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Critique de hrousset


Les éditions des Saints-Pères dans une collection qui regroupe actuellement une vingtaine d'ouvrages de luxe (ce que l'on qualifie parfois de « beaux livres », ici plutôt de « grands livres » (dont un récent de Céline) propose le manuscrit d'« Alcools »de Guillaume Apollinaire., avec une édition datée de 2017.
On sait que l'ouvrage publié en 1913, et fit polémique, regroupe une cinquantaine de poèmes de l'auteur, choisis par lui parmi deux cent cinquante écrits, et présentés selon son voeu chez l'éditeur : Mercure de France sans ordre chronologique. le premier (Zone) et le dernier (Vendémiaire) sont contemporains de la sortie du livre. Les autres ne sont pas datés non plus, mais faciles à retrouver pour la plupart par la publication antérieure dans une revue ou par les repères que donnent la vie du poète, car beaucoup sont sollicités par les évènements de sa vie. L'impression que donne l'ensemble peut donc paraitre très hétéroclite, et lui a été reproché par exemple par l'académicien George Duhamel qui a eu le mot malheureux de « brocante ».C'était méconnaitre la grande richesse de cette diversité des thèmes (ses amours :Annie Playden, Marie Laurencin, Marie Sybill (?)…,ses voyages, ses amitiés, Paris, les arts plastiques…), nourris par une expérience et des souffrances qui nous le rendent si familier, et par une extraordinaire érudition apportée par les lectures. C'était surtout méconnaitre la grande palette de l'expression, maitrisant les classiques, imprégnée des romantiques, contemporaine des symbolistes et annonçant les surréalistes (dont la création du terme lui revient).C'était surtout méconnaitre que de cette dispersion apparente allait naitre un style nouveau de la poésie, vers libres, absence voulue de toute ponctuation : « je ne l'ai supprimée que parce qu'elle m'a paru inutile, et elle l'est en effet ;le rythme même et la coupe de vers, voilà la véritable ponctuation »,musicalité liée aux assonances et aux allitérations, faisant du poème une authentique partition…On sait le parti qu'en ont tiré les interprètes musiciens. Ce recueil des poèmes sous le titre général « Alcools », méritait bien de s'être appelé « Eau de vie » comme le poète lui-même l'avait envisagé. On n'est pas surpris que son grand succès posthume l'ai fait classer en dix-septième position des grands livres de la littérature.
On comprend bien le succès que devrait avoir la publication des manuscrits, issus de la BNF et de la bibliothèque de Jacques Doucet et réservés jusqu'à maintenant à des spécialistes et à des chercheurs, Il s'agit d'un livre de collection par sa présentation (qualité du papier, coffret, exemplaire numéroté…), livre document sans commentaire critique en dehors d'une belle préface de Philippe Tesson.
Quelle émotion à pouvoir pour la plupart des poèmes, (seulement certains sont directement tapuscrits) comparer l'original écrit à la main, (raturé, ou partiellement amputé d'un mot, d'une phrase, d'un quatrain …), du texte final lui-même parfois corrigé en dehors de l'absence de ponctuation, de la maitrise des blancs, des alignements, annonçant les calligrammes, par la suppression d'un quatrain, d'un mot, d'un article. Quelle proximité avec le poète à l'oeuvre en comparant l'écriture parfaitement lisible souvent mais avec à d'autres endroits plus rarement une écriture chaotique, déchiquetée témoignant d'un grand malaise intérieur.(Santé au moment de son séjour en prison pour le vol présumé des statuettes ) On imagine le commentaire que pourraient en faire des spécialistes, mot à mot comme pouvait en faire il y a quelques années Pierre Dumayet sur les manuscrits de Flaubert. D'un autre côté, on peut bien sûr déjà regretter que les analystes de la littérature n'auront plus demain ces écrits à la main, mais des « tapuscrits »issus de l'ordinateur. Quel malheur, d'autant qu'en dehors de l'écriture, on ne verra plus la trace sur le papier (occasionnel comme une enveloppe, une nappe en papier…) des évènements de la vie (larmes, goutte de sang, brûlure de pipe …), « l'eau de vie » de ce merveilleux « flâneur des deux rives ».
« Vienne la nuit, sonne l'heure,
Les jours s'en vont … »
Un grand merci aux éditions des Saints-Pères de ce livre merveilleux que l'on voudrait voir dans toutes les bibliothèques des amoureux de la poésie.
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