AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782757861967
288 pages
Points (18/08/2016)
3.65/5   57 notes
Résumé :
Dans la solitude d'une chambre d'hôtel de Madrid, Santiago Biralbo, pianiste de jazz, se souvient de Lucrecia. Quinze jours de passion fulgurante, et son brusque départ pour Berlin ; quelques lettres, et le silence. Des années après, elle resurgit dans sa vie. Mêlée à un accident, peut-être un meurtre, elle lui demande de l'aider à fuir à Lisbonne. Par amour, Santiago décide de partager son exil...

« Au début il n’a pas reconnu cette voix parce qu’ell... >Voir plus
Que lire après L'hiver à LisbonneVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 57 notes
5
6 avis
4
4 avis
3
6 avis
2
1 avis
1
0 avis
Une belle écriture qui distille une ambiance de piano bar, de jazz nostalgique et pénétrant. Elle nous parle d'un amour fulgurant et perdu, d'une femme aimée et attendue pendant trois ans, d'un pianiste mélancolique, Biralbo, qui un matin s'est réveillé en réalisant avec soulagement qu'il n'avait plus besoin, pour vivre, de bonheur ni d'amour. Ça boit et ça fume, ça dit bien «cet étrange enivrement» que procure le mélange de l'alcool, de la musique, de l'amour passionnel. Tout ça c'est bien beau, mais ça a un effet un peu funeste sur la dynamique romanesque, et j'ai parfois eu l'impression de m'enliser doucement dans les sables mouvants des nuits de jazz, de confidences et de Bourbon, dans les chambres d'hôtels de deuxième catégorie, avec leurs brûlures de cigarettes et leurs graffitis, traces d'hôtes solitaires à qui ils «n'offrent aucun alibi pour tromper autrui où se leurrer soi-même».
Et pourtant j'ai trouvé un charme certain à cette écriture qui nous fait déambuler dans un univers romanesque qu'Antonio Muñoz Molina dit avoir créé dans un «état de somnambulisme lucide». Je serais presque tentée de relever ma note: j'aime le souvenir que me laisse cet Hiver à Lisbonne.
Commenter  J’apprécie          643
L'hiver à Lisbonne fait partie de ces romans que j'adore pas tant pour leur intrigue que pour l'ambiance. Vous savez, ces clubs plus ou moins fréquentables qui dégagent une odeur l'alcool, où l'on sert des coktails sophistiqués et imbuvables, où l'on joue du jazz à profusion et où on finit la soirée dans une chambre d'hôtel avec un des musiciens. le tout dans une atmosphère de tristesse vaguement vulgaire. Je ne sais pas pourquoi ça m'attire dans les livres parce que c'est tellement pas le genre d'endroit que je fréquente dans la vie. Peut-être dans une vie antérieure, si je croyais à ce genre de trucs. Mais bon, il y a des choses que je n'arrive pas à expliquer. Dans une autre critique, un babeliote a fait la comparaison avec un film en noir et blanc. C'est tellement l'impression que j'avais tout le long de ma lecture. J'avais contamment l'impression qu'un type suspect en imper allait apparaître à tout moment !

Et ce type, Santiago Biralbo, pianiste de jazz, qui raconte son histoire d'amour pour Lucrecia au narrateur, un ami, plutôt une connaissance. le besoin de se confier, un autre élément imbattable. Et l'amour passionnel impossible ou perdu… Un sujet inépuisable mais toujours aussi intéressant. Dans ce cas-ci, l'amour est surtout bref et tumultueux. Lucrecia se sauve, est mêlée à des histoires douteuses avec des gens peu recommandables. Et Santiago qui essaie de raviver la flamme ! On se doute un peu comment ça va se terminer tout ça mais on ne peut s'empêcher de continuer à lire. C'est alors que la mélancolie et la nostalgie revient mais pas pour les raisons que vous imaginez. Parfois, il y a des forces plus puissantes que la mort…

