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3,76

sur 123 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le garçon qui voulait dormir raconte l'arrivée d'un adolescent juif en Palestine mandataire. Après avoir connu le ghetto et les camps, Erwin (qui deviendra Aharon) se réfugie régulièrement dans l'hypersomnie pour retrouver en songe ses parents disparus pendant l'holocauste. A la suite du récit de son adaptation au kibboutz, censé faire de lui un homme nouveau grâce au maniement de la bêche et du fusil, le roman illustre largement son long et difficile apprentissage de l'hébreu qui éveille chez lui une mélodie oubliée, tout droit sortie des prières de ses grands-parents. Elle le réveillera totalement en lui donnant le goût de l'écriture.

Sans trop savoir pourquoi j'ai toujours eu quelques difficultés à considérer A. Appelfeld comme un écrivain israélien. Lui même ne se définissait pas comme tel mais plutôt comme « un Juif écrivant en Israël ». Je crois en avoir compris la raison en lisant ce roman car même s'il a changé de prénom et de nationalité, adopté une autre langue et un autre mode de vie, son "moi profond" est toujours resté sur les lieux de son enfance, en Europe de l'Est, là où sont profondément ancrées ses racines. Et ce sont ses écrits qui lui permettent, bien mieux que les rêves, de maintenir vivant le passé, ceci en refusant l'anéantissement de la mémoire et l'aplatissement de l'âme.
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C'est un très bon documentaire sur France 3 cet été qui m'a permis de découvrir Aharon Appelfeld, auteur israëlien considéré comme l'un des plus grands écrivains juifs de notre temps.

« le garçon qui dort », c'est le jeune Erwin, 17 ans, rescapé des camps. Erwin a perdu toute sa famille, son environnement familier. le sommeil est un échappatoire qui lui permet de survivre à ce qu'il vient de vivre. Il fait partie d'un groupe de réfugiés apatrides qui, après une longue errance en Europe, se retrouve près de Naples. Erwin a bien souvent été porté par ses compagnons alors qu'il était endormi. Ceux-ci ne voulaient pas le réveiller, pensant qu'il devait vivre de merveilleuses choses dans son sommeil.

Erwin est enrôlé par un émissaire de l'Agence Juive pour venir grossir les rangs des pionniers d'Israël. Il va suivre avec d'autres jeunes hommes un entraînement physique poussé, un apprentissage intensif de l'hébreu. Il lui sera également imposé de changer de prénom : Erwin deviendra Aharon.

Aharon n'a qu'un rêve, qu'une ambition : devenir écrivain. Mais comment peut-on écrire quand on a perdu sa langue maternelle ? Est-il possible de faire passer des images, des sentiments dans une langue que l'on vient d'apprendre ?

Aharon, qui a toujours autant besoin de sommeil, trouvera la réponse auprès de sa mère avec laquelle il a de longues discussions dans ses rêves.

J'ai aimé ce roman car j'ai découvert un pan de l'histoire de l'état d'Israël que j'ignorais. J'ai aimé la sensibilité de l'écriture et le questionnement de son auteur.

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Erwinn, l'enfant du sommeil a été porté par les réfugiés qui ont veillé sur lui endormi, de train en train, de camion en camion de carriole en carriole, de Bucovine jusqu'à Naples où commence le récit, attendant l'embarquement pour la Palestine.

Efraïm est venu entraîner les adolescents: entraînement physique, mais aussi apprentissage de l'hébreu. Les jeunes apprennent sans livre ni cahier, répétant en courant les poèmes de Rahel, de Lea Goldberg, de Nathan Alterman '"judaïsme des muscles" censé les régénérer et les distinguer des réfugiés les séparer de ce qu'ils avaient vécu, le ghetto, les cachettes.... Il semble que le rêve récurrent du XXème siècle a été de forger un homme nouveau. Faire des Juifs hébraïsants, musclés, bronzés, combattants capable de défendre le Yichouv qui n'est pas encore l'État d'Israël. L'entraînement continuedans une colonie agricole où les jeunes gens construisent des terrasses, y apportent la terre, plantent des arbres et perfectionnent leur hébreu dans la lecture de la Bible. La métamorphose ne se fait pas sans résistance. La pierre d'achoppement est le nom hébreu qui doit remplacer le nom donné par les parents.

