"Silver Spoon" est un manga de type « school life », plein de bonne volonté, plein de bonne humeur, mais surtout d'une réjouissante fraîcheur en plus d'être une ode à l'amitié et à la solidarité !
C'est avec beaucoup d'humour qu'on nous présente Yûgo Hachiken, un adolescent qui pour rompre avec sa famille et la compétition scolaire a choisi un établissement où il compte briller sans trop se fouler… Au lycée agricole Ohezo il se retrouve sans aucune expérience de la ruralité dans une classe peuplée d'enfants de paysans qui comptent bien devenir paysans à leur tour, et alors que chacun a un destin déjà tracé lui n'a strictement aucune idée de ce qu'il veut faire de sa vie, ce qui accentue son malaise avant qu'en travaux pratiques il ne soit obligé de manipuler volailles, porcins et bovins dans le cadre de la section « production animal »… C'est le choc culturel pour le personnage principal tant que pour le lecteur, volontiers citadins voire tokyoite, et nous découvrons le monde merveilleux de la campagne à travers les yeux ! ^^
Si on croise à l'occasion les élèves des sections sciences de l'agriculture, recherche agroalimentaire et ingénierie agricole et forestière, c'est les camarades de classe de Yûgo qui se taillent la part du lion : Aki Mikage, amoureuse des chevaux condamnée à reprendre la ferme de ses parents ; Ichiro Komaba, amoureux du base-ball, voisin d'Aki, qui a déjà plus ou moins repris la ferme de ses parents depuis la mort de son père ; Shinnosuke Aikawa, qui veut devenir vétérinaire mais qui ne gère pas spécialement bien ses relations à la vie et à la mort ; Tamako Inada, adoratrice du Veau d'Or qui ne jure que par l'argent et la loi du plus fort, et qui se voit déjà comme une actrice majeure de la guerre agricole mondiale (et qui perd et prend du poids à volonté, dans l'ordre de plusieurs dizaines de kilos ^^) ; l'espiègle Mayumi Yoshino qui compte bien ouvrir une fromagerie pour bonifier le lait produit par ses parents, Keiji Tokiwa, un bétin qui ne comprend rien à rien mais qui est prédestiné à reprendre l'élevage de volailles de ses parents ; Nishikawa Hajime, un paysan complètement otaku qui n'hésite pas à tuner tracteurs et chariots…
On nous décrit les petites exploitations familiales qui se battent pour survivre, les coopératives qui luttent pour presque autant pour exister que pour se développer, et les grosses boîtes productivistes qui mettent le pognon au-dessus de l'homme et de l'environnement… Pendant ce temps, on construit autour du personnage de Yûgo qui se prend d'affection pour Noisette le cheval, Côtelette le cochon et Vice-président le chiot tout une réflexion sur les relations entre hommes et animaux… Et ce dernier exclut d'emblée le végétarisme, car il comprend immédiatement qu'en s'engageant dans cette voie il condamne à l'extinction les animaux d'exploitation dont il veut améliorer la condition : inutile de dire que c'est autrement plus fin et autrement plus convaincant qu'Aymeric Caron dans "Antispéciste". Pourquoi ? Parce que la mangaka Hiromu Arakawa est native d'Hokkaido, issue d'une famille de paysans et est passée par les bancs d'un lycée agricole parce que ses parents ne pouvaient lui offrir mieux à l'image de nombreux personnages de son manga, et que donc elle connaît son sujet niveau ruralité et agriculture (dans tous les cas, mieux que les journalistes bobos hipsters qui s'aventurent guère au-delà du périphérique de Paris).
Il s'agit d'un tome 1 particulièrement riche puisqu'il présent tous les personnages et tous les thèmes de la série en moins de 200 pages…
Pour son premier jour, Yûgo à la poursuite d'un veau se perd dans la campagne d'Hokkaido et entre les portables qui ne captent pas et les panneaux « attention, ours méchants » il flippe à mort avant d'être ramené au bercail par la jolie Aki montée sur Black King, homonyme et sosie de Kokuo le monstrueux étalon de Raoh dans "Hokuto no Ken" ! le ton est donné : on est dans la grosse déconne !!! ^^
Entre les poules, les cochons, les vaches et les tracteurs, il découvre ses camarades de classe de la section « production animale » : il est incapable de décider s'ils sont idiots ou géniaux, et s'il est de loin le meilleur élève de sa classe, il enrage de n'être le premier dans aucune des disciplines enseignée… Nous faisons aussi connaissance avec quelques membre du corps enseignant : Mr Nakajima (= Monsieur Cheval), bouddha incarné qui professe l'amour et l'harmonie entre hommes et animaux, mais qui souffre d'addiction au jeu et a monté un atelier clandestin d'affinage de fromages, Mr Todoroki le professeur d'EPS sosie Alexander-Louis Armstrong de "Fullmetal Alchemist", ou les terribles professeurs de TP tous en treillis militaire et menés par un sosie de Lara Croft ! ^^
Mais en dehors de l'école, il également de plus haut un monde nouveau, celui des chevaux, avec le club d'équitation et les courses de chevaux ban-ei spécifique au Nord du Japon (Hokkaido et Tohoku, régions plus rurales que celle de le mégalopole centrée sur les plaines hyper urbanisées du Kantô et du Kansai)
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/66/Early_Morning_Training.jpg
Par contre les douches et les cantines militaires, les semi-marathons avant de commencer les cours, les clubs de sports obligatoires pour terminer les cours, les travaux physiques à toutes les heures de la journée, les manuels de statistiques à apprendre par coeur… C'est over-abusé, donc envoyons les pédagogues qui s'étranglent de rage rien qu'aux mots « travail » et « contrainte » aller faire un stage là-bas ! ^^
Nous savons tous que le système scolaire japonais est impitoyable, avec élitisme, compétition et sélection, mais démarrer la journée à 4 heures pour finir à plus de 22 heures, trop c'est trop ! C'est même contre productif puisque le corps ne peut plus se régénérer et l'esprit ne peut plus rien assimiler à part du bourrage de crâne… Exagération ou réalité ? Les chiffres de suicides et de crises de surmenage parmi les adolescents sont assez affolants au Japon… (encore que le taux de suicide des jeunes le plus inquiétant est celui de la Finlande, dont le système scolaire est réputé cool, fun et bienveillant : il faudra un jour que tous ceux qui en ont font une référence m'explique le pourquoi du comment)
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La particularité des shonen japonais est de constituer une structure narrative adaptable à des sujets très variés. C'est bien le schéma qui importe : un héros naïf, jeune, avec un objectif à réaliser et qui y sera aidé par des compagnons rencontrés au fur et à mesure du chemin, des embûches qui ne le rendent que de plus en plus fort. le thème choisi ici est vraiment original et peut se voir dès la couverture : la progression d'un héros venant de la ville au sein d'un lycée agricole.
Cela peut paraître d'un intérêt a priori limité, mais le récit est vraiment drôle et très bien mené. L'auteur déconstruit de nombreux clichés, s'en amuse, joue de la confrontation du citadin avec la réalité de la campagne. La confrontation physique avec les animaux est forcément sujette à de nombreux gags, mais c'est surtout la différence de vie entre les citadins et les gens issus du monde agricole qui est le plus souligné. Au delà des moments d'humour, il s'agit le plus souvent de belles leçons d'humanité qui permettent un regard plus profond sur la confrontation de ces deux mondes.
Tout en parvenant à rendre des moments loufoques, le dessin est plutôt plus réaliste que celui des mangas habituels, notamment dans le rendu des animaux. On évite ainsi la caricature et c'est l'outrance passe plus, comme souvent dans les shonen, par la retranscription des émotions des personnages. La précision dans le rendu des installations agricoles est également impressionnant et plonge dans un réalisme assez rare dans le genre.
Le mystère entretenu sur les réelles motivations du héros à ce changement de vie et les ambitions variés des différents autres personnages maintient vraiment un intéret tout au long du tome et donne particulièrement envie de continuer la découverte. Une lecture tentée un peu comme un pari par hasard et qui se révèle une vraie réussite, c'est toujours bien plaisant.
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Je remercie Babelio et les editions Kurokawa d'avoir proposé ce manga pour la dernière édition BD de Masse Critique, et de m'avoir sélectionnée !
J'avais déjà lu des avis positifs sur ce manga, et ayant beaucoup apprécié la série Full Metal Alchemist de la même mangaka, j'avais très envie de lire ce premier tome.
On est quand même dans un univers totalement différent de son précédent manga. Dans Silver Spoon on se retrouve dans le lycée agricole d'Ohezo, où Yûgo Hachiken fait sa rentrée dans la section « production animale », après avoir passé les examens d'entrée.
Chose assez surprenante, contrairement à la (quasi ?) totalité de ses camarades de classe, Yûgo n'a pas de famille travaillant dans le domaine agricole, et il n'a jamais mis les pieds dans une ferme avant cela !
On va vite apprendre que Yûgo a « atterri » dans ce lycée car il voulait être le meilleur élève partout.
Sauf qu'il va apprendre à ses dépens que si les matières traditionnelles (maths, français etc) sont importantes, les matières plus techniques concernant l'agriculture le sont encore plus !
Il y a beaucoup d'humour, à la fois dans le trait de la mangaka et dans les dialogues, et l'on sourit ou rit souvent des situations cocasses dans lesquelles se trouve Yûgo.
J'ai beaucoup aimé la découverte de Yûgo sur la provenance des oeufs de poule… C'est traité de manière très drôle mais sans en faire trop non plus. On sent qu'on se moque un peu du héros… mais finalement c'est surtout pour caractériser son côté très citadin.
On se rend aussi vite compte des difficultés du monde agricole : il faut se lever tôt, même pendant les vacances il faut s'occuper des champs et des bêtes, et il faut aussi faire face aux difficultés financières.
Ce manga est vraiment très intéressant pour ça, si on ne sait pas grand-chose de la vie dans les champs, on apprend des choses.
Je pense que ce manga est accessible aux enfants à partir de 9/10 ans et ça peut leur permettre de mieux connaître le travail dans ce domaine aussi.
Pour ceux qui ont aimé FMA, je dirai qu'ils ne seront pas déçus car on retrouve vraiment le même coup de crayon, et on voit que des personnages de Silver Spoon nous en rappellent certains de FMA (petit coup de nostalgie…), et on retrouve vraiment l'humour mais aussi le côté plus sérieux de certains sujets.
En bref, j'ai été conquise par ce premier tome, et je me languis de lire la suite !
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