Dans tous les cas, moi, j'ai apprécié L'hiver à Lisbonne même s'il ne s'y passe pas grand chose et que les histoires d'amour ne comptent pas parmi mes genres préférés. Je peux comprendre que certains n'aient pas accroché. Comme je l'ai écrit plus haut, c'est l'ambiance m'a gagné dès le début. Quand Biralbo raconte au narrateur qu'il a écrit un morceau de piano et qu'il l'a intitulé «Lisboa», pour le voyage à Lisbonne que lui et Lucrecia avaient l'intention d'y faire, ça m'a touché. Ça m'a surtout étonné. Cet été, j'ai lu deux autres romans de Munoz Molina et ce n'était pas du tout dans le même registre. Bref, une belle découverte qu m'encourage à essayer d'autres oeuvres de cet auteur visiblement talentueux.
Commenter  J’apprécie          570
« Emporte-moi sur la lune, à Lisbonne. » lui avait-elle dit un jour.

C'est l'histoire de cet homme, né Biralbo devenu Dolphin. Il « ne s'appelait plus Santiago Biralbo, qui était né du néant à Lisbonne. » Un musicien qui se raconte par bribes au travers des paroles d'un narrateur, un ami peut-être, une connaissance sans doute bien que le mot soit mal choisi en l'occurrence car qui connait vraiment quelqu'un.

« les véritables solitaires installent le vide dans les lieux qu'ils habitent et dans les rues qu'ils parcourent. »

Biralbo c'est un solitaire, fou amoureux à ses moments perdus. Cette expression lui convient « moments perdus » car j'ai ressenti cette perte de soi dans l'attente de cette femme, Lucrecia. Et pourtant « en se regardant, ils s'appartenaient comme on sait qui on est quand on se regarde dans un miroir. » La rencontre a lieu dans un piano bar de Saint Sébastien. Immédiatement le flash. Elle est mariée avec Malcom. Sentant le vent tourné, Malcom décide qu'ils doivent partir immédiatement pur Berlin. Malcom est un escroc. de la vie, de l'amour et des hommes. le narrateur en sait quelque chose...

Pendant des années Biralbo et Lucrecia auront une relation ponctuée de longs silences, de quelques lettres et ne se rencontreront que bien peu de fois. Mais pourtant « ce qui leur appartenait véritablement : une trame de mots et de gestes, de pudeur et d'avidité, parce que jamais ils n'avaient cru se mériter l'un l'autre et qu'ils n'avaient rien désiré ni possédé qui ne se trouvât qu'en eux-mêmes, un royaume invisible et partagé qu'ils n'ont presque jamais habité, mais qu'ils ne pouvaient pas non plus renier parce que sa frontière les entourait aussi définitivement que la peau ou l'odeur d'un corps entoure sa forme. »

Elle lui demande de l'accompagner à Lisbonne un jour. Elle vient de se séparer de Malcom et ressent un besoin urgent de se réfugier dans Lisboa. Elle seule y arrivera, lui s'évadera dans des villes européennes. Mais un jour, il y retourne voir Billy Swann, son vieux compagnon musicien malade.

« Il était revenu dans la ville pour s'y perdre comme dans une de ces nuits de musique et de bourbon qui semblaient ne jamais devoir s'achever. »

Il la recherche à cette occasion. Billy le met en garde. Lisbonne est une ville dangereuse pour toi Biralbo et puis « La fille de Berlin, a dit Billy Swann sur un ton comme ennuyé et moqueur. Es-tu bien sûr de ne pas avoir vu un fantôme ? J'ai toujours pensé que c'en était un. »

Mais « Lisbonne était la patrie de son âme, la seule patrie possible de ceux qui naissent étrangers. »

J'ai adoré ce roman pour l'ambiance, pour la trame, pour la beauté de l'écriture. Un vrai régal. Ca sentait le bourbon, je voyais des volutes de fumée et j'entendais Fly me to the moon, Lisboa.
Commenter  J’apprécie          423
Je modifie cette critique le 30 janvier 2024. En effet, au vu des commentaires, et après avoir laissé passer quelques jours, je me rends compte que j'ai donné l'impression de ne pas avoir aimé L'hiver à Lisbonne, alors que c'est le contraire. J'ai agi maladroitement en donnant une version chronologique de ma lecture - le fait est que j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le texte -, ce qui est un gage de qualité. J'ai voulu dire que c'était un livre intimiste, onirique, lent avec un brouillage spatio-temporel. L'hiver à Lisbonne se passe dans le monde du jazz, musique que je n'affectionne pas particulièrement.
_________________________________________________________________________

L'hiver à Lisbonne est une succession de chapitres courts, présentés dans un ordre linéaire, qui avancent par bonds et intercalent les confidences de Biralbo, les propos du narrateur, le récit de faits juxtaposés, le tout dans des temps présents, passés, futurs ou imaginaires.

Le fil directeur est la passion amoureuse de Biralbo et Lucrecia sur fond de musique de jazz.

Mais c'est loin d'être une romance, c'est surtout un cocktail dissonant, sulfureux et mélancolique comme le jazz, un mélange de violence meurtrière, de désir, d'alcool, de drogue… avec en toile de fond « la montagne sainte Victoire » de Cézanne… dans une mise en scène en demies teintes où les contours sont flous.

Antonio Muñoz Molina entretient une relation curieuse avec Lisbonne. Je dirais qu'il personnifie une ambiance, une sensation, un fantasme – je ne sais pas s'il y a un terme adéquat pour signifier cet état d'esprit.

L'hiver à Lisbonne se passe essentiellement à Madrid. Santiago Biralbo, - qui a changé son nom en Giacomo Dolphin -, pianiste noir de jazz émérite, raconte au narrateur son amour pérenne pour Lucrecia.

« Lisbonne » est une chanson que Biralbo a composé alors qu'il n'a jamais mis les pieds dans cette ville. Elle symbolise Lucrecia qui s'est enfouie là-bas.

« Il s'est souvenu d'une chose qu'un jour Lucrecia lui avait dite : arriver à Lisbonne serait comme arriver au bout du monde ». (p.165)

Biralbo ne songe pas à aller à Lisbonne, il l'évite même, comme si la pensée de son amour se suffisait à elle-même, sauf qu'il est contraint de s'y rendre dans l'urgence au chevet de Billy Swann.

Trois ans se sont écoulés depuis le départ de Lucrecia.

Est-ce vraiment l'hiver à Lisbonne ou l'hiver dans le coeur de Biralba ?

Va-t-il la revoir ?

Quels mystères se cachent derrière cette femme ?

Pourquoi Biralbo et Lucrecia ont des pistolets ?

L'hiver à Lisbonne commence ainsi :

« À peu près deux ans s'étaient écoulés depuis la dernière fois que j'avais vu Santiago Biralbo, mais quand je l'ai retrouvé, à minuit, au comptoir du Metropolitano, il y a eu dans notre salut la même absence de solennité que si nous avions bu ensemble le soir précédent, non pas à Madrid mais à Saint-Sébastien, au bar de Floro Bloom, là où il avait joué pendant une longue période ».

Les personnages sont juste esquissés, leurs relations entre eux et avec le narrateur ne sont pas explicites. le récitant ne nous dit pas pourquoi il est si proche de Biralbo, au point que ce dernier se confie à lui.

C'est un livre bien étrange, je dirais même mystique, qui m'a fait un drôle d'effet, un effet paradoxal. Je l'ai ouvert avec curiosité et gourmandise, ensorcelée encore une fois par la plume de Chrystèle (@Hordeducontrevent), et au bout de trente pages, j'ai abandonné, je me sentais comme une mouche qui cherchait à se libérer, en plein cagna, de la bande adhésive qui l'avait piégée.

Je me sentais engluée dans cette ambiance de cave de jazz, cette musique déchirante qui me remémorait l'esclavage. J'avais le tournis dans le Bourbon et les volutes de fumée qui contribuaient au brouillage spatio-temporel.

Et pour rajouter à ma peine, l'écriture était trop petite pour mes yeux défaillants.

Pour échapper à ce malaise, je me suis embarquée dans En or, magnifique beau livre photo de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, deux patineurs artistiques sur glace hors du commun. Je me suis laissée bercée par leur glisse, leur musique, dans les paillettes des championnats européens et olympiques.