"on ne change pas de nom, tout comme on ne change pas de langue maternelle. le nom c'est l'âme. En changer c'est ridicule." Ce mot ridicule désignant chez mon père non seulement une dys-harmonie mais aussi une forme de bêtise"

Le héros du livre résout cette contradiction, et la douleur de la perte de ses parents par le sommeil. le garçon qui voulait dormir retrouve sa mère, son père et les amis de celui-ci, sa maison, à Czernowitz (Bucovine). Il dialogue avec eux dans sa langue maternelle - l'Allemand, rarement nommé. Il leur raconte sa nouvelle vie, ses progrès, ses projets de devenir écrivain comme son père. Dans la maison de son enfance, la vie tournait autour des livres, des livres écrits par le père, refusés par les éditeurs, de la littérature allemande, de Zweig, Schnitzler et surtout de l'admiration pour Kafka.

L'action se déroule juste avant la Déclaration d'Indépendance d'Israël et après pendant la guerre qui l'a suivie. Pourtant ce n'est pas un récit héroïque. le narrateur est touché gravement aux jambes dès sa première escarmouche. La suite du récit se déroule donc à l'hôpital puis dans une maison de convalescence. Plusieurs de ses camarades y sont également blessés. Pendant deux ans il lutte pour retrouver l'usage de ses jambes. Relier ses jambes à son corps. Il copie la Bible pour relier les lettres hébraïques à ses doigts. Car c'est en hébreu qu'il écrira ses livres. Apprentissage physique de la langue. Rapport très étroit au texte.

Ambiguïté aussi de son lien au sacré, à la prière. le monde de son enfants, intellectuels éclairé était loin de la religion. La venue en Palestine était aussi une démarche laïque "nous sommes venus dans ce pays pour vivre la réalité et dans la réalité tu dois chasser le verbe "prier" de ta tête. Les Juifs ont bien assez prié comme ça même trop" déclare un des convalescents qui le voit copier la Genèse.

Relier la langue au corps est le fil conducteur de ce livre complexe se déroulant dans deux lieux intimes: rêves de l'enfance en Bucovine et dans la réalité d'Israël qui se construit .



Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Un ouvrage très fort et très original. Ce garçon qui dort par journées entières, pour oublier son vécu, pour éviter de se poser les questions et de se confronter à la mort de ses proches et à la disparition de son univers, c'est Appelfeld lui-même. le livre interpelle, déroute, bouleverse. Une lecture simple, qui interroge fortement sur nos souvenirs, nos valeurs, nos choix, subis ou non.
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De Naples en Israël, de la guerre à une autre guerre, le livre raconte avec retenue et sensibilité, le retour à la vie d'un garçon condamné à se construire une nouvelle identité.
Il le fera dans un pays qui fait le même chemin , en sortant du sommeil où sa mémoire le plonge régulièrement, comme un refus obstiné de cette fuite vers l'avenir, loin de ses racines et de ses parents qu'il ne reverra jamais.
Récit autobiographique, magnifiquement traduit, un témoignage vibrant de ce que peut être la résilience.
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Un bien beau roman... Pas vraiment trés romanesque dans le fond, puisque plus proche du rêve et de la poésie que d'une intrigue solidement ficelée. Aharon (né Erwin) a échappé à bien des dangers. Il se retrouve réfugié à Naples, sans trop savoir comment il est arrivé là. En effet il a dormi aussi longtemps que possible et il doit la vie sauve à d'autres réfugiés, dont il ignore les identités. A Naples il est incorporé dans un groupe de jeunes hommes, menés par un certain Efraïm, qui inculque discipline physique et morale pour un départ vers la Palestine. Mais Aharon ne peut s'empêcher de céder au sommeil, qui lui permet de retrouver sa langue natale et sa famille. Cette volonté de ne pas perdre sa langue et ses souvenirs, alors qu'il fait de gros efforts pour maîtriser l'hébreu, l'amènera à l'écriture. Ce n'est pas un roman très démonstratif, ni plein de certitudes.
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Un texte bouleversant sur la perte de la langue maternelle (l'allemand) et sur l'apprentissage d'une langue "neuve" (l'hébreu), qui retrace l'expérience des rescapés de la Shoah qui, comme l'auteur et le personnage principal de ce roman, ont construit l'État d'Israël.
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J'ai découvert le nom d'Aharon Applefeld par l'intermédiaire de l'excellent livre de Philip Roth "Opération Shylock : une confession" où le narrateur dépressif se rend en Israël pour interviewer le grand écrivain de langue hébraïque.
Et la langue est justement un des thèmes majeurs de cette fiction en partie autobiographique : l'apprentissage mais aussi l'imprégnation à l'hébreu en recopiant inlassablement des textes bibliques apporte progressivement au jeune narrateur Erwin (renommé Aharon à son arrivée en Palestine mandatée) une rédemption et une renaissance finale dans l'écriture. Aharon Applefeld évoque d'ailleurs son identification au jeune héros : « Comme Erwin, j'ai compris que je ne pourrais jamais plus communiquer avec mes ancêtres dans ma langue maternelle devenue celle des assassins. C'est pourquoi je me suis lancé dans l'hébreu. Chaque jour, je recopiais un passage de la Bible. Ce fut non pas un apprentissage grammatical ou intellectuel, mais la lente construction d'un lien intime passant par la musique et la couleur des mots. »
Ce roman permet aussi d'appréhender un épisode historique en arrière fond, l'exode en Palestine, l'enrôlement des jeunes rescapés de la Shoah dans les forces paramilitaires sionistes, la guerre d'indépendance de l'Etat d'Israël, les multiples difficultés d'intégration des émigrés d'Europe orientale, rescapés de la Shoah, dans un Etat en construction et qui veut faire table rase du passé traumatique…
La Shoah, elle n'est jamais abordée directement dans le récit : le sujet est plus le passage d'un monde à un autre, un travail de deuil progressif qui se fait dans le refuge dans le sommeil. Erwin y dialogue avec ses parents et toute sa famille disparus, il y revit des scènes de son enfance dans sa Bucovine natale dans un contexte parfois d'étrangeté et d'angoisse ou parfois de bonheur perdu. Avec une espérance finale, une fois que le processus du deuil s'achève : la renaissance possible par l'intermédiaire de l'écriture dans une langue neuve (bien que très ancienne).
Pourtant, malgré la richesse des thèmes abordés et des multiples questionnements que ce livre aborde, je reste un peu sur ma faim. Difficile d'expliquer pourquoi. Cela tient peut-être à une deuxième partie du roman un peu répétitive sur les processus de reconstructions physique et psychique du jeune héros narrateur. Cette lenteur, probablement voulue par l'auteur, est sûrement responsable du bémol dans mon impression globale, impression qui reste malgré tout très favorable.
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Erwin a dix-sept ans à la fin de la guerre. Après une longue errance à travers l'Europe il arrive à Naples avec le groupe de réfugiés dont il fait partie. le jeune garçon est connu de tous comme “le garçon qui dort” car il a passé tout le voyage plongé dans le sommeil. Devenu apatride, sans famille, le jeune garçon est enrôlé par un envoyé de l'Agence Juive auprès de qui il va apprendre l'hébreu et suivre un entraînement quasi militaire avec d'autres adolescents. le but est de les préparer à une nouvelle vie dans l'Etat d'Israël qui va émerger. Arrivé sur place, Erwin devient Aharon. Blessé durant l'un des combats de la guerre d'Indépendance, il est hospitalisé de longs mois et retrouve son habitude de se réfugier dans le sommeil. C'est là qu'il retrouve ses parents avec qui il a de longues conversations. de phases de sommeil en discussions avec ses médecins, ses camarades et les pionniers dont il croise la route, Aharon finit par prendre une décision d'importance : prendre la relève de son père et devenir écrivain.

Ce livre est un long questionnement. Erwin doit reconstruire sa vie après avoir traversé le pire et perdu sa famille. Cette reconstruction doit-elle obligatoirement passée par l'abandon de sa langue natale et de son nom ? Doit-il faire du rêve de son père son propre rêve et devenir écrivain ? Et comment le devenir en écrivant dans une langue qui n'est pas la sienne et qu'il ne maîtrise pas encore complètement ? Est-ce que la vie est plus intense lorsqu'on la rêve ?

Au fil du récit, Erwin renoue les fils de son histoire, retisse les liens avec les siens grâce à ses phases de sommeil, apprivoise Aharon, son autre moi, et sa nouvelle vie. C'est un livre plein de profondeur, écrit dans un style tout en sobriété qui va à l'essentiel mais sans mettre de côté l'émotion.

Un livre-témoignage fort.
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Roman poignant d'un exode vers la terre promise, et la reconstruction d'un jeune homme, après les camps, grâce au langage
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