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Critique de 5Arabella


Lorsqu'on évoque l'épopée grecque, on pense immédiatement à Homère, à l'Iliade et l'Odyssée, mais d'autres titres ne surgissent pas. Pourtant, de nombreuses oeuvres appartenant à ce genre ont été créées en Grèce, la majeure partie d'entre elles ont toutefois été perdues. A part les deux ouvrages attribués à Homère, il ne nous reste en entier que Les Argonautiques d'Apollonios de Rhodes, auteur alexandrin du troisième siècle avant notre ère. Homère, qui marque les débuts de la littérature en langue grecque, et Apollonios en quelque sorte la fin, dans l'Alexandrie grecque d'avant la conquête romaine sont les deux rescapés des destruction du temps, d'autant plus précieux. Très différents, forcément, et d'autant plus passionnants.

Deuxième directeur de la bibliothèque d'Alexandrie, Apollonios est à la fois un auteur, et un érudit, l'époque était soucieuse de préserver les legs du passé, et aussi de les étudier. Les auteurs de son temps s'adonnaient surtout à des formes poétiques brèves, marquées par une certaines préciosité, envahies de références aux grands prédécesseurs, extrêmement écrites. Apollonios détonne donc dans Les Argonautiques et ses près de 6000 vers, même si d'autres de ses créations, perdues aujourd'hui semblent correspondre davantage aux canons de son temps. Mais bien évidemment, il ne peut être question pour lui de refaire du Homère : l'époque est différente, les valeurs et la culture ne sont plus les mêmes.

Certains spécialistes font l'hypothèse de l'existence d'une épopée primitive qui aurait racontée les aventures de Jason et des Argonautes : Homère aurait pu en avoir connaissance, puisqu'il évoque les errances du navire Argô. Mais rien n'en est resté, et cette oeuvre reste une hypothèse. D'autres ont évoqué ces aventures mythiques censées se passer une génération avant la guerre de Troie, il nous reste une oeuvre du poète Pindare (la 4eme Pythique) dans laquelle il évoque en partie la geste de Jason et de ses compagnons. La Médée d'Euripide, qui se passe quelques années plus tard, rappelle certains éléments du voyage mythique. D'autres oeuvres perdues, dont quelques unes ont laissé un nom, ont existé. Apollonios, en savant diligent, les a connues et utilisées dans son poème. Mais ce dernier est aussi marqué par son époque : on retrouve des éléments empruntés aux poèmes de ces contemporains (Callimaque, Théocrite). le vocabulaire, qui reprend certaines expressions homériques, utilise aussi un vocabulaire précieux, en vogue à la date de la composition de l'épopée, une façon de rimer très différente de l'époque archaïque.

L'épopée est composée de quatre chants. Les deux premiers racontent la raison du voyage, la construction du navire, évoquent les participants, et narrent le voyage rempli d'aventures qui mène les héros jusqu'en Colchide. le troisième chant décrit comment Jason a pu, grâce à l'amour et aux secours de Médée, la fille du roi Aiétès, s'emparer de la Toison d'or, le but de son voyage. Enfin le quatrième chant conclut le périple par le difficile voyage de retour. Des moments de bravoure attendus sont présents : la traversée des Symplégades, les taureaux soufflant le feu, la bataille contre les hommes nés des dents du dragon, enfin la rencontre avec le dragon. C'est un grand récit d'aventures merveilleuses, d'exploits hors normes, de voyages au bout de la terre.

Mais Jason n'est pas un héros homérique : il est indécis, plus soumis au destin que prêt à le défier, recherchant le consensus plus que l'affrontement, quelque peu opportuniste, préférant utiliser l'ascendant amoureux sur Médée plutôt que la force brute de son bras. La place importante donnée à l'amour, avec des descriptions de la passion qui s'empare de Médée sont aussi la marque de l'époque hellénistique. C'est un personnage très fort, même si elle n'en est pas encore à tuer ses enfants, elle semble plus forte, plus volontaire, que Jason, malgré son jeune âge, plus héroïque et tragique que lui (mort de son frère).

Une oeuvre passionnante, à la langue un peu chargée parfois, bourrées de références, manquant sans doute de spontanéité, mais riche et troublante, ayant la couleur un peu fanée des oeuvres d'une époque finissante.
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