Puis, persévérante, j'ai repris à zéro L'hiver à Lisbonne. Peu à peu, je me suis acclimatée, je me suis souvenue de ma jeunesse au quartier latin, de caves de jazz confidentielles, et j'ai été happée par certains passages fascinants – cette écriture éthylique ou onirique envoutante -, sauf que je ne pouvais pas lire longtemps car je n'arrivais pas à bien m'accrocher dans ce récit lent, fragmenté et elliptique. J'avais du mal à appréhender l'idiosyncrasie singulière d'Antonio Muñoz Molina.

J'ai mis un temps fou à lire ce petit bouquin car je devais m'arrêter souvent, et pourtant je ne cessais d'y penser et d'être impatiente de le reprendre.

L'hiver à Lisbonne est une oeuvre poétique qui me semble assez difficile d'accès, se prêtant à plusieurs interprétations, qui s'adresse à un certain type de lecteurs.

Au final, j'ai beaucoup aimé, c'est une oeuvre originale. Je reviendrai vers Antonio Munoz Molina, notamment pour « Tes pas dans l'escalier », qui résonne dans ma tête. Un homme attend une femme à Lisbonne…

Curieuse d'avoir des retours…
Commenter  J’apprécie          2816
DanD m'avait prévenue, ce n'est pas à travers ce livre que j'allais retrouver l'atmosphère et l'ambiance de Lisbonne ou encore Madrid de mes vacances !
Antonio Munoz Molina nous plonge dans une atmosphère feutrée de bar de nuit, enfumé où l'on entend des notes de jazz. Oui, on les entend ces notes et on peut aisément imaginer ce club de jazz. Comme il a été souligné dans plusieurs critiques, on se croirait dans un film en noir et blanc et c'est tout à fait ça. Dans cette atmosphère va naitre une histoire d'amour entre Biralbo, pianiste et Lucrecia,mêlée à un trafic de tableaux. Amour contrarié, difficile et furtif même s'il va durer plusieurs années.
Je ne mets que trois étoiles car même si je reconnais la qualité de ce roman, je n'ai pas réussi à me trouver une place dans ce décor.
Commenter  J’apprécie          410

Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Il ne l'a pas vue en descendant du taxi. Les réverbères des angles ne parvenaient pas à éclairer l'intérieur des galeries, sombre et humide. Il a entendu le taxi s'éloigner et il est resté immobile tandis que sa stupeur dissipait sa hâte en néant. Pendant un instant, c'était comme s'il ne se rappelait plus pourquoi il était venu sur cette place si noire et déserte.
- C'est alors que je l'ai vue, a dit Biralbo. Sans surprise aucune, comme si maintenant je fermais les yeux, que je les rouvre et que je te voie. Elle était appuyée contre un mur, à côté du grand escalier de la bibliothèque, presque dans le noir, mais de loin on apercevait son chemisier blanc. C'était un chemisier d'été mais elle portait par-dessus une grosse veste bleu sombre. A la manière dont elle me souriait j'ai compris que nous n'allions pas nous embrasser. Elle m'a dit : "Tu as vu comme il pleut?", je lui ai répondu que c'était comme cela qu'il pleut dans les films quand les gens vont se quitter.
- C'est comme ça que vous avez parlé? ai-je dit. - Mais Biralbo ne semblait pas comprendre mon étonnement. - Après deux semaines sans vous voir, c'est tout ce que vous trouviez à vous dire?
- Elle aussi avait les cheveux mouillés mais cette fois ses yeux ne brillaient pas. Elle portait un grand sac de plastique parce qu'elle avait dit à Malcolm qu'elle devait aller chercher un vêtement, de sorte qu'elle avait à peine quelques minutes à passer avec moi. Elle m'a demandé pourquoi je savais que cette rencontre était la dernière. "Mais à cause des films, lui ai-je dit. Quand il pleut autant, c'est que quelqu'un va partir pour toujours."
Commenter  J’apprécie          170
J'ai senti qu'un seul mot aurait suffi pour retenir un moment Lucretia, mais je ne le connaissais pas : c'était comme bouger les lèvres en silence face à elle. Sans rien dire d'autre elle a fait demi-tour et j'ai entendu le bruissement de sa gabardine dans l'air, puis le bruit lent de l'ascenseur.
J'ai fermé la porte et j'ai rempli le verre de bourbon. Derrière les vitres, par la fenêtre, je l'ai vue apparaitre sur le trottoir, de dos, un peu penchée, sa gabardine blanche écartée par le vent de décembre, luisante de pluie sous les lumières bleues de l'hôtel. J'ai reconnu sa manière de marcher tandis qu'elle traversait la rue, déjà transformée en une lointaine tache blanche au milieu de la foule où elle s'est perdue, invisible, soudain effacée derrière les parapluie ouverts et les voitures, comme si elle n'avait jamais existé.
Commenter  J’apprécie          230
Pour ce qui est de ce surnom, Bloom, j'ai de bonnes raisons pour penser que c'est Santiago Biralbo qui le lui a donné parce qu'il était gros et placide et qu'il affichait toujours sur ses joues une plénitude rose, très semblable à celle des pommes. Il était gros et blond et on aurait vraiment dit qu’il était originaire du Canada ou de Suède. Ses souvenirs, comme sa vie apparente, étaient d’une confortable simplicité : un ou deux verres lui suffisaient pour se rappeler un restaurant du Québec où il avait travaillé quelques mois, une espèce de guinguette au milieu d’une forêt où les écureuils venaient finir les assiettes et ne prenaient pas peur en le voyant : ils remuaient leur museau humide, leurs ongles minuscules, leur queue, puis ils s’en allaient à petits sauts sur le gazon et savaient exactement à quelle heure ils devaient revenir, le soir, pour finir le reste du dîner. Parfois, quand on y mangeait, un écureuil sautait sur la table. (p.72)
Commenter  J’apprécie          184
Les matinées des dimanches d'hiver, il y a dans certains endroits de Madrid une lumière paisible et froide qui épure, comme dans le vide, la transparence de l'air, une clarté qui rend plus aiguës les arêtes des immeubles et dans laquelle les pas et les voix résonnent comme dans une ville déserte. J'aimais me lever tard et lire le journal dans un café propre et vide en buvant juste la quantité de bière qui me permettrait d'arriver au déjeuner dans cet état d'indolence prometteuse qui vous fait regarder toutes choses comme si vous observiez, muni d'un carnet de notes, l'intérieur d'une ruche aux parois de verre. Vers deux heures et demie je pliais soigneusement mon journal, je le jetais dans une poubelle et cela me donnait un sentiment de légèreté qui me laissait très tranquille pour faire le trajet jusqu'au restaurant, une de ces bonnes maisons anciennes et opulentes, avec un comptoir en zinc et des bouteilles de vin cubiques, et où j'étais connu des serveurs mais pas au point de les voir s'autoriser cette familiarité gênante qui d'autres fois m'avait fait fuir des établissements du même genre.
Commenter  J’apprécie          150
Derrière les rideaux on entendait la rumeur des voitures et de la pluie, qui a commencé de tambouriner avec violence très près de nous, sur la marquise de l'hôtel au-dessus de laquelle l'enseigne n'était pas encore allumée. Je respirais l'hiver et l'humidité de la nuit annoncée, et je me suis rappelé Saint-Sébastien sans nostalgie, mais la nostalgie n'est pas le pire des chantages de l'éloignement. Pendant une nuit comme celle-là, très tard, presque au matin, excités ou absous par le gin, Biralbo et moi avions marché sans dignité et sans parapluie sous une averse tranquille et qui semblait touchée par la miséricorde, qui sentait les algues et le sel, assidue comme une caresse et comme les rues familières de la ville que nous arpentions. Il s'était arrêté en levant son visage vers la pluie, sous les branches horizontales et nues des tamaris, et il m'avait dit : "Je devrais être un Noir, jouer du piano comme Thelonius Monk, être né à Memphis, Tennessee, embrasser Lucrecia à l'instant même, être mort."
Commenter  J’apprécie          130

Videos de Antonio Muñoz Molina (91) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antonio Muñoz Molina
Vidéo de Antonio Muñoz Molina
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Romans, contes, nouvelles (822)
autres livres classés : littérature espagnoleVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (158) Voir plus



Quiz Voir plus

Littérature espagnole au cinéma

Qui est le fameux Capitan Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte, dans un film d'Agustín Díaz Yanes sorti en 2006?

Vincent Perez
Olivier Martinez
Viggo Mortensen

10 questions
95 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinema , espagne , littérature espagnoleCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..