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Jacques Allard (Éditeur scientifique)Bernard Beugnot (Préfacier, etc.)Claude Sabourin (Éditeur scientifique)
EAN : 9782894061176
290 pages
Bibliothèque Québécoise (17/01/1996)
3.96/5   80 notes
Résumé :
En Suisse, un révolutionnaire québécois a la mission d'abattre un agent lié aux forces fédéralistes canadiennes. Roman de la révolution, de la rencontre, de l'amour et du pays, lesquels marquent autant d'échecs et d'inachèvements, Prochain épisode est sans contredit le maître-ouvrage d'Hubert Aquin. Ses qualités lyriques et narratives n'ont échappé ni à la critique ni au public, qui lui ont réservé un accueil enthousiaste dès sa parution, en 1965. Suivant le rythme ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
D'Hubert Aquin, je ne connaissais que le nom, pour y avoir mis les pieds plusieurs fois : un pavillon porte son nom à l'Université du Québec à Montréal, où j'ai fait ma scolarité. Je me suis souvent demandé ce qu'il avait fait et promise qu'un jour je lierai un de ses ouvrages.
Militant de la première heure pour l'indépendance du Québec, révolutionnaire engagé, Aquin rejoint les rangs du Fond de libération du Québec (FLQ), en 1964. Il fut arrêté la même année à bord d'une voiture volée et en possession d'une arme à feu. Il plaidera la folie passagère, sur les conseils de son avocat, mais s'en voudra énormément, considérant cet acte comme de la lâcheté. Ainsi donc, il ira en institut psychiatrique pour évaluation, dans l'attente de son procès.
C'est dans ce contexte qu'il écrira Prochain épisode, son roman le plus célèbre et étudié. Cette oeuvre, qui narre l'histoire d'un révolutionnaire emprisonné, est à la limite d'être un récit véridique. Bien que l'histoire d'espionnage tienne une place prépondérante dans ce court roman, ce sont surtout les réflexions personnelles qui m'ont séduite. Le lecteur alterne dans un incessant va-et-viens entre la fiction et la réalité d'un homme en institution. Troublant au début, il ne faut pas chercher à comprendre, le lecteur doit seulement lire les phrases pour ce qu'elles sont, et ce laisser imprégner par cette atmosphère particulière.
Le roman est déroutant, certes, mais très intelligent. La plume est poétique, les mots regorgent de sens. Comme une photographie du tumulte de cette époque trouble de notre Histoire. Un roman captivant. Une ode à la liberté, autant individuelle que collective.
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« Prochain épisode », d'Hubert Aquin est présenté comme étant un livre d'espionnage. D'ailleurs, le synopsis tient en quelques mots… Un révolutionnaire québécois doit retrouver en Suisse un agent des forces fédéralistes canadiennes afin de le tuer. L'histoire est simple, mais l'écriture ne l'est pas… Non, cette dernière est vertigineuse. Saisissante ! Finalement, est-ce une histoire d'espionnage que raconte Hubert Aquin ?

Pour moi, ce roman est tout sauf un roman policier. Certes, l'intrigue est là, présente et palpable, et on se demande si le meurtre aura bien lieu, mais ce n'est pas l'essentiel du livre. de plus, l'histoire est double… Ainsi, il y a l'intrigue du narrateur révolutionnaire québécois qui prend en chasse un homme et il y a l'histoire du (vrai) révolutionnaire québécois qui écrit ce livre enfermé dans un asile psychiatrique. Au final, que reste-t-il ? Eh bien, un véritable chef-d'oeuvre… Dans ce texte, nous ne savons jamais très bien où nous sommes, nous goûtons aux phrases qui nous emportent littéralement et nous aimons…

« Je ne sais pas ce qui se passe en moi. Soudain j'ai des sueurs. Il prend une envie folle d'éclater, de hurler aux loups et de donner des coups de pieds sur les murs lambrissés. Une angoisse intolérable s'empare de moi : le temps qui me sépare de ma sentence m'épuise et me met hors de moi. Toute ma force coule de ma bouche en une hémorragie de blasphèmes et de cris. Enfin pourquoi dois-je éprouver de telles secousses devant le vide insensé que je ne suis plus capable d'affronter ? »

Ce livre, c'est l'histoire d'un homme au bout du rouleau qui lutte et combat. Ce livre, c'est la confession d'un révolutionnaire brisé qui balance sa rage, son désespoir, son désir de liberté, sa frustration… Ainsi, dans un style halluciné et vertigineux le lecteur est emporté par un flot de phrases folles, comme un surfeur noyé par une vague, mais excité et heureux d'avoir pu sortir un peu la tête de l'eau avant de replonger… Inlassablement, j'ai replongé, je me suis de nouveau noyé dans le texte d'Hubert Aquin qui m'a fasciné et bouleversé. L'auteur québécois écrit dans un style tourbillonnant et à la fin du livre nous avons la tête qui tourne. Je n'ai pas pu lâcher ce livre que j'ai presque lu d'un coup. Parfois, il y a des livres qui vous collent à la peau des jours durant et « Prochain épisode » fait partie de ceux-là. Parfois, il y a des livres qui vous font déprimer, car vous vous dites que c'est comme ça que vous aimeriez écrire, mais que jamais vous n'y parviendrez et « Prochain épisode » fait partie de ceux-là. Moi, c'est comme lui que je voudrais savoir écrire. Vraiment ! Il me faut maintenant trouver qui je dois retirer de mon top 100 afin de rajouter ce livre d'Hubert Aquin.

Enfin, on peut et doit aussi analyser le texte comme étant celui d'un homme qui expose ses doutes. L'espion du livre ne sait plus, il ne semble plus croire au bien-fondé de sa mission. Celui-ci tergiverse, tournant en rond, se questionne et nous interpelle. On peut penser que l'auteur a ainsi voulu exprimer ses propres doutes quant à ses actions politiques. Il y a aussi de l'amour dans ce livre, l'amour d'une femme et d'un pays… Ainsi, à travers cette histoire d'espionnage, Hubert Aquin dresse l'autoportrait de ses émotions et réflexions. de son mal de vivre ? Fou ! Un livre fou ! « Prochain épisode » est un roman qui finit par vous plonger dans une certaine forme de mélancolie…

« Mon amour, tu es belle, plus belle vraiment que toutes ces femmes que je dévisage avec méthode. Ta beauté éclate de puissance et de joie. Ton corps nu me redit que je suis né à la vraie vie et que je désire follement ce que j'aime. Tes cheveux blonds ressemblent au fleuve noir qui coule dans mon dos et me cerne. Je t'aime telle que tu m'es apparue l'autre nuit, quand je marchais vers la place de la Riponne, pleine et invincible ; et je t'aime tumultueuse quand tu cries nos plaisirs. »

J'ai bien peur que ma petite critique ne rende pas assez bien compte de la qualité de ce texte (Prochain épisode) d'Hubert Aquin, publié pour la première fois en 1965. Cependant, sachez que ce roman fait partie des livres les plus étudiés des facultés littéraires québécoises. D'ailleurs, j'ai du mal à comprendre qu'Hubert Aquin ne soit pas plus connu en France, de même que Réjean Ducharme, Gérard Bessette et tant d'autres auteurs québécois modernes et qui ont participé à son essor. J'ai appris ça en lisant une thèse de doctorat consacré à Réjean Ducharme. Oui je sais, j'ai d'étranges lectures…
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L'auteur, incarcéré puis interné dans un institut psychiatrique, suite à sa déclaration de vouloir se lancer dans une révolution violente, se décrit dans son enfermement. Et écrit, invente une histoire d'espionnage qui se passe en Suisse. Comme une façon d'essayer de se libérer ? de se projeter dans un personnage d'espion efficace, libre comme le vent, et capable de déjouer ses ennemis ? Ce que j'ai le plus apprécié dans cette histoire d'espionnage, c'est l'humour, l'auteur écrit une histoire à la manière de, avec plein de clins d'oeil, des moments où il s'interroge à la suite à donner à son récit…Distanciée et pas vraiment réaliste, mais follement amusante.

En parallèle, il exprime sa souffrance dans son enfermement, dans son rapport à son pays et son histoire, d'une façon pudique et touchante. Les deux s'entremêlent comme d'évidence. Et puis l'histoire d'espionnage tourne mal, notre héros n'arrive pas à exécuter sa mission, à tuer l'homme qu'il devait tuer, et il perd trace de la femme qu'il aime. L'échec du personnage de fiction rejoint l'échec de l'auteur, ils se rejoignent et leur histoire se confond.

Je crois qu'un des passages clés est celui dans lequel est évoqué l'impuissance supposée De Balzac, quelque part ce livre est le livre de l'impuissance. L'impuissance d'obtenir l'indépendance, dans l'histoire et par une action violente contemporaine, l'impuissance à vivre son amour, et cette impuissance se matérialise de façon forte par l'enfermement. Et le personnage d'espion alter ego ne peut donc que se montrer impuissant à remplir sa mission. Malgré son sentiment de toute puissance de tout maîtriser à certains moments du récit.

