Le nouveau classement de notre médiathèque produisant de bien étranges rapprochements, le rayon romantisme érotisme fait se côtoyer
Jane Austen et la New Romance. Voilà comment je me suis retrouvée avec cette lecture plutôt loin de mon ordinaire ! mais quand on est curieuse et historienne, les mémoires d'une "femme de plaisir" à Londres en 1740 interpellent !
Le livre est composé de deux parties : une introduction par
Guillaume Apollinaire (1910), puis les Mémoires elles-mêmes (Londres 1740).
Je ne suis pas fan des introductions/préfaces auxquelles je reproche très souvent de dévoiler partie sinon tout du récit qui suit et en plus de te dicter ton avis avant même de l'avoir conçu ... mais bon c'est
Guillaume Apollinaire, alors quand même .... oui bah non en fait ! Quand j'ai vu que l'introduction était plus longue que le récit lui-même et que le contenu traînait en longueur, j'ai abandonné ladite introduction au tiers, pour aller lire les Mémoires elles-mêmes ! Que les offusqués s'adressent à
Daniel Pennac et se référent à @
Comme un roman, que je désigne comme avocat et plaidoyer pour justifier mon acte ! Bref !
Consistant en deux lettres écrites par l'héroïne à une bonne amie, les Mémoires racontent les déboires d'une jeune orpheline des campagnes anglaises montée à la capitale pour y trouver une vie, entrant en carrière dans la prostitution, découvrant ses sens et la variété des moeurs, et après quelques déboires, retrouvant son premier amour, avec une happy end. le récit se fait dans un français XVIII° explicite et imagé, mais non trop vulgaire/cru/technique.
Vous rougirez ou non à la lecture, selon votre éducation et votre imagination !
Après cette lecture, je me suis dit que les scénaristes de séries TV comme Maison close ou Harlots n'avaient vraiment fait que mettre en scène des passages entiers de ce roman (faussement) épistolaire (et comme apparemment ces Mémoires ne sont qu'un exemplaire d'une florissante littérature érotique de l'époque, je les soupçonne de n'avoir finalement rien inventé du tout !).
Si l'on replace le roman dans son contexte, cela me semble assez représentatif du devenir d'un certain nombre de jeunes filles orphelines (et pauvres ou trahies) de l'époque, du moins celles qui avaient "la chance" d'avoir le minois joli et les formes agréables, car notre demoiselle "ne fait pas le trottoir" à la
merci des brutes ivres de bas étage, elle est "en maison"/"sérail"/"couvent", ce qui relativement s'entend "la protège" d'un certaine violence mais n'empêche pas la perversité !
Pour élever le débat, je dirais qu'
il y a du Rousseau dans le caractère et le devenir des femmes décrites : des gentilles jeunes filles souvent naïves et innocentes, que leurs sens naturellement portés vers le sexe taraudent, soit qu'elles y cèdent d'elles-mêmes, soit qu'un homme le leur apprend d'abord à leurs dépens (le viol n'est pas décrit comme tel le plus souvent) mais qu'elles s'y adonnent ensuite assez volontairement et avec plaisir (corruption de la société, chez Rousseau).... tout en gardant l'espoir de l'amour ! C'est "faire contre mauvaise fortune bon coeur", en tâchant de s'enrichir grâce à une situation dans laquelle elles sont tombées par résignation pour essayer d'en sortir ensuite, en étant entretenue, par un bon mariage, en devenant maquerelle à son tour, avant de se retirer et de "mener une vie honorable et sage" avec le pactole (et ses atours trop défraichis pour appâter encore?!).
Bref, c'est très XVIII°s, on est encore dans la fable ... très coquine mais aussi cruelle et qui se veut morale quand même : les plus déchaîné(e)s, enragé(e)s à
la débauche meurent ("paient leur dernier tribut à la nature") ! Ces Mémoires et leur auteur ont quand même étaient condamné par la justice pour atteinte aux bons moeurs, à l'époque ! Quand on sait quels genres de dessins et autres récits pouvaient circuler ... et que les chalands de ces maisons se trouvaient notamment dans les plus hautes sphères sociales, quelle hypocrisie ! Pour les demoiselles en détresse de l'époque jeunes orphelines et pauvres et/ou dupées par un galant et perdues de réputation, hormis un mariage sans amour, la retraite religieuse, la mendicité et la prostitution, quel salut ?
Retour ensuite à cette introduction par
Apollinaire : je voulais la finir quand même ! Pour faire court, c'est une déambulation d'un bordel à l'autre de Londres, se donnant des airs d'étude sociologique des moeurs (historique et classification des diverses sortes de bordels, et pour les pensionnaires : origines, entrée dans le métier, caractéristiques physiques et "compétences") : c'est long, fastidieux pour contextualiser les Mémoires qui suivent ! le "pompon", si j'ose dire, ce sont les dernières pages de l'intro avec l'énumération des "cris" de tous les vendeurs des rues, avec notamment les vendeurs de poissons : tiens, le maquereau, la morue, ça doit servir de transition vers les Mémoires qui suivent ! Pardon pour
Apollinaire, mais je le trouve plus doué pour les
calligrammes que pour ce type d'écrits (avec tout mon respect et en toute humilité !).
Bilan : si vous avez aimé l'ambiance de séries TV comme Maison Close, Harlots, voire Journal d'une call-girl londonienne, vous trouverez ici votre compte (enfin, pour l'introduction, c'est selon !); Si vous êtes prudes, passez votre chemin ! Si Cinquante nuances de Grey et autres New Romance (style @Calendar Girl) sont votre référence, là au moins le vocabulaire et la langue sont raffinés et vous verrez qu'on peut écrire sur le sexe autrement que cette "soupe de gare" vulgaire et faussement romantique !