J'ai récemment découvert La Liberté de ma mère de Jean-Michel Aphatie. L'auteur est journaliste politique et je pensais que le sous-titre, « Mai 68 au Pays Basque » annonçait une analyse en rapport avec une sorte de commémoration du cinquantenaire des évènements ; en fait, l'auteur souhaite se démarquer « des idées fausses et des mythes farfelus » qui auréolent cette période dans les esprits. Ce roman raconte la vie de Catherine et Jean-Pierre, ses parents…
D'emblée, je suis en terrain connu car j'avais, moi-aussi presque 10 ans en mai 68. Mes parents appartenaient au milieu ouvrier ; nés avant la guerre de 1939-45, ils avaient vécu dans un confort tout relatif, connu les WC au fond du jardin, la toilette à l'évier, une vie besogneuse et peu épanouissante. Et puis, après la guerre, des transformations majeures et rapides ont bouleversé la société et sans doute les ont-ils perçues dans leur vie quotidienne…
Certains des souvenirs d'enfance de l'auteur rejoignent les miens ; je me retrouve dans cette focalisation enfantine qui perçoit ce qui se passe sans tout comprendre, qui entend parler de De Gaulle, des élections, etc… Je me souviens très bien de l'arrivée de la télévision à la maison, en noir et blanc, et de la maison neuve et moderne que mes parents avaient fait construire en s'endettant avec notamment une superbe salle de bain avec baignoire.
Même si la comparaison s'arrête là car je suis née dans le Tarn et pas au Pays Basque, mes parents n'ont pas eu de Simca 1000 rouge, mais une 4CV bleu clair et ma mère n'a jamais appris à conduire..., j'ai un peu l'impression de lire ma vie et celle de mes parents en filigrane.
L'approche de Jean-Michel Aphatie est intéressante car il nous dévoile un point de vue individuel et familial, la grande Histoire vue de l'intérieur, perçue dans l'intime. Il replace avec lucidité les évènements dans leur contexte et va en-deçà et au-delà du mouvement étudiant de ce fameux mois de mai 68 dont on parle peut-être trop, oubliant l'évolution de la société amorcée bien avant.
Malheureusement, ce récit reste trop documentaire et scolaire pour me toucher vraiment : la patte journalistique de l'auteur en fait un exposé factuel, une succession d'évènements qui donne de la vie de ses parents un effet stylisé d'où l'émotion est absente et c'est un peu dommage ; cette galerie de portraits ressemble à la vitrine d'un musée ; les sexagénaires pourront s'y reconnaître mais pas vraiment s'y identifier.
J'ajoute que j'ai découvert ce livre en format audio, lu par l'auteur lui-même. Sa voix et sa tonalité desservent malheureusement le texte, le rende magistral un peu comme un cours ou une conférence.
Un ressenti en demi-teinte donc…
Quand j'écoute par hasard Jean-Michel Aphatie à la télévision, je souris en entendant son accent. Je souris parce que j'ai conscience que si je l'entendais au café du coin je n'entendrais plus cet accent.
Oui, à une province près, je suis du même coin que lui.
Mais je ne suis pas d'accord avec son regard sur mai 68 qu'il met seulement en perspective avec les petites libertés qu'a obtenu sa mère dans les années soixante (permis de conduire, cigarette, pilule, amant). Ces évolutions qu'il démontre être dues à l'époque et non aux manifestations de mai 68 résultant de « lubies gauchistes ».
Je n'étais même pas née en 68, mais le hic c'est que j'ai beaucoup l'occasion d'interroger les anciens, et je ne m'en prive pas. Et si beaucoup au Pays Basque n'ont suivis les manifestations que de loin en écoutant la radio (contrairement à chez les Apathie, la télévision n'était pas encore monnaie courante), si je n'ai trouvé aucun gréviste acharné dans notre campagne (peut-être parce que la vaillance au travail était une valeur minimale pour être respectable), il y en a quand même qui m'ont parlé de leur salaire qui avait sacrément augmenté. Certes, il s'agissait d'ouvriers au SMIG, en minorité sur nos terres agricoles...
Mais l'argent, il n'en est jamais question dans ce livre. Difficile dans ce cas de pouvoir accorder du crédit à sa simple phrase « L'avenir de tous les désordres, c'est de cesser un jour ».
Il pourrait s'agir alors d'un livre personnel sur ses parents et son enfance auprès d'eux. Malheureusement, si on lui reproche de donner trop son avis en tant que journaliste, on ne peut pas dire qu'il s'épanche en sentiments dans ce livre. C'est trop journalistique pour que ce soit de réelles confidences. Du moins à mon goût parce que ceux qui aiment les textes à demi-mots apprécieront certainement cette pudeur et ces non-dits familiaux.
Il reste le fait de pouvoir coucher sur papier trois membres de sa famille qui ne sont plus. Parfaitement compréhensible.
La liberté de ma mère / Jean Michel Apathie
Je suis né au Pays basque en 1971. J'y vis encore actuellement. En lisant, ce livre, j'ai voulu découvrir le Pays basque, au moment des événements de mai 68, cette formidable révolution des mentalités, à travers les yeux de Jean Pierre et Catherine Aphatie, les parents du célèbre journaliste Jean Michel Aphatie qui ont été des combattants décidés de leur liberté.