L'écriture est belle entre oscillant entre la maîtrise (ou son illusion) et quelque chose de plus abandonné, de plus désarmé. C'est cérébral, bourré de références, intelligent et brillant. Et en même temps pathétique et triste. Un mélange étonnant. C'est au final très personnel et très original.
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Un incontournable en raison de la puissance narrative et lyrique de ce roman policier ou d'espionnage. Un livre digne d'une plume qui frôle le génie. Un personnage, le narrateur, se retrouve dans un hôpital psychiatrique et il raconte les événements qui l'ont mené là. Il parle d'actes terroristes commis pour libérer le Québec marqué par une révolution plus ou moins tranquille…. Une révolution qui ne mènera pas à l'indépendance du peuple québécois. le narrateur semble représenter cet échec. D'ailleurs, il souhaitait assassiner un agent fédéral au nom de la souveraineté.  En parallèle, il crie sa passion pour une femme dénommée K.
C'est la façon dont Hubert Aquin décrit l'amour qui vient me chercher dans ce récit. Comment rester de glace devant de telles citations, devant un tel rythme pour exprimer la passion amoureuse ?
-Dérouté, je descends en moi, Orient. Emprisonné dans un sous-marin clinique, je m'engloutis sans heurt dans l'incertitude mortuaire. Il n'y a plus rien de certain que ton nom secret, rien d'autre que ta bouche chaude et humide, et que ton corps merveilleux que je réinvente, à chaque instant, avec moins de précision et plus de fureur. Je fais le décompte des jours à vivre sans toi et des chances de te retrouver quand j'aurai perdu tout ce temps : comment faire pour ne pas douter ? (p. 10-11)
-Puis un jour, j'ai frémi de te savoir nue sous tes vêtements ; tu parlais, mais je me souviens de ta bouche seulement. Toi tu parlais en attendant et moi j'attendais. Nous étions debout, tes cheveux s'emmêlaient dans l'eau-forte de Venise par Clarence Gagnon. C'est ainsi que j'ai vu Venise, au-dessus de ton épaule, noyée dans tes yeux bruns, et en te serrant contre moi. Je n'ai pas besoin d'aller à Venise pour savoir que cette ville ressemble à ta tête renversée sur le mur du salon, pendant que je t'embrassais. Ta langueur me conduit à notre étreinte interdite, tes grands yeux sombres à tes mains humides qui cherchent ma vérité. Qui es-tu, sinon la femme finie qui se déhanche selon les strophes du désir et mes caresses voilées ? (p. 31)
-Les siècles défilent à longueur de nuit sous les fenêtres de notre amour. Mais je t'ai perdue mon amour ; et toute cette musique a cessé de me griser. J'ai besoin de te revoir. Sans toi, je meurs. le paysage immense de notre amour s'assombrit. Je ne vois ni le piédestal ravagé des Hautes Alpes, ni les grandes coulées mortes des glaciers. (p. 97)
Cette façon de parler de l'être aimé vient rejoindre ma fibre de lectrice, elle me confine dans un tourbillon mélancolique d'émotion …C'est beau, c'est fort, c'est lyrique… et il est en de même lorsqu'Aquin parle de son amour du Québec. Une plume vertigineuse entraînant le lecteur dans une fureur de vivre et de mourir… Une plume où la fureur d'aimer transcende les pages dans une fuite intemporelle… Aimer jusqu'à en mourir…
https://madamelit.me/2017/08/30/madame-lit-une-ecrivaine-ou-un-ecrivain-par-mois-aout-2017-hubert-aquin/
Lien : https://madamelit.me/2017/08..
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Un texte très lourd mais surtout qui est du ressort du génie. Cet imbrication de scènes à l'hôpital où l'on se perd avec des scènes de roman policier m'ont enthousiasmée.
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Depuis l'âge de quinze ans, je n'ai pas cessé de vouloir un beau suicide : sous la glace enneigée du lac du Diable, dans l'eau boréale de l'estuaire du Saint-Laurent, dans une chambre de l'Hôtel Windsor avec une femme que j'ai aimée, dans l'auto broyée l'autre hiver, dans le flacon de Beta-Chlor 500 mg, dans le lit du Totem, dans les ravins de la Grande-Casse et de la Tour d'Aï, dans ma cellule CG19, dans mes mots appris à l'école, dans ma gorge émue, dans ma jugulaire insaisie et jaillissante de sang! Me suicider partout et sans relâche, c'est là ma mission. En moi, déprimé explosif, toute une nation s'aplatit historiquement et raconte son enfance perdue, par bouffées de mots bégayés et de délires scripturaires et, sous le choc noir de la lucidité, se met soudain à pleurer devant l'immensité du désastre et de l'envergure quasi sublime de son échec.
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Pendant que nous devenions l'épicentre du monde, une sérénité accomplie succédait à la déchirure du plaisir. En cet instant, sur ces rochers oubliés par l'érosion et au milieu de notre éblouissement, plus rien ne faisait obstacle à mon euphorie : je dérivais dans la plénitude. J'avais reçu l'investiture de l'amour et de l'aube. Quelque chose de glorieux opérait en moi, pendant que le soleil épuisé descendait avec les eaux du Rhône et que K, frileuse ou mélancolique peut-être, se rapprochait tendrement de moi.
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J'écris d'une écriture hautement automatique et pendant tout ce temps que je passe à m'épeler, j'évite la lucidité homicide. Je me jette de la poudre de mots plein les yeux. Et je dérive avec d'autant plus de complaisance qu'à cette manœuvre je gagne en minutes ce que proportionnellement je perds en désespoir.
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La route paisible qui va d’Acton Vale à Durham-sud, c’est le bout du monde. Dérouté, je descends en moi-même mais je suis incapable de m’orienter, Orient. Emprisonné dans un sous-marin clinique, je m’engloutis sans heurt dans l’incertitude mortuaire. Il n’y a plus rien de certain que ton nom secret, rien d’autre que ta bouche chaude et humide, et ton corps merveilleux que je réinvente, à chaque instant, avec moins de précision et plus de fureur. Je fais le décompte des jours à vivre sans toi et des chances de te retrouver quand j’aurai perdu tout ce temps : comment faire pour ne pas douter? Comment faire pour ne pas bénir le suicide plutôt que cette usure atroce? Tout s’effrite au passé. Je perds la notion du temps amoureux et la conscience même de ma fuite lente, car je n’ai pas de point de repère qui me permette de mesurer ma vitesse. Rien ne coagule devant ma vitrine : personnages et souvenirs se liquéfient dans l’inutile splendeur du lac alpestre où je cherche mes mots. J’ai passé vingt-deux jours loin de ton corps flamboyant. Il reste encore soixante jours de résidence sous-marine avant de retrouver notre étreinte interrompue ou de reprendre le chemin de la prison. D’ici là, je suis attablé au fond du lac Léman, plongé dans sa mouvance fluide qui me tient lieu de subconscient, mêlant ma dépression à la dépression alanguie du Rhône cimbrique, mon emprisonnement à l’élargissement de ses rives. (p. 10-11).
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La psychiatrie est la science du déséquilibre individuel encadré dans une société impeccable. Elle valorise le conformisme, celui qui s'intègre et non celui qui refuse; elle glorifie tous les comportements d'obéissance civile et d'acceptation. Ce n'est pas seulement la solitude que je combats ici, mais cet emprisonnement clinique qui conteste ma validité révolutionnaire.
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Videos de Hubert Aquin (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hubert Aquin
Camille Bui, maîtresse de conférence en cinéma, nous parle de la manière dont les villes sont filmées dans les documentaires canadiens. du cinéma direct aux films les plus récents, cinéastes francophones et anglophones montrent les villes canadiennes, et notamment de Montréal, comme des milieux habités, multiculturels et en mutation. Le podcast Pour une poignée de docs explore des sujets qui traversent les documentaires programmés par la Cinémathèque du documentaire à la Bpi. Il est produit par Balises, le magazine de la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou. Cet épisode a été préparé et réalisé par Marion Carrot, avec l'aide de Marion Bonneau. Musique du générique de début : Danijel Zambo Musique du générique de fin : Raymond Lévesque (extrait) Extraits entendus : Village mosaïque Côte-des-Neiges, de Lucie Lachapelle (1996) © Office national du film du Canada À Saint Henri le 5 septembre, de Hubert Aquin (1962) © Office national du film du Canada Les Voleurs de job, de Tahani Rached (1980) © ACPAV Le Plan, d'Isabelle Longtin (2011) © Office national du film du Canada Où êtes-vous donc ?, de Gilles Groulx (1969) © Office national du film du Canada La P'tite Bourgogne, de Maurice Bulbulian (1968) © Office national du film du Canada
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