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Critique de tamara29


« Aurélien » est un roman d'amour mais il est surtout un roman sur l'amour et les difficultés d'aimer. Sur l'amour impossible.
Dans le Paris des années vingt, encore meurtri par la première guerre mondiale, baigné dans une ambiance artistique (Montmartre, des peintres comme Picasso, Monet, des écrivains, des musiciens et le jazz), autour de la relation principale entre Aurélien et Bérénice, d'autres personnages vont se croiser, s'aimer, se désaimer.
C'est pour Aragon l'occasion dans ce roman de nous faire nous interroger sur ce que c'est qu'« aimer », sur ce qui fait qu'on est et/ou qu'on tombe amoureux.
Qu'est ce qui nous fait nous éprendre de quelqu'un plutôt que d'un autre ? Avec cette conscience des défauts (beauté, caractères, différence sociale) de cet autre qui ne nous auraient pas attirés normalement, de manière rationnelle ? Mais l'amour, bien sûr, n'est pas rationnel car ''l'amour a ses raisons que la raison ignore''.
Se laisse-t-on croire qu'on aime l'autre alors que ce n'est peut-être que le besoin de ressentir une émotion, l'envie d'aimer ? Aime-t-on l'autre juste parce qu'on a envie d'être aimé(e) en retour ? Aime-t-on l'image que l'on se fait de l'autre, ce qu'il représente à nos yeux et non pas ce qu'il est véritablement ? (la cristallisation De Stendhal : ''en un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce qu'on aime''.)
Par l'entremise de la relation entre Aurélien et Bérénice, Louis Aragon nous expose tout le cheminement amoureux, décortiquant les étapes, les paliers, et analyse avec justesse tous les sentiments et actes qui peuvent en découler. de la naissance de l'amour, de ces moments de bien-être, de félicité aux pires souffrances.
La première fois qu'Aurélien voit Bérénice, il n'y prête presque pas garde, la trouvant mal apprêtée, provinciale, peu jolie. La construction de cet amour n'est donc pas ici « telle une évidence », induite par une attirance physique classique. Plus complexe ou retors, c'est son entourage qui sera le déclencheur de son attention pour elle : son ami, Edmond, avec qui il a fait la guerre, lui parle de Bérénice -sa cousine- et lui fait maintes fois sous-entendre (pour servir ses propres intérêts) que celle-ci est attirée par lui, et fait germer ainsi son intérêt pour elle, telle une chrysalide qui, peu à peu, va se transformer en véritable passion. Sans parler peut-être aussi d'une sorte de défi personnel de se faire aimer d'une femme mariée.
Tout l'amour avec un grand A et ses variantes sont présents, interprétés par les différents personnages du roman : la femme qui n'est plus dans la fleur de l'âge et qui cherche encore à séduire. La femme fatale. le mari infidèle qui reste avec sa femme pour son argent ou le statut social. Celle qui aime l'autre parce que celui-ci la repousse ou ne l'aime pas (''Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis''). le désir physique avec les filles de joie. L'asservissement ou l'acceptation des infidélités du conjoint, jusqu'à s'en faire mépriser (le mari médecin de Rose Melrose ou encore le mari pharmacien de Bérénice). L'amour interdit (avec Bérénice).
Ce roman n'est pas un roman à l'eau de rose, les deux personnages principaux ne sont pas forcément ni beaux ni sans défauts. Et ils ne se marièrent pas et n'eurent pas beaucoup d'enfants.
Parce que, si Aragon nous montre les instants de bonheur : les étincelles dans les yeux, le sourire aux lèvres toute la journée, les petits papillons dans le ventre (Ahhh, ''vertige de l'amour'')…, il sait tout autant nous rappeler, si besoin est, qu'il y a tous les autres moments plus douloureux, toutes les affres quasi obligatoires autour de l'amour.
Celui qui rend jaloux. Celui qui rend fou (''Aimer à perdre la raison...''). Cette passion vécue qui fait mal, qui nous malmène, nous enferme, nous plonge dans la tristesse et la dépression. Ces lieux où l'on erre dans l'espoir de croiser l'être aimé. Cette envie de mourir pour l'absence de l'autre, du non-amour de l'autre. Cette attente perpétuelle d'un message, d'un appel, d'une entrevue. le silence qui ronge.
L'auteur décrypte aussi tous les effets, les causes et conséquences : les émois, les emballements, les égarements, les actes manqués, les quiproquos, les mensonges qu'on dit même pour plaire à l'autre, les attentes, les bleus à l'âme, les états d'âme, les mille réflexions qu'on se ressasse, les tourments, les accès de rage, les excès de violence, les vengeances, les espoirs, les actions dans lesquelles on se jette pour fuir et oublier l'autre… et quelques retrouvailles.
L'amour dans tous ses états. L'amour et tous ses sortilèges.
Aragon n'est pas toujours tendre avec ses personnages comme l'amour ne l'est pas toujours. Il nous les présente sous un éclairage parfois trop cru tels que nous sommes, quelquefois menteurs, calculateurs, pas forcément désirables ou attirants.
Certes, j'ai trouvé certains passages un peu longs et peut-être inutiles. Mais, Aragon n'est pas seulement un merveilleux poète, c'est aussi un auteur qui nous narre et décrit parfaitement les relations amoureuses et on sait bien, même en ce jour un peu spécial, que ''les histoires d'amour finissent mal, en général''. Même après sa rencontre avec Elsa, considère-t-il toujours qu' ''il n'y a pas d'amour heureux'' ?
Personnellement, Aragon m'a fait revivre certaines de mes relations, par des flashs, pour un simple mot, pour un simple état lié à l'amour.
Mais, plutôt que d'en ressasser encore les imperfections, les erreurs et les peines, parce qu'à force d'avoir répété sans cesse le mot « amour », j'ai envie de finir ce billet par une note plus naïve et inconsciente, par un oubli de la raison et du discernement. Se laisser aller, accepter de lâcher prise, s'ouvrir à l'autre, se laisser emporter, vibrer, ressentir, jusqu'à en oublier tous les risques et souffrances encourus, parce que ''la vie ne vaut d'être vécue sans amour''…
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