La chambre de Mariana

Otto est pessimiste, comme sa mère, qui ne cesse de dire : "Il y a des gens que la guerre rend plus forts. Moi, je lève les mains en l'air et je me rends. Je n'ai pas le courage de me battre pour un morceau de pain. Si c'est ça la vie, je suis prête à renoncer."

« La langue de Mariana était simple et sans fioritures, mais chacun de ses mots se transformait aussitôt en une image qui ne quittait pas Hugo de la journée, et jusqu'au lendemain parfois »

- Le désordre me rend folle et, ici, tout le monde se moque de l'ordre et de la propreté.
- Pourquoi ? demanda Hugo, quelque peu imprudent.
- Parce que chacun ne s'occupe que de soi.

Si on me tue, ne m'oublie pas. Tu es la seule personne au monde en qui j'ai confiance. J'ai enfoui une part de mon âme en toi. Je ne veux pas quitter ce monde sans te laisser quelque chose.Je n'ai ni argent ni or. Prends mon amour, cache-le dans ton cœur et, de temps en temps, dis-toi : "Il était une fois Mariana. C'était une femme meurtrie, qui n'avait pas perdu la foi de Dieu."

Alors seulement il comprit que Mariana avait bel et bien deviné ce qui s'était produit, mais dans la quiétude de leur dernier refuge, ses propos lui avaient semblé être le fruit de ses divagations et de ses peurs. Un soir, elle lui avait dit clairement : "Si on me tue, ne m'oublie pas. Tu es la seule personne au monde en qui j'ai confiance. J'ai enfoui une part de mon âme en toi. Je ne veux pas quitter ce monde sans te laisser quelque chose. Je n'ai ni argent, ni or. Prends mon amour, cache-le dans ton cœur et, de temps en temps, dis-toi : "Il était une fois Mariana. C'était une femme meurtrie, qui n'avait pas perdu la foi en Dieu."

Hugo retourna dans son réduit en pensant: < Je dois tout écrire, afin de me souvenir de ce que j'ai vu et entendu. Maman sursautera et s'exclamera: " Grands Dieux !" Mais papa l'acceptera avec humour. Tout ce qui est étrange ou différent l'a toujours amusé.Il dira: " Notre fils n'est sans doute plus le petit Hugo que nous avons connu. Il a grandi avant l'heure. On ne va quand même pas le battre à cause de cela.">

Il posa la valise et le sac. Libéré de son fardeau, il releva quelques évolutions : les Ukrainiens avaient pris la place des Juifs aux premiers étages des maisons. Aux fenêtres et sur les balcons se tenaient des femmes et des enfants qui bavardaient en riant. (...)
Il errait dans les rues de sa ville natale comme un homme revenu après de longues années d'absence. Personne ne le reconnaissait, personne ne bénissait son retour.

Hugo, petit garçon qui va vivre à cause de la guerre et de la folie des hommes, sans sa mère, mais protégée par une sorte de seconde mère, prostituée, un peu alcoolique et désabusée ... Même si Mariana est amour / désir / souffle de vie, on suit la vie d'Hugo et on attend comme lui, le retour de sa mère. Retour qui comme des millions d'autres ne seront pas au rendez-vous.

Alors qu'il s'apprêtait à quitter le quartier, un vieil homme le héla :
- Qui es-tu ?
- Je m'appelle Hugo Mansfeld.
- Que fais-tu là ?
- Je suis venu voir notre maison.
- Sors d'ici, que je ne te voie plus ! gronda le vieux en agitant sa canne.
Hugo pressa le pas et regagna très vite la place, parmi les réfugiés.