Catherine et Jean Pierre forment un couple, banal, ordinaire, enfants de la pauvreté, sur des terres paysannes, ils vivent au coeur de la Soule qui est le plus petit des sept territoires historiques du Pays basque. Située dans les Pyrénées-Atlantiques en France, elle est peuplée d'environ 15 000 habitants et a pour capitale : Mauléon- Tous deux assistent à la naissance de la société de consommation. Mai 68, les jeunes sourient à la vie, Leurs aînés, marquent leur embarras. C'est la liberté de Catherine. Elle passe le permis de conduire..Elle achète une voiture, pour se déplacer à sa guise, sans rendre des comptes à son mari .C'est l'heure du changement. Les femmes ne veulent plus dépendre de leurs maris, de leurs pères, de leurs frères. Elles veulent se libérer du joug des hommes. L'auteur a mené une enfance heureuse auprès d'une famille aimante Ce bonheur est palpable tout au long du récit.
L'auteur rend un vibrant hommage à ses parents. D'une certaine manière, il a voulu les faire revivre. Et nous, cher lecteurs, on se prend à rêver. On se plait à imaginer que les héros d'un livre ne meurent jamais .Ils traversent le temps et sont éternels.
C'est un livre court qui se lit d'une traite (une heure tout au plus); de façon agréable. Cependant, d'une part, j'ai trouvé que ça ressemblait à un cahier d'écolier où l'on note tous ses souvenirs, toutes ses pensées. D'autre part, je m'attendais à vivre davantage les événements de mai 68 ou tout au moins, connaître le ressenti de cette famille ou plus généralement le ressenti du Pays basque.
Jean Michel APHATIE a réalisé son rêve d'adolescent : il est aujourd'hui un journaliste politique, vedette ces dernières années, de France Télévision, de France Info, d'Europe 1 et de RTL. Doté d'un solide accent du Sud-Ouest, redoutable interviewer, il n'hésite pas, de temps à autre, devant une petite et sainte colère.
Pour le cinquantième anniversaire de mai 68, il raconte, dans un récit court (108 pages), mais passionnant, comment Mai 68 a changé la vie de son village (Viodos, près de Mauléon, Pyrénées atlantiques), et d'abord de sa mère, Catherine, et de son père, Jean Pierre.
En couverture, le symbole du changement, une superbe Simca 1000 rouge vif, achetée d'occasion par sa mère, qui, auparavant, n'aurait même pas osé passer son permis de conduire.
Le nouveau centre de la maison est le poste de télévision, qui ouvre une fenêtre sur le Monde, à partir d'un habitat où a été installé le « confort moderne ».
Les salaires sont modestes, mais relativement sécurisés par la stabilité de l'emploi. de nouvelles opportunités sont offertes dans la formation, universitaire notamment.
Tous les changements liés à mai 68 sont exposés, mais je me demande si l'auteur ne minimise pas d'autres facteurs : l'impact économique et social des « Trente glorieuses », le développement des transports (autoroutes, TGV), la politique agricole commune (lancée dans les années 60), les progrès technologiques pour les objets de la vie courante, la légalisation des moyens de contrôle des naissances, notamment la pilule (en 1967).
Tous ces facteurs , survenus avant 68 ou en lien indirect avec les évènements de mai, ont aussi contribué à changer la vie, à Mauleon comme ailleurs. En tout cas, cela fait un beau sujet de discussions pour les amateurs d'histoire contemporaine (et les professionnels.).
Jean-Michel Apathie a eu l'intelligence de ne pas sortir ce livre aux rentrées littéraires. C'est un livre libre, sans grand éditeur à la manoeuvre et même sans prétention. C'est un récit très personnel, écrit dans une langue très caressante. Probablement écrit dans la hâte également (quelques fautes, des accords de participe passé, quelques concordances des temps approximatives, comme des grains de beauté), dans l'urgence, comme quelque chose qui a dû le déborder. C'est un livre court, que j'ai terminé en moins de deux heures. Qui prouve une fois encore que ce qui nous touche dans l'histoire, dans L Histoire, c'est l'infiniment petit, l'infiniment banal. Observer. Grandir. Se tromper. Défier les règles. Sortir du sillon. En résumé, c'est un attachant exercice d'écriture intime pour un homme public. Un livre humain.
La télévision nous racontait la France, mais la France qu’elle nous montrait, c’était Paris, Paris et encore Paris.
Alors moi, issu de cette longue lignée de paysans qui n’avait jamais quitté la Soule, je nourrissais mes envies et mes rêves d’habiter un jour dans la grande ville au nom de cette évidence : la France, c’était Paris.
Cette femme qui s'émancipait rudement avait conscience de déplacer beaucoup de barrières. Elle ne voulait pas en rajouter, ne voulait pas choquer, voulait juste vivre en paix.
Les enfants sont d'une pâte douce sur laquelle s'impriment les belles choses et les moins belles.
Je suis arrivé par le train du petit matin à la gare d'Austerlitz un jour d'octobre 1987.
J'avais 29 ans passés. Je ne connaissais personne dans la capitale.
Je voulais devenir journaliste politique.
ça fait quoi exactement de grandir en se disant que, peut-être, tout serait remis en cause par l'obligation d'aller faire la guerre ?
Je ne peux pas répondre à cette question car cette peur, je ne l'ai jamais ressenti.
Lieu d'aliénation ouvrière, la fabrique devenait le réceptacle de l'émancipation personnelle.
Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell