d'état du 24 mars 1976. La dictature, championne du monde.

Au soir de la demi-finale match, Pablo est sur le point de rentrer dans son appartement du centre de Buenos Aires lorsqu'il voit "deux hommes à l'affût" dans leur voiture en bas de son immeuble. Il grimpe les escaliers trois par trois, le souffle court, il ouvre sa porte, des gouttes de sueurs froides dans le dos. Il laisse les lumières éteintes un temps, se sert un verre de vin et regarde par la fenêtre. Ils sont toujours là. Que veulent-ils ? Est-ce qu'ils le surveillent, lui ?

Il redescend dans la rue, pour aller boire un café, acheter des cigarettes, prendre un peu le pouls de la rue sombre que seul un réverbère éclaire encore faiblement, la lune s'étant cachée au loin, probablement au fin fond de la pampa. Il veut en être sûr. Je reste à la fenêtre, j'observe moi aussi dans le noir, retenant ma respiration, osant à peine humer mon verre de vin, encore mois respirer de peur de faire bouger le rideau. Lorsqu'il débouche au coin de la rue, les hommes ont disparu. Où sont-ils passés, le temps de me servir un second verre et je les ai perdu de vue. Ont-ils suivi l'homme, ou sont-ils finalement pour moi. Tout d'un coup, c'est moi qui suis en sueur, la sueur acide de la peur, et pas celle du plaisir. Je n'arrive plus à respirer, moi simple lecteur avec un verre de vin, jusqu'au bout de la nuit, jusqu'au bout de la paranoïa. Et je n'ai pas d'écharpe aux couleurs de l'Albiceleste, ce qui pourrait faire de moi un double suspect dans les rues sombres et silencieuses de Buenos Aires où les chars et les militaires continuent de patrouiller et où sortent du sous-sol les cris d'une torture d'État.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
A peine entré, il introduisit une cassette de Joan Manuel Serrat dans le magnétophone, se servit un verre de rouge qu'il savoura à petites lampées, près de la fenêtre, en regardant les façades noires des immeubles dans la nuit et la silhouette de la femme qui faisait toujours les cent pas sur son balcon, à peine éclairée par la lumière tamisée de son appartement. N'avait-elle donc pas bougé de tout l'après-midi? Pablo s'amusa à lui inventer une vie, un âge, un visage, mais il n'arrivait pas à chasser de son esprit l'image des deux types plantés au coin de la rue.
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La première mi-temps était terminée. L'un des buveurs de bière se dirigea vers le bar d'un pas mal assuré. Avant d'aller aux toilettes, il se planta devant le caissier et lui annonça que les Argentins allaient gagner 4 à 0 et qu'à l'avenir ils ne seraient plus jamais battus. Une patrouille de police passa dans la rue. Durant un court instant la sirène hurla dans la salle, faisant trembler les vitres. Quand elle s'éloigna, un silence pesant s'installa dans le local mal éclairé, puis la voix du commentateur et la toux de la femme reprirent possession des lieux.
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La ville était en pleine effervescence. Dans les rues encombrées les voitures klaxonnaient, les gens agitaient des banderoles, soufflaient dans des mirlitons, s’enlaçaient et se regroupaient dans les bars. C’était pourtant dans cette même ville que, depuis des années, un rassemblement de plus de trois personnes était considéré comme une activité suspecte.
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Le train quitta la gare en empruntant un passage surélevé. Pelotonné contre la fenêtre, Pablo regarda les lumières de la ville en grelottant, les mains enfoncées dans les poches de son blouson. Le corps ballotté, il se sentait en sécurité, heureux de savoir que la distance qui le séparait de la capitale augmentait toujours un peu plus.
Après les faubourgs, l'éclairage se fit rare et le train fendit la nuit à toute vitesse. Comme suspendu dans un espace indéfinissable, Pablo regardait au-dehors en contemplant son propre reflet dans la vitre. Le train semblait creuser dans le noir un tunnel qui se refermait derrière lui au fur et à mesure qu'il avançait. Pablo aurait aimé s'endormir, s'abandonner tout entier pour se laisser porter vers l'avenir sans que rien dépende de lui. L'heure n'était pas à la réflexion, mais plutôt au repos de l'esprit.
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- Il y a du monde dans les rues ?
Pablo faillit lui parler de l'incident du café et des deux garçons arrêtés par les policiers, mais il se ravisa.
- Tout est tranquille. Les flics patrouillent.
- J'ai bavardé avec le mari de la voisine d'en bas, celle qui m'a permis d'utiliser son téléphone. Il vend des articles dans des stations-services de la côte et m'a raconté que très souvent, sur les plages, on retrouvait des cadavres rejetés par la mer.
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